La plus bath des batmobiles s’expose à Lyon
Le musée Miniatures et cinéma de Lyon expose, jusqu'au 5 mars, la voiture du film de Tim Burton de 1989. L'occasion d'une petite rétrospective des différents modèles que la plus célèbre des chauves-souris a eu l'occasion de conduire.
C’est plus qu'une simple voiture dans un film : la Batmobile est devenue un nom commun, dont on affuble tout véhicule extravagant, et ce depuis plus de 60 ans. Du coup, l’exposition de l'une d'entre elle, et non des moindres, puisque ce n'est pas une réplique, mais celle du film réalisé par Tim Burton en 1989, à Lyon au musée Miniatures et cinéma, est une excellente occasion pour se pencher sur le phénomène. Car à travers l’histoire des séries télé comme des films qui ont été consacrées à la chauve-souris, sa voiture témoigne de l’évolution du design automobile, mais aussi, et surtout, de l’air du temps, et même de l’actualité.
Une Lincoln Futura reconditionnée
Évidemment, la Batmobile existe depuis la création de Batman. Il est publié dans des comics dès 1939. Mais jusque dans les années 60, le super-héros se contentait d’une auto traditionnelle. En 1964, tout change sous la houlette de Julius Schwartz. L'éditeur new-yorkais, qui publie les aventures de Batman en BD, découvre le concept car Lincoln Futura. Il repère le drôle d’engin dans un petit film américain (It started with a kiss, de Georges Marshal) et l’éditeur est aussitôt emballé par le drôle de cabriolet à bulle de verre. Il va en équiper son personnage, et tout naturellement, lorsque Batman est adapté à la télé, en 1966, il conduira cette Futura, légèrement modifiée dans toute la série, et dans le film, plutôt raté, qui en est tiré.
Mais il faudra attendre près de vingt ans pour que l’homme chauve-souris et sa drôle d’auto sortent de l’ombre médiatique ou ils s'étaient retrouvés plongés au cours des années soixante-dix et quatre-vingt. C’est en 1989 que le film de Tim Burton, tout simplement baptisé Batman, sort sur les écrans. L’univers baroque du réalisateur d’Édouard aux mains d’argent et du superhéros ténébreux y fait merveille. Le succès, critique et public, est immédiat et Burton enchaînera un second film avec le même héros, le même comédien (Michael Keaton) et la même auto. C’est justement celle-ci qui s’expose au musée Miniatures et Cinéma de Lyon. Mais comment un petit musée de province peut-il proposer une telle pièce, absolument unique ? C’est que, par un heureux hasard, le propriétaire actuel de cette Batmobile, est un ami du directeur de l’endroit, qui lui a prêté l’engin qui est exposé dans la cour du musée jusqu’au 5 mars.
Un engin totalement éloigné de l’univers automobile traditionnel, puisqu’il a été imaginé par l’illustrateur anglais Julian Caldow. Ce dernier s’est inspiré d’un avion fusée expérimental américain, le X15 de 1954 dont le pilote d’essai n’était autre que Neil Armstrong. La réussite de la ligne crée par Caldow est liée au fait que l’identification entre la voiture et le personnage de Batman est immédiate. Il s’agit évidemment d’un concept unique (même si quelques modèles ont dû être fabriqués pour le tournage), mais un concept roulant. Sa coque a été greffée sur une plateforme de Chevrolet Impala, avec ses trains roulants et son V8. Mais les énormes pneus Mickey Thompson, et la fabrication de l’engin, très artisanale, l’ont malheureusement bridée à 50 km/h. Heureusement, les effets spéciaux ont permis, même en 1989, d’obtenir une illusion de vitesse.
Après la Batmobile emblématique des deux films de Tim Burton, les opus suivants, comme les voitures qui y sont créés, se sont gâtés. Le réalisateur baroque ayant décliné le troisième épisode pour se consacrer à d’autres projets, la Warner a confié l’affaire à Joel Schumacher. Dans les deux films de la série qu’il réalisera, Batman forever, avec Val Kilmer, et Batman et Robin, avec George Clooney, la Batmobile est méconnaissable. Il ne reste du modèle de Burton, plutôt sobre, qu’une vague ressemblance et des éclairages bleus, rouges et grotesques. La graphiste Barbara Ling, qui l’a crée, a affirmé s’être inspirée de la Delahaye 165. On a connu des inspirations moins myopes.
Après cette impasse, c’est un réalisateur plus talentueux qui reprend la franchise. Avec Christopher Nolan, qui tournera trois épisodes, entre 2005 et 2012, le monde se durcit. Crises et guerres font leur apparition, et la Batmobile s’inspire de son époque. Elle n’a rien à voir avec la magie de celle de Burton, ou l’extravagance kitsch de la version Schumacher. La voiture qui transporte la chauve-souris de Batman begins est une machine de guerre, mi-char Leclerc écrasé, mi-scarabée. Il en sera de même dans The Dark Knight et The Dark Knight Rises.
Mais Christopher Nolan (et son comédien Christian Bale) abandonnent eux aussi la partie. À partir de 2013, Zak Snyder reprend la barre, avec une idée en vogue dans tous les films de superhéros (et dans l’automobile) : le crossover. On prend plusieurs personnages issus de films différents, et on les mélange allègrement, le tout, évidemment, dans un déluge d’effets spéciaux. Mais curieusement, dès le premier Batman de Znyder, Man of steel, ou l’on voit apparaître Superman, la Batmobile s’est assagie. Plus question d’extravagance et c’est sans doute la voiture, de toute la série, qui est le plus proche d’une auto de série justement. En l’occurrence une Dodge Charger à peine tunée, juste pour prouver qu’elle est plus méchante que les autres. Snyder aurait voulu compenser le trop-plein d’effets spéciaux de son film par une voiture sobre qu’il ne s’y serait pas pris autrement.
Comment sera la prochaine Batmobile, si les aventures de l’homme en noir continuent ? Nul ne le sait. En tout cas, la série aura créé l'une des voitures les plus emblématiques du cinéma. Peut-être parce qu’elle a su se passer du sacro-saint placement de produit auquel, de l’Aston Martin de James Bond à l’Audi R8 d’Iron Man, peu de héros de fictions échappent. La Batmobile est aussi célèbre pour ça : elle doit tout au bon goût (ou au moins bon goût) de ses réalisateurs successifs.
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