Quand l’IA fait mieux que les designers
Les dernières évolutions de l’intelligence artificielle permettent à n’importe qui de produire des dessins très aboutis. Mais que reste-t-il aux bataillons de designers travaillant chez les grands constructeurs ?
On parle énormément d’Intelligence artificielle ces derniers temps, et je dois dire que ça m’était malgré tout passé par-dessus la tête. En effet, voici bien longtemps que la création humaine est assistée, voire remplacée par l’informatique. Ce qui en dit long sur notre paresse intellectuelle, mais comment pourrait-il en aller autrement avec tous ces outils formidables mis à notre disposition ?
Seulement, voici peu, je me suis mis à tester un banal générateur d’images proposé par un navigateur internet. Et là, j’ai été scotché par ce dont cet outil accessible gratuitement par le plus grand nombre était capable. A l’aide d’invites de commande très simples, il a produit des designs non seulement séduisants d’un point de vue esthétique mais aussi cohérents de par leur fonctionnalité, voire leur langage stylistique.
A peu près au même moment, BMW a révélé les premières images de sa nouvelle Série 1, désespérément conservatrice puisque mélangeant des influences de Ford Fiesta et de Kia Ceed. Un dessin pas désagréable mais dépassé dès son apparition, surtout quand on voit ce dont est capable une IA grand public. Outre que cela confirme ce que je pense d’un design bavarois qui se cherche depuis des années, alternant entre les propositions looks lourdingues aux détails caricaturaux et les carrosseries désespérément plan-plan.
J’en ai autant au service d’autres constructeurs (Ferrari et Lamborghini par exemple) et j’en conçois une certaine inquiétude. Si les designers ne sont pas capables de faire mieux qu’une IA, que vont-ils devenir ? Une question faussement naïve en réalité. Car les designers n’ont pas les pinceaux libres, loin de là. Outre le fait qu’ils proviennent en grande majorité des mêmes écoles, où ils ont eu les mêmes professeurs, ils sont ensuite souvent soumis aux dictats du marketing, tout en devant composer avec de fortes contraintes légales (notamment en matière de crash-tests), aérodynamiques et industrielles (le montage doit être possible et peu onéreux). Un casse-tête !
Le tout dans un contexte où à cause de l’irruption de la Chine, les nouveaux modèles pullulent, complexifiant d’autant la capacité des uns et des autres à sortir du lot. Pire encore, si un constructeur marque les rétines par un dessin spécialement séduisant et novateur, celui-ci se sera très rapidement copié, recyclé par une IA, et finalement banalisé. Sauf s’il ne peut correspondre qu’à un constructeur à l’image de marque extrêmement forte. Mais ça, c’était avant, presque tous ayant dilué, voire sacrifié leurs valeurs sur l’autel de la rentabilité.
Là, je ne fais qu’exprimer un point de vue de boomer, un vieux passionné d’automobiles qui aime à avoir le choix, non pas dans la date mais les technologies, les designs, les concepts. Seulement, les passionnés se raréfient et la nouvelle génération, quand elle est urbaine, ne voit plus dans la voiture qu’un objet de consommation servant à aller de A à B. Il est d’ailleurs de moins en moins question d’acheter un véhicule que de le louer, si tant est qu’elle ait le permis de conduire.
Partant de là, les constructeurs auront-ils toujours envie de dépenser des cents et des milles dans le design, de payer des gens à faire ce dont une IA est capable ? J’ai envie de le croire, de me dire que les designers vont se surpasser pour ridiculiser ces créations purement digitales, mais même s’ils en sont pour la plupart certainement capables, je doute fort qu’ils aient le loisir de le faire. Trop cher !
D’un autre côté, d’autres métiers vont apparaître, qui sait. Par exemple, dans le très haut de gamme, on peut imaginer un opérateur d’IA (formé par une marque) à laquelle s’adressera une clientèle désireuse de se faire concocter carrosserie spécifique mais répondant à toutes les normes, qui sera ensuite fabriquée par une imprimante 3D pour être adaptée sur une base technique générique, fonctionnant avec des batteries naturellement. Le tout, en quelques semaines, voire quelques jours. Une révolution dont seules les vieilleries comme votre serviteur quinquagénaire s’émouvront !
D’ailleurs, ces opérateurs d’IA pourraient en venir à produire des designs grand public qui seraient élaborés en temps réel par un panel de clients/locataires potentiels sélectionnés par un service marketing dédié. Gloups.
En attendant que cela arrive (on espère que non !), il nous reste bien des modèles anciens, pas mal de récents et quelques modernes pour se faire plaisir. Et qui sait, à l’avenir, les journalistes au mauvais esprit seront, eux aussi, remplacés par une IA capable de sarcasmes…
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