La Rambler, le haut de gamme que Renault s’est donné pour pas un rond
Jaloux du succès de la DS19, Renault a voulu se doter d’une berline de haut de gamme, mais sans rien investir ou presque. Comment ? En concluant un deal avec American Motors qui a fourni de quoi fabriquer la Rambler. Un échec prévisible mais aussi le début d’une longue histoire franco-américaine…

Entre Citroën et Renault, dans les années 50 et 60, c’est la guerre. On s’épie, on se copie, on se jalouse. Le double chevron a eu bien du mal à mettre au point sa spectaculaire et ultramoderne DS, qui après des débuts laborieux, connaît un certain succès commercial.
Cela contraste singulièrement avec la Frégate du Losange, une berline jolie et bien conçue (4 roues indépendantes) mais au moteur raté. Conséquence, elle ne se vend pas, aussi planche-t-on à Billancourt sur sa remplaçante dès 1958. C’est le projet 114, une familiale à roues arrière motrices et moteur à 6 cylindres brutalement interrompu en 1961. Son développement coûte cher, et comme avec cet argent, on préfère plancher sur la future R16, on a une autre idée.

Quitte à commercialiser ce genre de grosse voiture, pourquoi ne pas s’adresser directement à ceux qui en sont les spécialistes : les Américains. Contact est pris avec non pas l’un des Big Three mais l’American Motors Company, dont la Rambler pourrait convenir au marché français. Pourquoi ? Parce qu’elle n’est pas trop encombrante (4,80 m de long, comme une Citroën DS), pas trop chère et suffisamment performante.

Comme les droits de douane sont énormes entre la France et les Etats-Unis (ça ne vous rappelle rien ?), on décide de l’assembler à Vilvoorde, en Belgique, à partir d’éléments envoyés par AMC. Du CKD donc, Completely Knocked Down. La Renault Rambler est présentée en France en avril 1962… Et tout le monde s’en moque car la Régie n’a réellement effectué de lancement, un peu comme avec la Wind des décennies plus tard. Et elle n’a pas non plus jugé utile d’adapter la voiture au marché français autrement qu’en lui apposant sa marque… Un vulgaire badge engineering en somme !

Handicapée par une vignette de 16 CV à cause de son 6-cylindres 3,2 l développant 128 ch, la Rambler revient cher en taxe annuelle, et son prix est 50 % supérieur à celui d’une DS19. Pire, elle doit se contenter d’une boîte 3 à 1ere non synchronisée, et son habitacle ne regorge pas d’équipements.

Bénéficiant d’une nouvelle carrosserie en 1963, la Rambler… ne se vend toujours pas. Pourtant, elle n’est pas si gourmande (11 l/100 km), tient correctement la route et se révèle confortable. Elle sera par la suite modifiée annuellement (selon la mode américaine), mais Renault la retire dès 1967. 6 342 unités ont été vendues, ce qui est ridicule. Mais l’intérêt de cette voiture n’est pas que commercial.

En effet, grâce à elle, Renault a noué des accords durables avec AMC, qui déboucheront sur une collaboration en Argentine, d'où naîtra l'IKA-Renault Torino, sur base Rambler. Celle-là même qui donnera l'idée d'un nouveau haut de gamme pour la Régie, la 40, tuée dans l'oeuf. Quand ça veut pas...
Bien plus tard , Renault et AMC seront responsables (coupables ?) de l’Alliance, une R9 américanisée qui connaîtra un certain succès outre-Atlantique. Bien que l’Encore, une R11 pour l’Oncle Sam, et la Medallion, une R21 ayant suivi le même traitement. Mais Renault importera avec un certain succès la Jeep Cherokee, en lui greffant son 2,1 l turbo-diesel, et la Medallion naîtra l’Eagle Premier dont l’influence technologique française passera l’an 2000…
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