Les Français accros aux écrans, même au volant
Près de 80 % des conducteurs regardent leurs écrans au volant. Á l’heure où les constructeurs multiplie les outils d’info-divertissement à bord, de leurs véhicules, Assurance Prévention fait le point sur la troisième cause de décès routier.
Appels, sms, recherche de musique, notifications… Les « distracteurs » accentuent le risque d’accident de la route. D’après l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, ils sont mis en cause dans 23 % des accidents corporels, et responsables de 431 décès routiers en 2022.
Selon une étude d’Assurance Prévention menée avec Calyxis, spécialiste dans l’analyse des comportements et les simulateurs de conduite Develter Innovation¹, regarder un écran, passer un appel téléphonique ou rédiger un sms pendant la conduite « augmente de 60 % le temps de réaction, multiplie par 13 le nombre, mais aussi l’ampleur des écarts de trajectoire, et supprime à 100 % les contrôles rétroviseurs ».
Nouveau fléau routier
Et pourtant, 76 % des conducteurs ne parviennent pas à déconnecter de leur smartphone lorsqu’ils conduisent. Sans aucune injonction, au bout d’un certain de conduite, la personne au volant ne peut s’empêcher de toucher ou regarder son écran numérique. Comme s’il leur était impossible de se passer de leurs « doudous numériques » selon l’expression du psychologue Serge Tisseron.
L’ampleur du phénomène est telle qu’Éric Lemaire, vice-président d’Assurance Prévention n’hésite pas à parler de « nouveau fléau » de la route. L’étude ne reflète que les effets « des distracteurs autorisés par le code de la route », c’est-à-dire avec un smartphone en haut-parleur kit main libre ou appairé sur le système d’info-divertissement du véhicule. Cela ne tient donc pas compte des appels avec téléphone collé à l’oreille ou via une oreillette, dont nous avons tous été témoins.
Mais au-delà des risques encourus, cette étude, grâce à un système d’eye tracker, a permis pour la première fois de comptabiliser le temps nécessaire au conducteur pour effectuer sa tâche digitale, mais aussi la durée pendant laquelle le regard alterne de la route à l’écran. Ainsi, rédiger un sms prend en moyenne 45 secondes ; en lire un, environ 10 secondes ; et composer un numéro de téléphone détourne l’attention pendant 35 secondes. Dans ce laps de temps « le regard du conducteur fait des allers-retours d’une demi-seconde entre l’écran et la route » explique Adrien Ballet, ergonome cognitiviste chez Calyxis. « Nous constatons que cela a un impact effectivement énorme, parce qu’on ne se concentre plus que sur le distracteur et on oublie à 100 % de regarder les rétroviseurs. »
Rupture de fluence cognitive
Le temps de réaction est également allongé. Alors qu’une personne totalement concentrée sur la route met 1.25 seconde à réagir en cas de freinage brusque, le temps de réaction constaté chez un conducteur avec distracteur monte à 2 secondes. Á cela s’ajoute le fait qu’en tapotant sur son écran, la conduite se fait avec une seule main sur le volant. Pas facile dans ces conditions d’effectuer une manœuvre d’urgence ou d’évitement. Dans le test d’Assurance prévention, l’utilisation d’un « distracteur » a engendré « 40 % d'accidents et surtout 100 % de freinage d'urgence ou d'évitement », poursuit Adrien Ballet.
L’injonction des notifications
Mais au volant, rien de plus distrayant pour l’esprit qu’une notification. Le moindre son, la moindre alerte et hop ! Le cerveau se « déconnecte de la route ». Et une grande partie de la charge mentale sera consacrée à ce « pop » inopiné. En cas de réception de sms, le conducteur aura tendance à le lire pendant deux secondes avant de remettre les yeux sur la route. Lors des tests, « tous les conducteurs, sans exception, ont regardé leur écran lorsqu'ils recevaient une notification », souffle Adrien Ballet. La perception est également altérée. Car même si la voiture de devant freine, en cas de notification l’automobiliste a tendance à quitter la route des yeux pour regarder l’écran. Le temps qu’il enregistre mentalement que le véhicule le précédent freine, il est trop tard. Au total sur un parcours de 102 km, une minute et quarante-six secondes d’inattention ont été enregistrées pour les 80 % les plus accrocs aux « distracteurs ». Soit, près de 4 km parcourus sans regarder la route. Non mais allô quoi !
Trois conseils pour éviter les distracteurs par Eric Lemaire, vice-président d’Assurance Prévention
Afin d’éviter les tentations d’utiliser un « distracteur » pendant son trajet, il convient de bien préparer son voyage numérique. Régler son itinéraire GPS avant le départ. Idem en ce qui concerne sa playlist musicale.
Mettre son smartphone en mode pas déranger ou en mode avion si cela est possible. Et pour les professionnels ou les accrocs du travail bien faire passer le message que la voiture n’est pas un bureau.
Ne pas donner suite immédiatement aux sollicitations. S’il y a un appel à passer ou recevoir, demandez à votre éventuel passager de le faire. Sinon, attendre d’être à l’arrêt pour passer un coup de file ou envoyer un sms. Sur les autoroutes les aires de repos sont suffisamment nombreuses.
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