3. Bugatti Chiron et Chiron Sport : le rêve de Ferdinand Piech remis à niveau
Officiellement présentée lors du salon de Genève 2016 et nommée ainsi en hommage à Louis Chiron comme le concept-car éponyme de 1998, la Chiron prouve par son existence un certain pragmatisme financier de la part des dirigeants de Volkswagen : puisque la Veyron a coûté si cher à cause de son développement technique hors normes (en 2013, une analyse du cabinet Sanford C. Bernstein non confirmée par le groupe Volkswagen avançait le chiffre contesté de 1,7 milliard d’euros de pertes sur l’ensemble de la carrière de la Veyron), la Chiron reprend le groupe motopropulseur de son prédécesseur tout en améliorant son concept grâce aux progrès de la technologie depuis le début des années 2000. Le but ? Amortir les coûts de développement astronomiques des 450 Veyron avec une nouvelle série de 500 exemplaires à la conception modernisée au maximum.
Lors d’une petite balade autour de Molsheim sous une violente pluie alsacienne au printemps 2018, le cahier des charges de l’impossible dressé par Ferdinand Piech à la fin du siècle dernier faisait plus que jamais sens : alors que je me trouvais au volant d’une automobile développant 1 500 chevaux et 1 600 Nm de couple, soit des valeurs doublant celles d’une super-sportive « classique » de chez Ferrari ou McLaren de la même année, j’évoluais sans la moindre notion de stress dans cette voiture à la finition intérieure de Rolls-Royce. Je profitais d’une vision périphérique excellente en quittant l’usine de Molsheim, je découvrais un niveau de confort désormais supérieur à celui d’une 911 et J’arrivais même à accélérer sur le mouillé sans mourir instantanément !
Quelques mois plus tard, de retour sur le Paul Ricard pour cerner avec plus de précision la Chiron et son nouveau dérivé Sport, je prends toute la mesure des progrès de la Chiron par rapport à l’ancienne Veyron. Sur la route et malgré mes souvenirs du précédent modèle, les mises en vitesse me font perdre tous mes repères sur des portions que je connais pourtant par cœur. Il y a toujours un tout petit décalage entre le moment où l’on ose enfin écraser la pédale de droite et celui où le W16 produit la téléportation attendue, juste le temps que les deux paires de turbos à double étage n’entrent en pression. Quand cette téléportation intervient, l’intensité des accélérations progresse encore (0 à 100 km/h en 2,4 secondes, 0 à 200 en 6,1 secondes et 0 à 300 km/h en 13,1 secondes). Surtout, les sensations de conduite évoluent très favorablement vers le plaisir de pilotage : on sent davantage travailler le train avant, la direction gagne en rapidité comme en franchise et en consistance, alors que les réactions de la voiture donnent l’impression d’une machine plus sportive. Une machine qui, après quelques virages passés à se mettre en confiance, pousse à hausser le rythme au point de se retrouver à devoir freiner avant chaque virage depuis des vitesses que beaucoup d’autos ne pourraient même pas atteindre sur des autoroutes allemandes. Attaquer sur une petite route de campagne provençale en Bugatti Chiron fait bouillir le cerveau, littéralement. Surtout lorsqu’on entend racler la lame en carbone contre les bosses, mode Handling activé (ce qui place l’auto à son meilleur niveau de dynamisme, raffermit les suspensions et réduit la hauteur de caisse par rapport aux modes « EB » et « Autobahn »).
Aussi surprenant que cela puisse paraître, même l’impression de vitesse que procure une Bugatti Chiron de 1 500 chevaux paraît plus lissée sur le grand circuit Paul Ricard. Sur ce terrain, on ressent tout de suite la bien meilleure agilité de la Chiron par rapport à la Veyron : en virage, on peut même se retrouver à devoir mettre du contre-braquage à la faveur d’un lever de pied prononcé dans le second droite du Beausset, envoyant valdinguer le train arrière. La Chiron Sport, bénéficiant de roues plus légères, d’une direction légèrement recalibrée ainsi que d’un amortissement affermi de 10% et d’un différentiel arrière à fonction torque vectoring, semble plus douée encore quand on sort de la Chiron normale. Mais avec des limites tout de même : poussées dans leurs retranchements, ces Chiron finissent inévitablement elles aussi par sous-virer sur le grand Paul Ricard. Et on doit toujours composer avec une boîte à double embrayage, certes améliorée depuis la Chiron, mais fonctionnant en mode semi-automatique même une fois le mode manuel activé. Sauf que même avec de mauvais pilotes comme nous au volant et une impression de vitesse moins étourdissante dans ce cadre, le compteur de vitesse affichait 356 km/h avant le gros freinage de la courbe de Signes ! Certes toujours pas conçue comme une authentique machine de circuit, la Chiron sait encaisser des décélérations monstrueuses en piste, aligner les tours, faire preuve de rigueur et même d’un certain degré de dynamisme. Notez qu'on aurait bien voulu aller plus loin que le mode Handling plaçant l'ESP en mode Sport et voir ce qu'il passe quand on désactive entièrement les aides à la conduite. D'après les pilotes de Bugatti, ça devient sauvage. Mais à 3 120 000 € la Chiron Sport et plusieurs dizaines de milliers d'euros pour les quatre pneus, Bugatti n'a pas voulu prendre le risque de nous laisser voir.
En se rapprochant de sa fin de carrière, cette Chiron a reçu d’autres nouvelles versions : la Pur Sport limitée à 60 exemplaires, d’une part, une variante justement optimisée au maximum pour le circuit avec une vitesse limitée à 350 km/h au lieu de 420 km/h, des réglages châssis plus radicaux, un gros aileron fixe au lieu de l’aile pilotée hydrauliquement et des pneus semi-slick Michelin Cup 2 R. La Super Sport d’autre part, dont la série spéciale Super Sport 300+ limitée à 30 exemplaires a réussi à atteindre 490 km/h en 2019 sur la piste d’Ehra Lessien avec Andy Wallace au volant. En plus de ces versions de la Chiron, Bugatti a également lancé de toutes petites séries de modèles spéciaux depuis 2016 : Divo (40 exemplaires à 6 millions d'euros TTC), La Voiture Noire (exemplaire unique à 13,2 millions TTC), Centodieci (10 exemplaires à 9,6 millions d'euros TTC) et Mistral (99 exemplaires à 6 millions d'euros TTC).
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