Contrairement à la General Motors née de la fusion de plusieurs marques, l'empire Ford fut créé par un seul homme : Henry Ford. Il fut le premier à introduire le montage à la chaîne qui, en permettant une production à moindre coût, donna une dimension mondiale à l'automobile. La décennie passée a bouleversé le groupe, fort désormais d'un pôle de luxe qui rassemble des marques aussi prestigieuses que Volvo, Jaguar, ou encore Aston Martin. Aujourd'hui, Ford est le deuxième constructeur mondial.
L'histoire de la marque
Henry Ford n'a jamais revendiqué le titre de pionnier de l'automobile. En revanche, aucun homme ne peut prétendre, plus que lui, avoir mis le "monde sur quatre roues".
L'aventure de ce conquérant débuta fort modestement. Mécanicien d'abord, puis ingénieur dans la compagnie d'éclairage de Thomas Edison, Henry se passionne très tôt pour les moteurs à explosion. Originaire d'une famille modeste de fermiers, il voit dans cette invention récente le moyen d'alléger les rudes taches de la terre.
Dès 1893, il fabrique un premier bicylindre et pour tester sa puissance, il se met ensuite à construire un petit véhicule. Trois ans plus tard, la "première Ford" est prête. Mais pour la faire rouler, il faut la sortir de l'atelier où elle a été conçue. Et la porte est trop petite… Henry fait donc démolir la façade de son atelier pour lui donner la liberté ! Pendant ce temps, l'automobile qui s'est affirmée en Europe commence à susciter des vocations outre-Atlantique et Henry se prend au jeu.
Il oublie la vocation agricole de son engin et décide alors de devenir à son tour un constructeur automobile. Il est déjà très ambitieux. Trop peut-être et surtout trop tôt. Il fonde la "Detroit Automobile Company" en 1899, mais, au bout de deux ans, la société qui n'a vendu qu'une poignée de véhicules est dissoute. Il s'associe avec William Murphy, l'un des hommes les plus riches de la région, et fonde en 1901, la "Henry Ford Motor Company". Pour assurer la promotion de sa marque, Henry construit une voiture de course, la " 999 " qui va lui valoir une première reconnaissance nationale en remportant quelques succès devant des productions européennes. Ford, trop épris d'indépendance se sépare de Murphy en 1902, et associé cette fois à Alexander Malcomson, propriétaire de nombreux entrepôts de charbon, fonde la Ford Motor Company le 20 août 1903.
16 millions de Ford T
Avec une Ford Model A (première du nom) vendue à 1700 exemplaires en quinze mois, c'est le début de la fortune. Mais Henry Ford voit déjà plus grand et plus loin. La région de Detroit est en passe de devenir la capitale mondiale de l'automobile. Les usines poussent comme des champignons, les investissements sont considérables et les profits rapides et démesurés. Ford, conscient de cette formidable croissance et sans doute plus intuitif que ses rivaux, abat sa carte maîtresse en 1908 : la Ford T.
La durée d'assemblage passe de 12 h 28 à 1h 33 !
Elle est haute sur patte, simple pour ne pas dire simpliste, d'allure frêle mais de constitution robuste. Surnommée "Tin Lizzie" (la bonne à tout faire en fer blanc !), elle se décline en multiples versions pour satisfaire aussi bien une clientèle rurale que citadine. En dépit d'un prix de vente plutôt élevé, son succès est immédiat. Quelques années plus tard (1912), Ford introduit le montage à la chaîne dans ses usines. En 18 mois, la durée d'assemblage passe de 12 h 28 à 1h 33 ! La production atteint des cadences surréalistes, au point qu'une voiture sur deux vendue dans le monde en 1920 est une Ford T. Les coûts baissent et Ford, en 1915, décide de rembourser 50 dollars aux anciens acheteurs d'une Ford T.
Il n'hésite pas à donner à ses ouvriers les plus hauts salaires de l'industrie automobile, non pas par altruisme, mais pour en faire des acheteurs de Ford T… En dix ans, Henry Ford est devenu richissime et célèbre mais, aveuglé par son succès, il commet de grossières erreurs de gestion. Dès 1923, les ventes de la "T", après un dernier sommet, commencent à stagner, puis fléchissent de façon alarmante.
Menace de faillite
Avec l'amélioration des réseaux routiers, la demande du public a évolué. La clientèle souhaite maintenant des voitures plus belles et surtout plus confortables. La Ford T ne répond plus à cette demande, mais Henry, entêté, est persuadé que rien, ne pourra jamais remplacer cette voiture universelle. Edsel, son fils unique, qui lui a succédé à la présidence en 1919 soutient le contraire et les conflits "familiaux" deviennent de plus en plus aigus.
En 1926, Henry cède enfin, mais la production d'un nouveau modèle n'a pas été préparée. Les usines Ford ferment leurs portes pendant sept mois pour aménager de nouvelles chaînes. L'occasion est trop belle pour General Motors qui s'assure alors une suprématie sur le plan national que Ford ne sera plus jamais en mesure de lui contester. Enfin, en septembre 1927, la Ford A est commercialisée. En dépit d'un bon accueil, elle ne connaîtra pas le succès de sa légendaire devancière. Il faudra attendre 1932 et le lancement des gammes à moteur V8 (vendues seulement dix dollars de plus que le quatre cylindres) pour que Ford retrouve une certaine notoriété. Le moteur V8, coulé d'un seul bloc, robuste et performant, sera fidèlement utilisé pendant 22 ans !
Pourtant, malgré ce sursaut commercial, Ford s'enlise pendant les années trente dans d'insolubles conflits sociaux. Le vieux Henry ne comprend plus ce monde où tout va trop vite et les conflits avec Edsel sont permanents et d'autant plus vifs qu'il a placé aux côtés de son fils, un homme de confiance qui fait régner la terreur dans les usines. Edsel épuisé et malade s'éteint brusquement en 1943. Henry, à 80 ans, décide alors de reprendre la direction. Sous l'influence de sa femme Clara mais surtout sous la pression du gouvernement américain (Ford est l'une des principales industries participant à l'effort de guerre), Henry finit par céder le pouvoir à son petit-fils.
Henri Ford II ressuscite la marque
Henry Ford II a 27 ans et avait fui le climat empoisonné de la "maison" en combattant dans la Marine. Dès la fin des hostilités, il va constituer autour de lui une équipe dirigeante de tout premier ordre en faisant appel à ses anciens camarades officiers. Tous diplômés de grandes universités, les "wizz-kids" (petits génies) vont débarrasser la vénérable maison de tous ses archaïsmes, assainir la gestion en réintroduisant notamment des actions en bourse et restaurer le dialogue social avec une politique très audacieuse (pour l'époque) de fonds de pension. Au cours des années soixante, Henry Ford II a réussi à reconstruire un véritable empire qui se place désormais en seconde position au niveau mondial, derrière la GM, la rivale de toujours. Après cette décennie, où Ford volera de succès en succès notamment grâce à l'action de son vice-président Lee Iacocca ("l'inventeur de la Mustang") mais aussi en s'impliquant dans la course automobile comme jamais aucun grand constructeur ne l'avait fait, le numéro deux mondial va connaître des jours plus difficiles.
Ford, comme GM et Chrylser, subit de plein fouet la pénétration des véhicules japonais sur le marché américain. Pendant un temps, le groupe perdra même sa position de numéro 2 mondial au profit de Toyota. Une sévère politique de restructuration associée à la diffusion de modèles européens de la marque aux Etats Unis finissent par porter leurs fruits dès le milieu des années 80. Ford rachète par la suite Aston Martin (1987), Jaguar en 1989, Volvo en 1999. Avec la division Lincoln-Mercurey, ces acquisitions place Ford parmi les premiers constructeurs de voitures de luxe au monde, derrière Mercedes-Chrysler et Général Motors. Ford a désormais retrouvé le chemin du succès et cumule des bénéfices évalués chaque année à plusieurs milliards de dollars…
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