3. Voyager à 130 km/h en Citroën ë-C3 l’hiver à trois, un enfer ?
Inutile d’enfoncer des portes ouvertes : tout le monde sait qu’une citadine électrique à petites batteries ne constitue pas le véhicule idéal pour partir en voyage. L’idée de ce reportage n’était pas de démontrer cette lapalissade, mais seulement de voir comment se comportait la ë-C3 dans une telle utilisation et dans les pires conditions possibles (puisque ça reste une voiture à la vocation populaire et polyvalente).
Dès les premiers tours de roue dans Paris, d’ailleurs, ses qualités rappellent à quel point ces machines-là excellent en milieu urbain. La ë-C3 bénéficie en plus d’une suspension franchement confortable et se montre d’une douceur remarquable à utiliser en ville. L’ambiance à bord dans sa finition Max haut de gamme (27 800€ avant bonus) fait même bonne impression et, non sans une certaine ironie compte tenu des problèmes reportés depuis la sortie de la voiture, l’interface Apple Carplay fonctionne parfaitement (mieux même que sur la plupart des modèles récents du marché occasionnant parfois des déconnections intempestives).
Dans la vie de tous les jours, j’aurais même tendance à penser que cette ë-C3 sera plus agréable que la Renault en raison de son amortissement très doux et de son habitabilité supérieure. Je me demande aussi si son design, beaucoup plus classique celui de la R5 sans pour autant verser dans l’ennui total dans sa finition haut de gamme, ne pourrait pas mieux vieillir que le style flamboyant de la citadine au losange qui risque d’en lasser certains quand elle fera partie du paysage quotidien (en supposant qu'on en croisera bientôt tout le temps).
Mais dans la froideur de l’hiver à 130 km/h sur l’autoroute, la ë-C3 ne fait pas de miracle. Elle nous déçoit même un peu dans ces conditions puisque son autonomie réelle, utilisée sur une plage comprise entre 15 à 80% de charge entre chaque arrêt de ravitaillement en électrons, dépassait à peine les 100 kilomètres sur les portions vallonnées et énergivores de l’A75 vers Montpellier. En raison du maillage moins bon que celui des A6 et A7, il fallait même parfois s’arrêter avec une batterie relativement chargée (à 25% lors de notre quatrième arrêt et à 44% lors du cinquième). Notez que pour ce trajet, nous avons décidé de couvrir la plus grande distance possible entre chaque arrêt de recharge. La voiture ne dispose pas de planificateur intégré mais les applications recommandaient des stratégies de charge similaires de toute façon.
Autre déception, la vitesse maximale de charge rapide. La ë-C3 revendique comme les autres citadines électriques de Stellantis 100 kW de puissance maximale de charge mais nous n’avons jamais pu dépasser les 91 kW en crête lors de notre voyage. La voiture promet un 20-80% en 26 minutes et nous avons constaté à plusieurs reprises un bon 30 minutes pour passer de 17-18% à 80%. Là encore, la température très basse pendant notre trajet (environ zéro degré sur la majorité du parcours) n’aide probablement pas à obtenir les meilleures capacités de charge.
Partis avec 100% de charge, nous avons réalisé six arrêts aux bornes entre Paris et Montpellier. Nous avons constaté une autonomie maximale réelle de 170 kilomètres environ sur la première partie du trajet (avec une quarantaine de kilomètres parcourus à des vitesses très au-dessous des 130 km/h en région parisienne), puis de 115 kilomètres en utilisant un peu plus de 60% des capacités de la batterie (généralement avec une batterie déchargée aux environs des 20% au moment de recharger et en débranchant à 80% de charge). En pratique, l’un de nos « relais » n’a duré que 53 kilomètres en raison de ce maillage de l’autoroute A75 moins pratique, où l’on a dû s’arrêter avec 44% d’autonomie restante faute de bornes rapides atteignables après.
Puis, entre Montpellier et Marseille, nous avons dû ajouter deux autres arrêts (il était possible d’en viser un seul mais en risquant d’arriver à la borne avec seulement quelques pourcents de batterie). D’après l’application Chargemap (utilisée ponctuellement sur notre trajet comme celle d’ABRP) configurée pour une ë-C3 avec une consommation moyenne fixée à 24 kWh/100 km, le trajet Paris-Montpellier nécessitait idéalement 2h57 de charge et le Montpellier-Marseille, 47 minutes de charge. Nous avons dépassé ce temps en raison de deux arrêts où nous avons préféré « perdre du temps » à manger plutôt que de repartir avec 80% de charge, mais ces durées annoncées paraissaient tout à fait faisables. Sur le Paris-Montpellier, nous avons mis au total un peu moins de 13 heures alors qu’il était théoriquement possible de le réaliser en moins de 10h30 avec des arrêts recharge parfaits. Mais nous avons perdu au moins une heure en séquences de tournage (sans doute plus) et une autre grosse heure à nous restaurer. Nous avons ensuite rechargé pendant 47 minutes entre Montpellier et Marseille. Soit un total de huit recharges en tout pour ce trajet d’un peu moins de 950 km réalisé quasi-exclusivement par l’autoroute. Précisons enfin que le trajet nous a coûté 144€ au total en charge rapide (via une carte Chargemap), alors que la même application prévoyait 105€ sur le même trajet (avec des choix de bornes parfois différents). La même estimation de Chargemap prenait-elle en compte ses commissions perçues en plus du prix de la recharge ?
Avec une grosse familiale comme la Volkswagen ID.7 Pro S, nous n’aurions probablement perdu qu’une petite heure de charge au maximum au lieu de plus de 3h45 dans le meilleur des cas ici : le confort de voyage en voiture électrique dépend encore beaucoup de la taille des batteries (dit-on en enfonçant une nouvelle fois des portes ouvertes). D’autant plus que la ë-C3 ne s’impose pas comme la citadine électrique la plus douée en la matière. Car en plus de la capacité de batterie inférieure à celle des Peugeot E-208 et autres Renault 5 E-Tech haut de gamme, elle semble consommer encore plus que ces dernières à 130 km/h sur l’autoroute. Faute de pouvoir compter sur l’ordinateur de bord (n’affichant pas la consommation, pour rappel), on a estimé la consommation réelle à 24,7 kWh/100 km sur l’A75 à 130 km/h (en prenant en compte la capacité nette de la batterie, la différence de charge et la différence de kilométrage entre plusieurs arrêts). Avec une température certes à 0 degrés en moyenne sur le trajet et trois adultes à bord ainsi que leurs bagages.
Il faudrait effectuer des parcours similaires avec une température plus douce et une seule personne à bord pour voir dans quelles proportions ces facteurs jouent mais la ë-C3 semble un peu plus énergivore à 130 km/h qu’une E-208. Avec une amplitude plus marquée de sa consommation par rapport aux allures urbaines et péri-urbaines où elle semble développer au contraire une belle efficience en plus d’y offrir un univers de conduite vraiment plaisant.
Pour ceux qui envisagent sérieusement une citadine électrique comme unique voiture du foyer (ce qui nous paraît uniquement envisageable lorsqu’on a accès à une recharge lente très bon marché à domicile ou dans un endroit proche), la ë-C3 restera sans surprise un peu moins pratique dans les très longs trajets que les Peugeot E-208, Opel Corsa, Lancia Ypsilon, Mini Cooper SE et autres Renault 5 E-Tech 52 kWh toutes théoriquement capables d’aller légèrement plus loin sur une seule charge. Pour ceux qui la conçoivent plutôt comme une seconde voiture, elle paraît en revanche plus pragmatique et rationnelle que ces dernières car plus spacieuse, très confortable et moins chère (21 300€ bonus déduit en version de base, 25 800€ bonus déduit pour notre version d’essai haut de gamme Max).
La nouvelle la plus rassurante, en tout cas, c’est qu’elle « bugue » moins qu’avant même si elle n’a pas encore réglé tous les détails. Mais pour convaincre tous les automobilistes désireux de limiter leurs budgets à celui des Dacia Sandero GPL et autres Fiat Tipo diesel sans devoir faire non plus de gros sacrifices en voyage, il y a encore du boulot.
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