Sortie du confinement - Relance du marché automobile : vers un permis de polluer ?
La crise du Coronavirus a scellé le sort d’une année 2020 déjà mal engagée pour les ventes de voitures. Les acteurs de la filière envisagent des scénarios de baisse de -20 à -30 % et supplient Bercy et Bruxelles de prendre des mesures. L’on y voit poindre une mise en sourdine des normes antipollution.
Évidemment tout le monde y pense à cette fichue sortie de confinement. Le 4 mai ? Quelques jours auparavant ? Personne n’en a la moindre idée, alors tout le monde attend, comme le monde de l’auto attend.
Mais ce jour finira par arriver, et chacun se demande ce qu’il va se passer. Alors les professionnels du chiffre, actuellement en télétravail, agitent les datas et livrent leurs conclusions. Et elles ne sont pas vraiment réjouissantes : pour le cabinet d’études C-Ways, la baisse des ventes de voitures en France pour 2020 devrait atteindre 22 % au total, et près de 33 % pour les ventes aux particuliers. Une double peine puisque tout le monde envisageait déjà une année morne. En y ajoutant un bon mois de confinement, le risque d’une année noire se profile donc. Et pas seulement en France.
Des appels à l'aide
Du coup, les instances se réunissent et prennent d’assaut Bercy et Bruxelles pour tenter d’arracher ce qui peut l’être : des aides, des reports, des reculades et des assouplissements, avec, avouons-le, de bonnes chances d’y parvenir. Le CCFA (comité des constructeurs français d’automobile), la FIEV, le syndicat des équipementiers et le CNPA pour les réparateurs semblent (presque) donner d’une seule voix. C’est tellement rare que l’heure doit être grave. Elle l’est.
Luc Chatel, ex-ministre et président de la plateforme automobile (PFA) qui est censée s’exprimer au nom de l’ensemble de la filière et de tous ses composants, a transmis sa petite liste de souhaits à Agnès Panier Runacher la semaine passée. La secrétaire d’État auprès du ministre de l’Economie Bruno Le Maire a tout bien noté et la profession attend sa réponse.
Les demandes sont somme toute classiques, puisque la filière automobile demande le rétablissement du bonus à 6 000 euros pour l’achat d’une auto électrique par une entreprise. De la même manière, les pros de l’auto réclament un nouveau bonus pour les hybrides et un plan d’investissement massif pour les infrastructures de recharge.
Des demandes vertes qui ne suffiront pas
Tout cela est bel et bon pour nos poumons, et permettrait à la voiture électrique de grignoter quelques parts de marché. Mais un dispositif "voitures propres" n’est pas une planche de salut. Tant s'en faut. Ces simples mesures ne risquent pas, à elles seules, de tirer les constructeurs européens du guêpier dans lequel ils sont fourrés. Et ils le savent bien. Tellement bien que la mise en avant de ces quelques demandes « vertes » à Bercy ressemble à un paravent pour masquer la véritable offensive, qui se déroule au même moment à Bruxelles.
Un Cafe au goût amer pour les marques
C’est là qu’avec l’ACEA, le syndicat des constructeurs européens, se joue la véritable partie qui pourrait soulager, ou pas, la trésorerie des marques. Car ce que demandent les Français et les Allemands, principaux adhérents du syndicat, avec une grande chance de l’obtenir, c’est un moratoire sur les normes Cafe (Corporate Average Fuel Economy). En clair, les lourdes amendes en cas de dépassement des fameux 95 g d’émissions de C02 pourraient être reportées aux calendes grecques, histoire de soulager le porte-monnaie des constructeurs.
Il est certain qu’un assouplissement des normes Cafe permettrait non seulement aux marques d’éviter de payer de gros PV, mais les autoriserait aussi à remettre sur le marché quelques-uns de leurs engins les plus polluants, et les plus générateurs de marges qu’ils en ont écarté pour rester dans les clous des normes.
Les constructeurs allemands veulent repousser l'échéance
Tout cela est aussi enthousiasmant pour les finances que désastreux pour l’environnement. Mais si, après tout, ce moratoire n’était bon ni pour l’un ni pour l’autre ? Les constructeurs travaillent comme des brutes depuis des années pour être dans les clous des 95 g, et certains d’entre eux y parviennent, ou sont très près d’y arriver. Les amendes dont ils n’écoperaient donc pas, mais que les concurrents devraient régler, les arrangeraient plutôt.
C’est aujourd’hui la position de PSA qui ne souhaite pas d’assouplissement des normes, alors que Renault le plébiscite. Reste que les constructeurs germaniques qui adhèrent comme les Français à l’ACEA souhaitent que Bruxelles adopte le moratoire. Et dans l’automobile comme au foot, à la fin, c’est souvent les Allemands qui gagnent.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération