Quand la Jaguar mute T-Rex


En décapsulant sa XKR-S qui était déjà la Jaguar la plus puissante et la plus rapide de l’histoire, la firme de Coventry a très logiquement créé le cabriolet le plus puissant et le plus rapide de la famille. Le V8 5.0l « Supercharged » (compressé) baptisé AJ-V8 GENIII est identique à celui du coupé et envoie ses 550 ch et surtout ses 680 Nm de couple sur les seules roues arrière dimensionnées en conséquence (295/35ZR20). Derrière ses roues se cachent des disques eux aussi dimensionnés en conséquence (376 mm à l’AR et 380mm à l’AV) car il faut pouvoir arrêter ce gros bébé sans chapeau de 1800 kg (+47 kg par rapport au coupé). Il faut dire que sa vitesse maxi est donnée pour 300 km/h (bridée qui plus est !) et que pour l’atteindre il ne vous faudra pas une éternité puisque les 680 Nm disponibles dès 2500 tr/mn vous envoient à 100 km/h en seulement 4.4s puis à 180 km/h en 7.6s. De quoi perdre son permis entre la sortie de son garage et la première intersection ! Précisons pour finir qu’avec près de 4.80m de long, ce beau cabriolet n’embarque évidemment que 2 personnes entières plus 2 moitiés de personnes (2+2) ou 2 personnes et pas mal d’affaires puisque le coffre accueille quand même un volume (liquide) de 313l auquel vous pouvez rajouter les demi-places arrières. Une contenance qui peut chuter à 200l si, d’une part, la place nécessaire est disponible dans le coffre et d’autre part, si le couvre-bagage est bien positionné, ce qui n’est pas toujours le cas (et pas forcément détectable à l’œil). Cette réduction de contenance intervient en 18s, soit le temps que requiert la capote toilée efficacement doublée pour se ranger dans son logement. Notez encore que l’opération peut se faire en roulant au pas, ce qui est pratique mais aussi terriblement délicieux à regarder et à vivre.




Toutes ces belles paroles couchées sur papier sont bien plaisantes à lire mais elles ne retranscrivent finalement que très peu la réalité d’une rencontre avec cette imposante Jaguar. Soyons tout de suite clairs, le kit RS sied nettement plus au coupé qui parvient à arborer de façon acceptable un aileron de malle alors que sur le cabriolet, le même élément fait tache même s’il apporte soi-disant 26% d’appui supplémentaire. Par contre, la face avant de poisson-chat virilise toujours aussi sévèrement le trait un peu mou du XK de base tandis que les ouvertures sur le capot gravées « Supercharged » annoncent la couleur … de la fumée qui va s’échapper des pneus dans quelques minutes. On notera par contre la fragilité du bas de bouclier en carbone dont la durée de vie ne doit pas dépasser les 2 ou 3 mois tant il est exposé aux trottoirs et autres obstacles.

Vidéo - Les Virées Caradisiac en Jaguar XKR-S Cabriolet  : une voiture de fille à poils

Autre signe qui ne trompe pas, les 4 trompettes ou 2 doubles canons sciés qui émergent du diffuseur arrière dont un bouton permet de libérer les cordes vocales lorsque vous le souhaitez. Une fois ce bouton actionné, le crépitement hallucinant du V8 un poil plus métallique que celui d’un Mercedes SLS est entrecoupé de véritables déflagrations au rétrogradage, à tel point qu’il doit être possible d’envoyer un cycliste dans le bas-côté en tombant un rapport après l’avoir dépassé. Effrayant (pour le cycliste) et jouissif (pour les occupants).


Après le premier sentiment provoqué par ce look de sirène dopée aux anabolisants, on tombe en arrêt sur les baquets Performance en cuir à inserts effet fibre de carbone qui sont également chauffants et réglables électriquement dans 16 directions ! Sport mais pas trop non plus comme le confirment le noir laqué et la finition aluminium sombre. On s’extasie toujours lors de la mise en route et de l’érection voluptueuse du sélecteur Jaguar Drive et malgré la tonalité sombre de l’habitacle, on se sent bien. Capote fermée, l’insonorisation est remarquée et remarquable mais c’est très vite les cheveux à (et en) l’air que l’on va rouler.


Féline qui dodeline ?

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Avant d’en avoir pris le volant, on imagine qu’une Jaguar XKR-S est une auto surmotorisée au châssis mou qu’il va falloir dompter. Pourtant, même en plaçant l’ESP sur off, on découvre une auto qui motrice plutôt bien et qui téléphone ses débordements sans jamais tortiller du châssis. La présupposée sauvage est plutôt docile et facile à vivre alors même que l’amortissement pourtant affermi par rapport au coupé est tout à fait supportable, presque confortable. Étonnant de découvrir à quel point on prend confiance à bord de ce vaisseau sidérant aux vociférations animales. La direction est intuitive, le nez de l’auto ne « lit » finalement qu’assez peu les irrégularités de la route et c’est après quelques kilomètres qu’on se convainc qu’il est possible d’aller fouiller un peu plus loin. En fait, au moment de jouer avec la XKR-S, c’est plus le gabarit qui effraie que le comportement. La première épingle un peu large à la visibilité dégagée sera l’occasion d’en mettre une louche de trop du pied droit juste pour voir. La XKR-S décroche proprement et signe de belles virgules qui ne font jamais naître de sueur au front du capitaine surpris par autant de facilité. Il faut croire que toutes les autos de ce segment sont manifestement étudiées pour cela et la Jaguar ne fait pas exception bien au contraire. On peut même dire qu’elle fait partie des toutes meilleures et du coup, on abuse et on rit, c'est la virée des dandys.

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Le lendemain, l’idée de pouvoir amener cette XKR-S sur le toboggan du circuit Dijon Prenois lors de la journée Pirelli P Zéro Expérience qui y est organisée suffit à m’envoyer au lit le sourire aux lèvres. Sourire que je vais perdre très tôt lorsque le responsable Marketing de Jaguar indique que les autos ne pourront être conduites comme c’était prévu !!! Désillusion totale, il va falloir s’asseoir à côté d’un moniteur qui n’aura même pas le droit de répondre à nos questions durant les 4 tours alloués !! Re-désillusion. Et pourtant, cet excès de zèle, ce désir de contrôle de la parole ne semble avoir aucune raison logique car au final, il semble que cette XKR-S se révèle aussi surprenante sur la piste que sur la route. Malgré un embonpoint certain (1800 kg comme bien d’autres supersportives du même segment), les mises en appui sont rassurantes et bien verrouillées, la suspension concède évidemment un peu de ballant mais cela reste très mesuré et surtout cohérent et très équilibré puisque le train avant accepte les inscriptions en courbe sans jamais se défiler tandis que la poupe accepte de venir assez gentiment. Certes, Dijon Prenois est tout sauf un circuit lent et on imagine qu’en présence de 2 ou 3 gros freinages et de quelques virages lents, le cabriolet de sport perdrait de sa superbe et de son agilité mais en tout état de cause, sur ces enchaînements rapides de courbes, les changements d’appuis se font sans problème, le musculeux V8 5.0l à compresseur Roots assenant ses coups de pilon à la concurrence sur chaque relance et finalement, l’auto ne fut en rien ridicule face à l’armada de supercars présentes ce jour-là !

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Quant à la boîte automatique 6 rapports, si j’ai bien failli oublier de vous en parler c’est parce que finalement, elle se révèle excellente à l’usage et arriverait presque à faire de l’ombre à, par exemple, la double embrayage ignoble d’une Mercedes SLS ! Soyons précis, cela reste une boîte automatique toujours trop lente pour les amateurs de conduite très dynamique et qui n’atteint pas le niveau d’une bonne boîte robotisée à double embrayage mais elle est parfaite dans son genre d’autant plus que le différentiel actif qui lui est accolé fait lui aussi parfaitement son boulot en gérant l’arrivée de la puissance bien touffue à l’arrière. La Jaguar XKR-S n’est probablement pas la plus rapide mais sur un circuit, elle tient son rang, ce à quoi je ne m’attendais pas et quelques propriétaires de Lotus Exige musclées non plus.


Laquelle choisir : Jaguar XKR-S Cabriolet ou Coupé ?


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À la lumière de ces enseignements sur les qualités de la Jaguar XKR-S facturée 142.800€ (134.500€ pour le coupé), on en vient à se poser la question du choix dans cette catégorie finalement assez peuplée et la conclusion est assez torturée, j’en conviens. Sachant qu’un Mercedes SL63 AMG de 537 ch coûte 177.000€, qu’une Porsche 911 Turbo Cabriolet de 530 ch tourne autour de 175.000€, qu’une Maserati GranCabrio tellement moins puissante (450 ch) coûte 140.900€, si on évite de prendre en considération la décote de ces modèles, on choisit invariablement la Jaguar.


Après cette première réflexion, une autre question vient pourtant à l’esprit : lorsqu’on a les 2 autos sous les yeux, difficile de savoir laquelle du coupé, plus beau, ou du cabriolet il faut préférer. Mais là aussi, la réponse s’impose après une petite réflexion. Pour éviter que les fanatiques de la Nissan GT-R plus efficace, plus rapide et tellement moins chère viennent vous pourrir la vie, le mieux est donc d’opter pour le Cabriolet qui vous permettra de snober tous ces roquets pérorant sur les capacités surnaturelles de leur incroyable nid de puces en les abandonnant à leurs discussions si abstraites. Vous préférerez vous glisser dans votre baquet Performance à inserts cuir effet carbone que vous aurez préalablement réglé selon les 16 directions offertes, puis vous actionnerez de la main droite le bouton Start et, tout de suite après, l’ouverture automatique de la capote en même temps que vous vous élancerez dans un râle caverneux de V8 très (com)pressé. Puis, d’une main négligemment agitée au-dessus du nuage de fumée d’un burn-out à faire se décoller le papier peint du salon de la maison d’en face, vous pourrez saluer l’assistance médusée et interrogative sur la raison qui fait que Nissan ne propose pas de GT-R Cabriolet à son catalogue. Et là, le crâne délicieusement chauffé par les rayons du soleil, les oreilles caressées par le V8 Superchantant et Supercharged, sincèrement, savoir qu’une Nissan GT-R donne la leçon à un Coupé Jaguar XKR-S, vous vous en moquez éperdument, vous, vous roulez dans un cabriolet raffiné … qui sait si bien ne pas l'être (raffiné) !