Vers la voiture autonome, à demi assistés et aux trois quart abrutis…
Le chemin vers la voiture autonome sera plus long que prévu, et pavé d’embuches. Quelle influence les aides à la conduite ont-elles sur nous ? Vont-elles nous transformer en patates de canapé ?
EuroNcap vient de dévoiler son protocole d’évaluation des assistances à la conduite. C’était à l’occasion de l’évaluation d’un panel de dix voitures classées en quatre groupes : basique, modéré, bon, très bon.
Si les Mercedes GLE, Audi Q8 et BMW Série 3 obtiennent un « very good », surprise, la Tesla Model 3 et son fameux Autopilot se retrouvent classés en « modéré » à côté d’un vulgaire Nissan Juke. Si ses aides qui la rapprochent d’une véritable voiture autonome sont jugées les plus complètes et efficaces, leur fonctionnement est jugé « peu performant en termes de maintien de l’engagement du conducteur ».
Car pour l’organisme de Louvain, il s’agit de trouver “un bon équilibre entre un niveau élevé d’assistance à la conduite et le maintien de l’engagement du conducteur qui reste maître de son véhicule.”
J’ai relu trois fois la phrase et j’ai trouvé ce qu’il y manque, le fameux « en même temps » des discours d’Emmanuel Macron, cette expression magique qui permet d’associer des notions antagonistes, comme une croissance forte et en même temps une réduction des émissions de C02. Ou bien l’enrichissement de l’actionnaire et en même temps l’épanouissement du salarié et pourquoi pas, fromage et dessert et en même temps perte de poids.
La vigilance d’une quiche aux lardons
Car le « bon équilibre » d’EuroNcap, je n’y crois pas. Un conducteur assisté par une machine ne peut pas être « engagé », c’est dans la nature humaine et c’est bien dommage. Si les ingénieurs passaient un CAP de psychologie, ils comprendraient que la sainte alliance de la voiture robot omnisciente - omnipotente et d’un être normalement attentif et prêt à réagir est une utopie. Moins nous avons à nous préoccuper de notre environnement, moins nous y sommes attentifs, plus la voiture agit à notre place, moins nous sommes dispos à réagir.
J’ai déjà raconté ici comment, après une heure au volant d’une grosse Ford dotée d’un régulateur de vitesse intelligent gérant l’inter-distance, j’avais loupé ma sortie d’autoroute et failli rater la suivante, plongé dans une profonde torpeur, aussi vigilant qu’une quiche aux lardons tiède. Le simple fait, d’abord surprenant et déstabilisant puis parfaitement agréable, d’être transformé en lointain wagon de la voiture de devant m’avait anesthésié. J’étais dans le train. Et dans le train, je roupille…
Plus récemment, de nuit sur une quatre voie bretonne, aux commandes d’une Peugeot 3008 de location qui veillait parfaitement à me garder au centre de ma file en tournant le volant sous mes mains et en prime passait d’elle même de code en phare, le passager a du me signaler que nous approchions d’un rond point.
« Voir » le conducteur
Pourtant, l’engagement du conducteur, EuroNcap y croit. Certes, en y mettant des conditions. D’abord, l’information du consommateur, de la part du constructeur en évitant tout terme évoquant un automatisme, et aussi de la part de l’auto qui doit indiquer clairement si le système fonctionne ou non, et bien sûr, l’alerter si un capteur est aveuglé ou hors service.
Ca se corse ensuite avec la surveillancedu conducteur. « Les meilleurs systèmes peuvent « voir » le conducteur pour déterminer son niveau d’engagement. » On les en félicite, mais sans trop y croire. Plus subtil encore, « l’intervention au niveau du volant pour contourner le système ne doit pas donner l’impression de lutter contre le véhicule. ». Car il s’agit « d’assurer le sentiment de coopération, et non de cession du contrôle. » Beau comme un discours du 31 décembre à 20 heures...
L’arbre ou le cycliste ?
Derrière ces vœux pieux et ces mots creux, on sent poindre une angoisse, celle du jour où la voiture autonome, la vraie, sans volants ni pédales, nous aura dépossédés d’une de nos dernières libertés et pas des moindres car la seule comportant l’ultime enjeu, celui de disposer de notre vie, d’avoir celle des autres entre nos mains, de faire le bien ou le mal, par action ou par omission. Il n’y a pas si longtemps, on appelait cela le libre arbitre.
Qui veut vraiment déléguer tout cela à une machine qui choisira de nous envoyer dans l’arbre pour épargner un cycliste ou lui passer dessus pour nous sauver la peau ? Est-ce à un algorithme de décider de cela ? Et qui le programmera ?
Quand ce jour sera advenu, on trouvera insensé qu’un siècle durant, des gens aient manœuvrés eux mêmes, avec leurs faiblesses et leurs incompétences, des engins ayant par leur masse et leur vitesse, le pouvoir de destruction d’un canon de char. Effectivement, c’est insensé et c’est pourquoi c’est formidable et c’est aussi en quoi nous sommes des êtres humains et pas de vagues organismes multicellulaires ballotés par le progrès.
Waze : la première marche vers l’abrutissement
En attendant, je redoute un entre deux à hauts risques : la cohabitation de voitures vaguement autonomes mais parfaitement stupides et de conducteurs ramollis et déresponsabilisés.
Ils le sont déjà ceux qui déjà font confiance à Waze pour leur indiquer le chemin, ils ignorent que ce logiciel n’est pas programmé pour leur faire gagner du temps à eux personnellement, mais à la collectivité, quitte à leur en faire perdre un peu.
A chaque fois que je m’installe dans un VTC, je suis abasourdi de la confiance aveugle du conducteur - souvent aussi familier de la région parisienne que moi de Carpentras ou Besançon - envers le système. Et je peste de le voir zigzaguer pendant vingt minutes dans le bois de Boulogne aux ordres de l’application, plutôt que d’en passer dix dans la grande avenue parfaitement dégagée à cette heure là, mais qu’il risquerait de contribuer à embouteiller et polluer.
Si je lui demande si l’on passera par la porte Dauphine ou celle de la Muette, il ne sait pas, mûr pour qu’Uber le remplace par un robot.
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