2. Essai - Suzuki GSX-S1000 GX : la GSX migratrice
Ils devaient avoir sacrément confiance dans le potentiel de leur moto, chez Suzuki, pour nous amener dans les zones piégeuses aux routes les plus défoncées du Portugal, entre Caiscais et Setubal, en passant par l'agglomération de Lisbonne. Des routes aux morphologies variées, avec des passages pavés ou encore des routes aux revêtements plus ou moins hasardeux, d'autres aux reliefs accidentés prompts à vous satelliser, qui se mêlaient aux portions les plus reposantes, comme ce petit coin idyllique de forêt que vous découvrirez en photo. Un lieu comme hors du temps et de tout. Enfin, le ruban large et vallonné de la corniche surplombant la mer, dans le parc de l'Arrabida et son tracé limpide, prompt à mettre la mécanique à contribution, consistait le point d'orgue de la journée et le dernier point photo. N'oublions pas une adhérence souvent remise en doute, apte à mettre aussi bien les pneumatiques Dunlop Roadsport 2 à contribution que la grosse nouveauté chez Suzuki, une première à l'algorithme développé en interne : les suspensions électroniques Showa.
Heureusement, la prise en mains de la GX relève d'une simplicité enviable. À peine lancé qu'il convient déjà de choisir quelle moto on souhaite conduire ou piloter, et ce en roulant comme à l'arrêt, via le SDMS Alpha. Sont concernés : le niveau de délivrance de la puissance, celui du contrôle de traction et enfin la manière dont les suspensions sont configurées. Soit la version la plus évoluée de l'algorithme SDMS connu sur les GSX-S. Comment ? En optant pour le mode le plus nerveux : A, prompt à offrir des sensations fortes et une courbe de puissance relevée. Pour un intermédiaire, le M offre plus de douceur et de bienveillance, pour ne pas dire bienséance, tout en conservant un caractère marqué, mais des accélérations amoindries et un côté plus régulé, pour ne pas dire régulier. Enfin, on peut opter pour la version douce de la moto : le C. Quant au contrôle de traction, après l'avoir testé et avoir validé sa probité individuellement et sur chacun des possibles, son discernement permet de sommairement lever la roue avant en réglage 1 tout comme de la scotcher au sol en réglage 3, nous l'avons purement et simplement désactivé, nous en remettant à la grande précision des gaz et au comportement moteur serein au-dessous de 3 500 à 4 000 tr/min.
Enfin "précision", il convient de relativiser : lorsque l'on manœuvre à basse vitesse, il arrive parfois que l'on cale faute de gaz suffisant même lorsque le poignet intime de prendre des tours. Un petit temps que l'on retrouve parfois à la relance, notamment entre 2 500 et 3 500 tr/min. Ce moteur est dimensionné de sorte que l'on profite de trois de ses visages. Particulièrement souple, il accepte de repartir en 6 à 30 km/h et profite de relances franches, du fait d'un couple permanent et dont la valeur maximale intervient seulement à 9 250 tr/min. Sachant que la zone rouge intervient à 11 750 tr/min, il y a de la marge… Et surtout, on profite pleinement de la santé du moteur dès le deuxième tiers du compte-tours et plus encore dans le dernier : dans l'ordre, ça pousse, ça repousse et ça surpousse jusqu'à la zone rouge, tandis que l'on retrouve le tempérament sportif du moteur, tout juste transposé à un "trail" routier légèrement moins puissant (185 ch sur la GSX-R en 2008).
Bonne nouvelle, avec la GX, il est possible de s'engager sur autoroute à fond de première et d'y rester. En effet, on atteint 135 km/h au compteur lorsqu'intervient la rupture après 12 000 tr/min… Vient ensuite 175 à fond de deux, tandis que la trois vous expédie aussi promptement à 205 km/h qu'elle vous assure un séjour prolongé au frais de la princesse si vous vous faites attraper. C'est dommage, car il en reste encore trois autres dans la boîte et que l'on utilise volontiers le shifter. Celui-ci provoque une coupure sonore, qui retentit au travers de l'échappement. Un échappement des plus expressif, d'une sonorité profonde et rauque mais jamais gênante au long cours.
La distance que l'on peut parcourir est un point crucial pour une routière. Le réservoir de 19 litres offre une autonomie pouvant aller d'un peu plus de 300 km à moins de 250, la concsommation maximale pouvant s'établir à 7,4 l/100 km en cas d'attaque sur petites routes, tandis qu'elle se stabilise à 6,2 l/100 en conditions mixtes route/autoroute/ville.
Du caractère, ce quatre cylindres en a à revendre, mais un petit palier à 5 000 tr/min rend d'autant plus explosive la suite. On n'en attendait pas moins d'un sportivo GT sur hautes suspensions, renforçant les sensations de par une position de conduite plus droite. Le moteur propose un comportement agréable, presque trop dans les tours, au point de solliciter parfois préventivement (et non curativement) le contrôle de traction. À propos de sollicitations… les pneumatiques, on en parle ?
Les Dunlop Roadsport ont soulevé nombre de débats et de critique lors de cet essai. Si l'on devine qu'une monte plus routière ou plus sportive, au profil plus tranché dans un sens ou l'autre (plus rond ou plus pointu) et permise par les dimensions en 17 pouces des jantes lui rendraient davantage justice, la référence montée d'origine pèche principalement à l'avant par un retour d'informations perfectible et par un engagement en deux temps très particulier lors de la mise sur l'angle. Du moins tant que la monte n'est pas à température et tant que l'on n'a pas pris la mesure de la force à mettre pour tenir le guidon. Hausser le rythme est possible, mais demande de laisser la direction plus libre qu'à l'accoutumée entre les mains, afin de ne pas avoir à trop contre braquer. Il faut donc conduire souple et profiter des grandes qualités du cadre et de ses périphériques. Soit.
Ce ressenti curieux de l'avant peut aussi émaner d'une suspension offrant un tout petit "cran libre"à vitesse basse ou modérée lorsqu'elle n'est pas suffisamment contrainte. Comme si elle était à l'écoute de la route. Une sensation inédite sur une suspension électronique. Reste donc à choisir le mode de suspension, prompt à agir de manière significative sur le comportement global de la moto, de l'inscription en courbe au niveau de filtration des défauts de la route. Plus on durcit, plus la moto bascule sur l'avant en raidissant le mono amortisseur arrière et plus elle devient précise et agile, mais prompte à secouer et à chahuter dès que cela "bosselle".
Pour autant, elle ne vire pas remuante : on conserve le cap fixé, confirmant la très bonne qualité de la partie cycle. Elle scille, mais ne plie pas, comme l'on dit, laissant toujours la possibilité de corriger le tir, de s'adapter à ses réactions. Le tout feutré du réglage C est prompt à donner le "mal de mer" plus qu'à se montrer sportif, obligeant à inscrire plus fermement la moto sur l'angle, à la forcer à rentrer dans la trajectoire idéale. C'est plus physique. Au moins la stabilité est-elle au rendez-vous quel que soit le mode choisi.
La GX est également bien posée une fois que l'on opte pour le mode Auto, véritable compromis comme l'on pouvait l'imaginer. En effet, il règle instantanément les éléments pour faire au mieux selon lui. Une dose de confort, une dose de précision et surtout un bon rendu : la moto ne plonge pas plus au freinage qu'elle ne se relève, tandis que l'arrière demeure d'une précision appréciable. A ce titre, les étriers offreent une puissance suffisante et un feeling doux, tandis que l'ABS se montre efficace, y compris sur l'angle où il s'active en toute discrétion. On oublie tout coup de raquette et toute appréhension grâce au débattement de 150 mm. Pour une première, c'est une réussite, pour le confort également.
Nous avons parlé du moteur, des suspensions… du comportement général. Et si l'on évoquait à présent la protection et quelques sensibilités ? Celle au vent, notamment. Les valises comme les jantes influent logiquement sur la prise au vent. La direction peut ainsi s'en retrouver perturbée, tandis que de petits mouvements apparaissent à l'attaque à mi-angle. Pour autant, le roll control Suzuki ne semble pas intervenir, lui qui est censé couper les gaz ou jouer sur le contrôle de traction pour ne pas amplifier le mouvement.
Lors de notre second roulage, sans vent cette fois, plus aucun problème de tassement de l'amortisseur arrière ou de mouvement parasite : la moto file droit quelle que soit la puissance de l'accélération ou la vitesse. Certains confrères ont rapporté un vrai tangage dans les mêmes circonstances. Curieux, donc et probablement lié aux réglages, mais aussi à la manière de s'accrocher au guidon…
Toujours à propos des valises, c'est à l'arrêt qu'on les apprécie le plus : lors du chargement. Un casque intégral est en mesure d'être contenu, tandis que l'on regrette le système de fermeture pas forcément agréable selon notre expérience. Si l'on profite volontiers des sangles élastiques internes, on a vu plus agréable en matière de chargement. Par contre, rien à redire quant à leur influence sur le comportement de la moto. Elles sont discrètes, filent bien et surtout elles influent très peu sur la conduite. Une réussite, donc, qui a pensé à intégrer des catadioptres sur leurs flancs afin de renforcer la sécurité passive. Pas mal, donc. À noter que jusqu'au 31 mars 2024, lesdites valises profitent d'une offre de lancement plus qu'incitative : elles sont proposées à 1 €, ce qui porte le tarif de la moto à 17 900 € contre 19 098 € en théorie une fois équipée. Chères valises, donc, en temps normal. Voici qui rend la GX d'autant plus attractive et intéressante.
Sur autoroute, nous avons apprécié la bonne protection offerte par la bulle, même en position basse, tout en regrettant une fatigue auditive générée par un bruit persistant dans notre casque à casquette (Shoei Hornet ADV), bruit provenant des côtés du casque. La bulle haute réduit amplement ce phénomène, tandis que l'on apprécie le bon niveau de déviation de l'air. Le buste est à peine venté, tandis que l'on ne ressent l'air que sur le haut du casque et sur la périphérie du corps. Surtout, l'absence de turbulences est profitable à tout niveau. L'un des bénéfices d'une bulle fixe aux dires des ingénieurs, outre un gain de poids.
Autre équipement volontiers employé sur les axes droits : le régulateur de vitesse. il s'emploie d'autant plus volontiers que sa commande est accessible au pouce droit. On fixe ensuite son seuil de déclencher et le tour est joué. D'autant plus qu'une fois fixée la vitesse à tenir, on peut passer les rapports au shifter sans que cela ne le désenclenche. Ceci à la montée comme à la descente des rapports. Excellent. Petite remarque en passant : on ne voit pas de valeur numérique afficher le seuil voulu. Il faut s'en remettre au compteur, que l'on peut faire évoluer par pas de1 km/h au moyen de la commande au pouce gauche.
Nous avons parlé des 232 kg de la GSX-S1000 GX lors de sa présentation, mais c'est bien le seul moment où l'on prend conscience de leur présence. Bien réparti, le poids s'emmène sans aucune interférence avec votre pilotage. Reste à se méfier du petit élargissement de trajectoire évoqué plus haut, notamment en sortie de courbe et lié à la monte pneumatique plus qu'à la partie cycle en elle-même. Intuitive, réactive, la GX s'emmène avec zèle mais n'embarque jamais. La rigueur de trajectoire est une fois encore de mise, tandis qu'on l'apprécie également en agglomération, où son équilibre séduit. La ville et les évolutions très lentes, seul moment où le poids peut se faire sentir lorsque l'on aimerait tenir temporairement l'équilibre sans poser pied au sol.
Enfin, évoquons la commande de clignotants. Encaissée dans le commodo gauche, elle n'est pas forcément agréable à manipuler. Du moins, il faut un petit pouce et un peu de temps pour cesser de la chercher ou pour la manipuler correctement. Du coup, on regrette l'bsence de clignotants à arrêt automatique, finalement utile dans ce cas de figure.
De plus en plus à l'aise au guidon de la nouveauté 2024 de Suzuki, nous ne nous soucions plus gère des pneumatiques pour nous concentrer sur le seul plaisir d'exploiter un moteur pétillant et plus que rempli, démonstratif autant qu'il est volontaire, tandis que la route n'a plus de surprises. En choisissant très rapidement au guidon le niveau d'amorti de la suspension, on ne se prive plus de basculer de l'un à l'autre en fonction du terrain, faisant la nique au mode auto pourtant bien calibré. Il est temps de rentrer.
En tête, les images des deux jours passés au guidon. Et un paradoxe ambulant : le décalage entre ce que Suzuki nous permet de vous montrer et ce qu'il est possible de faire avec cette moto sans aucun danger. En effet, pas de lever de roue avant permis (alors qu'il suffit d'accélérer, y compris en sorte de courbe), pas de genou par terre alors qu'elle le permet avec bienveillance (et que sa garde au sol est bonne), pas de roue arrière en l'air non plus (d'un autre côté, entre l'anti lever de roue et l'ABS non déconnectable on serait bien malins d'y parvenir…), bref une image très sage qui ne colle pas tant que cela à ce trail déluré et assurément sportif. D'autant pus que la communication officielle insiste volontiers sur le côté fort en gueule et en moteur du modèle. Allez comprendre…
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