Des youngtimers emprisonnés dans du béton : c’est le Long Term Parking
Œuvre d’art érigée en 1982, le Long Term Parking expose 59 voitures des années 30 à 70 prises dans une tour de béton. Le tout forme une incroyable tour, à découvrir en accès libre, à Jouy-en-Josas.

Quand certaines œuvres d’art échappent au temps, d’autres l’intègrent. C’est le cas pour le Long Term Parking, une tour de béton de près de 20 m de haut intégrant quelque 59 voitures. Erigée en 1982, elle relève du Nouveau Réalisme, ce mouvement né dans l’immédiat après-guerre qui tend à revenir à une certaine réalité objective tout en intégrant une vision sociale.
Arman, l’auteur du Long Term Parking, appartient à cette tendance, au sein de laquelle il s’est notamment signalé par des œuvres consistant à emplier des objets courants, comme des cafetières, et même parfois des détritus, et ici, des automobiles. Pour la sélection, c’est simple, on a pris celles qui passaient dans la rue, au hasard. L’idée de les empiler, utilisant du béton comme élément structurant, puis de les laisser dehors pour montrer, peut-être, la monstruosité périssable que représentent les autos produites en masse.

Il a fallu à l’artiste près de six mois pour ériger ce monolithe, face à l’ancien siège de la fondation Cartier, à Jouy-en-Josas, sous le mécénant de Jean Hamon, par ailleurs promoteur immobilier. C’est qu’il a fallu trouver 1 600 tonnes de béton et dépenser à l’époque plus d'1 million de francs pour dresser cet étrange totem figeant paradoxalement dans le temps des voitures qui auraient autrement disparu à coup sûr. Une sorte de pérennisation d’un éphémère qu’on souhaite montrer, belle ironie.

Certes, j’exagère un peu, car Arman souhaite que les voitures se désagrègent au point qu’on ne voie plus que du béton. Le fait est que quand on se trouve face à la tour, on est fasciné. Fasciné de voir immobilisés à jamais des objets conçus pour le mouvement, de façon verticale alors que leur champ d’action est horizontal. Le tout, dans un environnement verdoyant : tout est pris à rebrousse-poil. A tel point que de nombreuses actions ont été intentées pour déplacer l’œuvre, en vain heureusement.

J’ai passé beaucoup de temps, déjà à identifier toutes les voitures, mentalité de car geek oblige, ensuite à contempler le sinistre de leur dégradation, un peu comme s’il s’agissait de corps en décomposition. C’est là aussi, par opposition à la brutalité du béton, que l’aspect anthropomorphique des voitures ressort. Oh, la pauvre Buick qui a l’air de pleurer de ses quatre projecteurs, prise dans la masse.

Oh, la terrifiante Chrysler 180, qui, ayant perdu ses optiques, évoque une tête de mort. Et cette Renault Floride, qui a l’air d’avoir été figée d’un coup en plein freinage plongeant… Fait auquel l'artiste n'a peut-être pas pensé, sa tour est une photo assez fidèle du parc roulant (et rouillant) français en 1982 : Peugeot 104, 204, 304, 504, Renault 4, 5, 6, 16, Simca 1000, 1100, 1307, Fiat 126, Citroën GS, et même une Honda S800. Si !

Toutes sont en piètre état, mais immobiles ? Pas sûr. Leur décomposition, même lente, reste un mouvement dans lequel chacune va à son rythme, ce qui donne, paradoxalement, un aspect vivant à ces voitures mortes.

On peut aussi voir en ce Long Term Parking, dénomination ironique s’il en est, une pile de voitures comme il y en a tant dans les casses, ou bien le contenu d’une poubelle géante dans laquelle on aurait empilé d’autres « poubelles ».

Ce totem, qui n’est pas sans évoquer une compression de César qui aurait subi une crise de gigantisme, est en accès libre, au domaine du Montcel - Hotel Dolce by Wyndham Versailles. Je ne saurais trop vous conseiller d’aller l’admirer d’ailleurs, on peut se garer juste à côté, rigolo, non ?

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