Citroën 2CV (1948-1990) : un monument minimaliste, dès 5 000 €
Au-delà de son côté sympa, la 2CV est un concentré de technologie invraisemblable pour son époque. Grâce à quoi elle conserve une pertinence étonnante de nos jours, et si sa cote a explosé, on trouve encore de bons exemplaires à des prix corrects.
Heureuse époque où les ingénieurs avaient carte blanche pour développer une voiture. Car c’est la chance qu’ont eue ceux en charge de la TPV (Très Petite Voiture), qui allait devenir la 2CV. Le cahier des charges décidé par Pierre-Jules Boulanger, placé à la tête de Citroën par Michelin, son propriétaire depuis 1934, était assez simple. En gros, une voiture destinée à la campagne, ultra-simple, abordable, peu ostentatoire, facile à conduire et à entretenir, tout en étant capable de traverser un champ à 50 km/h sans casser les œufs qu’elle transporte. Le véhicule rural, c’était déjà la vocation de la Ford T, minimale mais technologiquement avancée avec sa boîte semi-automatique. La future Citroën va étonnamment bien coller à cette formule. L’équipe d’ingénieurs emmenés par André Lefebvre crée d’abord une étrange auto, à la carrosserie en aluminium et au petit bicylindre refroidi par eau.
Elle doit être présentée au salon de l’auto 1939, mais la guerre éclate, et l’auto voit son développement d’abord annulé puis totalement repris à partir de 1942. Le moteur passe au refroidissement par air, plus simple d’entretien, la carrosserie à l’acier, moins cher, et la suspension troque les barres de torsions contre des ressorts hélicoïdaux, positionnés horizontalement entre les roues de chaque côté. Les bras avant et arrière y sont connectés, alors que dans les jantes prennent place des batteurs à inertie censés les plaquer au sol. Ce système permet des débattements immenses alliés à une grande souplesse. Celle qui s’appelle 2CV (sa puissance fiscale) est présentée au salon de Paris 1948, et s’attire plus de curiosité que d’enthousiasme. Mais sa modernité technique laisse pantois : 4 roues indépendantes, traction, boîte à 4 rapports, pneus à carcasse radiale, direction à crémaillère…
Même la fameuse Traction ne peut en revendiquer autant ! la 2CV demeure cela pingre côté équipements : essuie-glaces actionnés par le câble du compteur de vitesse, pas de jauge à carburant mais une tige qu’on plonge dans le réservoir, capote descendant jusqu’à la plaque d’immatriculation à l’arrière. Et son moteur de 375 cm3, pourtant moderne avec ses soupapes en V, se limite à 9 CV. Les commandes affluent pourtant, mais en raison de la pénurie de matériaux et d’un outil industriel sous-dimensionné, la production ne suit pas, donc on trie les clients sur le volet. Une liste d’attente de quatre ans se forme et le prix de modèles d’occasion dépasse celui du neuf ! La barre des 10 000 n’étant franchie qu’en 1951, cette situation perdure.
Économique, confortable et dotée d’une tenue de route exceptionnelle, la 2CV est pourtant beaucoup trop lente : 60 km/h. En 1954, Citroën consent à augmenter la cylindrée (425 cm3), et à porter la puissance à 12 CV. À cette occasion, elle bénéficie d’un embrayage centrifuge facilitant la mise en mouvement de l'auto. C’est la version AZ, qui s’ajoute à la A. En 1956 apparaît une AZL, pour luxe (si, si), car elle se dote d’un compteur éclairé, d’une résistance à la base du pare-brise servant de dégivrage, et d’une lunette arrière agrandie.
Et en 1957, la AZLP se signale par sa porte de malle, enfin ! En 1959, ciblant l’armée française, Citroën lance une 2CV 4x4, la Sahara. Particularité, elle a deux moteurs, un devant un derrière. Deux fois plus chère que le modèle à deux roues motrices, elle se vend mal (moins de 700 exemplaires jusqu’en 1967), mais elle peut frôler les 100 km/h !
La première grande évolution intervient en 1963 avec le type AZA. La sortie de la Renault 4 obligeait la 2CV à réagir ! Sous le capot redessiné (cinq nervures désormais), le moteur passe à 18 CV, la boîte est ré-étagée, ce qui autorise une vitesse de pointe fabuleuse de… 95 km/h. Rapidement, l’AZAM apporte un peu plus de confort avec ses sièges étoffés, tandis qu’en décembre 1964, les portes avant s’ouvrent désormais d’arrière en avant, alors que des amortisseurs remplacent les batteurs, au bénéfice du confort.
C’est que la bataille avec la 4L fait rage ! En septembre 1965, une troisième vitre latérale est ménagée dans le montant arrière (surnommée oreille d’éléphant), et en 1967, l’AZAM Export vise carrément l’opulence avec son compteur emprunté à l’Ami 6. Elle ne durera que quelques mois, la Dyane, lancée cette année-là, devant progressivement remplacer la 2CV en déclin. Ce en quoi elle échouera ! Aussi est-il décidé de donner un coup de fouet à la Deuche qui, en 1970, évolue nettement.
De type AZ AK, elle se dédouble en 2CV4 et 2CV6. En fait, elle reçoit les moteurs de la Dyane, un 435 cm3 et un 602 cm3. Développant respectivement 26 et 33 CV SAE (24 et 28,5 CV DIN), ils permettent à la Deux pattes de franchir le mur du 100 !
Extérieurement, elles adoptent une nouvelle calandre, des clignotants circulaires sur les ailes avant et des feux arrière d’Ami 6. À l’intérieur, le tableau de l’Export est retenu, tandis que le circuit électrique passe en 12 volts. Les ventes repartent à la hausse, mais le drame a lieu en 1974 : la Citroën adopte des phares carrés ! Pire, elle ose une calandre en plastique. Craignant des jacqueries, Citroën ajoute une version Special dans la gamme, qui récupère les phares ronds, perd la vitre de custode et revient à l’ancien tableau de bord. Si la puissance de la 2CV6 chute alors à 26 CV, elle remonte à 29 CV en 1978 grâce à l’adoption d’un carburateur à double corps.
Dépassant les 115 km/h, la Dedeuche entre presque dans l’ère autoroutière. Entre-temps, marketing oblige, elle s’est déclinée en une série limitée, la Spot en 1976. Quatre ans plus tard, c’est l’effervescence au salon de Paris. Le stand Citroën est inaccessible. Pourquoi ? Parce que trône sur un socle une autre 2CV en série limitée : la Charleston. C’est une 2CV6 à la décoration façon années 20, composée d’une peinture bicolore (rouge en haut, noir en bas) et de sièges en jersey.
Son succès est tel, qu’après les 8 000 exemplaires initialement prévus, la Charleston est intégrée à la gamme en 1981. À la place du rouge, on peut avoir du jaune ou du gris, les cuvelages de phares – ronds, faut-il le signaler – sont chromés et des freins avant à disque sont installés, comme sur toutes les 2CV. Entre-temps, la Spécial est devenue 6 Special en 1979 (elle acquiert le moteur 602 et les vitres de custode), la 2CV6 se renommant alors Club. En 1981, la Special gagne un E en adoptant l’embrayage centrifuge de série (elle disparaît en 1983), et une série limitée 007 (500 unités) est produite en l’honneur du James Bond « Rien que pour vos yeux » où elle joue plus que les seconds rôles. Ensuite, la 2CV va tranquillement se laisser glisser vers la retraite au rythme des éditions limitées : France 3 en 1983, Dolly en 1985, Cocorico en 1986… En 1988, la production est transférée au Portugal (un feu arrière de brouillard est alors installé) et en 1990, la 2CV quitte la scène. 5 114 961 exemplaires ont été produits, ce qui est assez peu vu la longueur de sa carrière. Mais son mythe est sans limites !
Combien ça coûte ?
Vaste question. Disons que l’amplitude de prix va de 5 000 € pour un exemplaire courant des années 70 en état convenable à parfois plus de 100 000 € (oui…) pour une 4x4 Sahara. Entre ces deux extrêmes, les valeurs sont très variées. Une Type A des années 50 impeccable se négocie 18 000 € (la maison de vente Osenat a même vendu un exemplaire de 1949 pour 75 000 € en 2018 !), une AZ 17 000 €, et une AZL 10 000 €, prix valable aussi pour une AZAM. Ensuite, les séries limitées sont elles aussi très chères : 14 000 € pour une Charleston, une France 3, une Dolly ou une Cocorico. La Spot tombe à 12 000 €, comme une Charleston « de série ». Une 2CV4 ou 6 en parfait état et totalisant moins de 100 000 km se négocie aux environs de 10 000 €. Seulement, ces montants varient énormément selon l’usure de la voiture, et son kilométrage. Par exemple, des petits malins ont remisé des 2CV achetées neuves à la fin des années 80 sans rouler avec, pour les revendre avec une belle plus-value. Ces autos sont ressorties 20 à 30 ans plus tard et effectivement, elles ont souvent dépassé les 30 000 €. D’autres s’amusent à peindre leur Special en France 3 ou en Dolly afin de les refourguer plus cher : pas sûr que ça en vaille la peine.
Quelle version choisir ?
Autant le dire tout de suite, les modèles pré-1970, très lents, seront assez déplacés dans la circulation actuelle, surtout avant le passage en 18 CV. Ils s’adressent surtout aux collectionneurs et aux passionnés de 2CV. Pour un usage régulier, autant choisir un exemplaire sain mais pas parfait, doté du 602 cm3. Les modèles absolument impeccables serviront plus occasionnellement : il serait dommage de les abîmer et ainsi de voir leur valeur chuter.
Les modèles collector
Tous, s’ils sont en parfait état d’origine et avec très peu de kilomètres ! À plus forte raison s’ils n’ont jamais été restaurés. Cela dit, une authentique 007 ou un exemplaire fabriqué en 1949 seront extrêmement recherchés des collectionneurs car pratiquement introuvables. Pour info, ils ont été produits respectivement à 500 et 876 unités ! Une Sahara sera également un pur collector, surtout si elle n’a jamais été rénovée.
Que surveiller ?
La 2CV a la réputation d’être increvable. C’était justifié dans les années 50-60, où il était fréquent de refaire un moteur à 50 000 km. Celui de la Citroën tenait 100 000 km sans intervention majeure, au même titre que la boîte. Ça l’est moins aujourd’hui car il passera rarement les 120-130 000 km, surtout dans le cas des 435 cm3 et 602 cm3, beaucoup plus poussés. Heureusement, il se change très facilement.
Le vrai point faible de cette auto, c’est la corrosion, qui s’attaque aussi bien au châssis qu’à la carrosserie : à inspecter minutieusement ! Examinez bien également le rapport de contrôle technique pour vous assurer que les freins arrière fonctionnent correctement : leur remplacement exige un outil spécial. Pour le reste, la 2CV, très simplement fabriquée, ne cachera aucun de ses défauts. Elle est de surcroît facile à entretenir et surtout, les pièces existent en grand nombre pour la remettre à neuf, châssis compris !
Au volant
Quand j’étais môme, mon père avait acheté une 2CV, une Azam de 1965 âgée de 15 ans mais en état presque neuf tant son propriétaire initial l’avait bichonnée. J’ai détesté cette voiture. Outre que je ne m’y sentais pas en sécurité, elle était très bruyante, pleine de courants d’air et surtout, elle n’avançait pas. Mais alors pas du tout. Aussi est-ce avec curiosité que je prends le volant de cette 2CV4 de 1976. À bord, je suis étonné par sa bonne position de conduite et le confort du siège. Elle tremble de toutes ses tôles quand je démarre, normal, et dès 20 km/h, je dois passer la 2nde en poussant le levier vers le haut. Tiens, la commande boîte est plutôt maniable. Rapidement, j’apprécie l’étonnante bonne volonté du moteur, ainsi que la direction, ferme mais précise. Et surtout la suspension qui absorbe tout ! Sur route, effectivement, ça ne va pas vite, mais on se cale sans trop de soucis à 80 km/h… dans un bruit d’enfer ! La 2CV tient extrêmement bien le pavé vu ses performances, et révèle une qualité inattendue : à fond (110 km/h compteur), dans les grandes courbes, l’arrière se place, tandis que l’auto se cramponne à sa trajectoire. Alors ça… Je me prends au jeu, ignore le roulis démentiel et passe les virages aussi vite que possible, pour ne pas casser l’élan, quand on approche d’une côte. L’auto ne demandant que ça, j’y prends un plaisir inavouable. Il faut constamment la gérer, la cravacher, on la sent toujours prête… J’adore !
Mais le plus impossible à croire avec cette voiture, ce sont ses capacités en tout-chemin. Non seulement, elle gravit les pentes les plus raides et escarpées, mais en plus, elle avale les sentes défoncées dans un confort tout à fait sidérant. Elle brinquebale, vibre et cliquette mais jamais ne malmène ses passagers ! Et même dans la boue et la terre, elle trouve toujours de la motricité. Vous ai-je dit qu’elle se moque de la pluie et de la neige ? À ceci près qu’elle s’embue. Alors, bien sûr, elle n’est pas totalement étanche, sa direction devient d’une dureté invraisemblable dans les épingles, son accélérateur se déboîte fréquemment, en montée, la tirette de starter coulisse, ce qui étouffe le moteur, mais quel plaisir. Je n’en reviens pas. Et quand vient le soleil, on déplie une moitié de la capote, et on roule presque comme dans un cabriolet, tranquillement. Enfin, à 6 l/100 km, elle ne vous ruinera pas en carburant. La 2CV, il faut la conduire pour la comprendre.
L’alternative youngtimer
Citroën AX (1986 – 1998)
Tout comme la 2CV, l’AX est une voiture d’ingénieurs. Ceux-ci, dans leur quête du meilleur rendement possible, ont optimisé à outrance la légèreté. En résulte une citadine très performante vu sa cylindrée, et économique. À l’instar de son ancêtre, elle tient très bien la route et se montre fort confortable mais prend beaucoup de roulis et pâtit d’une finition désastreuse, tout en ne présentant qu’une résistance aux chocs symbolique. Étrennant les moteurs TU qui feront les beaux jours de PSA jusqu’à récemment, elle bénéficie de versions sportives (GT, Sport), très respectables, ainsi que d’un diesel aussi performant que fragile. Restylée en 1991, elle bénéficie d’un nouveau tableau de bord et améliore nettement sa qualité de fabrication. Elle se décline en GTI, en 4x4 ainsi qu’en une pléthore de séries limitées. Il est temps de commencer à les préserver. À partir de 750 € en très bon état.
2CV6 de 1979, la fiche technique
- Moteur : 2 cylindres à plat, 602 cm3
- Alimentation : carburateur double corps
- Suspension : bras poussés, ressorts hélicoïdaux longitudinaux (AV) ; bras tirés, ressorts hélicoïdaux longitudinaux (AR).
- Transmission : boîte 4 manuelle, traction
- Puissance : 29 ch à 5 750 tr/mn
- Couple : 39 Nm à 3 500 tr/mn
- Poids : 560 kg
- Vitesse maxi : 115 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : Est-ce bien important ?
> Pour trouver des annonces de 2CV, rendez-vous sur le site de La Centrale.
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