3. L’avis des municipalités

Même si l’idée de Jean-Jacques Pignard peut sembler saugrenue, nous avons interrogé à ce sujet les responsables de quatre grandes villes françaises (Paris, Lyon, Marseille et Toulouse). Voici ce que nous avons demandé à ces élus :

1-Etes-vous favorable à l’idée de ne plus verbaliser les stationnements qui seront amnistiés ?

2-Etes-vous favorable à l’application de cette décision dans votre commune ?

3-Etes-vous pour ou contre l’amnistie ?

Voici leurs réponses :

Lyon

Jean-Louis Touraine, 1er adjoint au maire Gérard Collomb : "Les abus de stationnement peuvent se révéler dangereux" - Etes-vous favorable à l’idée de ne plus verbaliser les stationnements qui seront amnistiés?

- Je n’y suis pas du tout favorable car j’estime qu’ il y a déjà suffisamment d’abus. Les automobilistes qui se garent, par exemple devant les portes cochères ou sur les passages cloutés, sont de véritables dangers pour les handicapés ou les mères de famille avec leur poussette. Concernant le non-respect du stationnement payant, c’est différent car moins dangereux mais tout aussi gênant car cela pénalise la vie du quartier.

- Etes-vous favorable à l’application de cette décision dans votre commune ?

- Non, ce ne serait pas cohérent par rapport à la politique que nous voulons appliquer à Lyon. Vu le nombre élevé de plaintes pour non-respect que nous avons enregistré, nous allons mettre en place avec la préfecture, une campagne de sensibilisation sur ce problème, puis après les contrôles seront renforcés.

Nous avons lancé récemment une étude statistique dont les résultats ont été surprenants. En effet, nous avons constaté que plus de 50 % des verbalisations ont été régularisées en temps et en heure, c’est-à-dire dans un délai de quatre semaines. Pour le reste, cela peut être des personnes qui paient avec un peu de retard ou pas du tout, nous ne le savons pas.

- Etes-vous pour ou contre l’amnistie ?

- Je suis contre et j’estime qu’il faudra mettre fin un jour ou l’autre à cette amnistie car cela ne peut plus durer !

Toulouse

Jean-Michel Lattes, chargé de la circulation, du stationnement et des transports : "Nous pratiquons la politique inverse de celle mise en place par le maire de Villefranche-sur-Saône"

- Etes-vous favorable à l’idée de ne plus verbaliser les stationnements qui seront amnistiés ?

- Nous pratiquons la politique inverse de celle mise en place par le maire de Villefranche-sur-Saône. Il y a actuellement de graves problèmes de stationnement dans notre ville dus au prolongement de la première ligne de métro et au creusement de la seconde qui doivent se terminer en 2007, mais les difficultés vont durer pendant environ 18 mois. Par conséquent, nous allons maintenir notre politique de verbalisation et l’action de la fourrière va rester toujours aussi forte. Nous prônons donc la tolérance « zéro ». Selon nous, il est absurde de mettre en vigueur des mesures durant l’année puis de les supprimer pendant une courte période sous prétexte d’amnistie.

- Etes-vous favorable à l’application de cette décision dans votre commune ?

- En aucun cas.

- Etes-vous pour ou contre l’amnistie ?

- Je tiens à dire que je suis contre cette pratique car la ville doit vivre. L’amnistie crée des blocages qui sont très pénalisants pour le bon équilibre de la circulation et de la gestion des parkings. Si le maire de Villefranche-sur-Saône souhaite mettre du désordre dans sa ville pour montrer son opposition à l’amnistie, c’est son choix mais je suis complètement opposé à cette idée à Toulouse.

Paris

Stéphanie Léger, conseillère de Denis Baupin, adjoint au maire chargé de la circulation, des transports, du stationnement et de la voirie : "L’amnistie entraîne le quasi-doublement du nombre de blessés et de morts dans la capitale"

- Etes-vous favorable à l’idée de ne plus verbaliser les stationnements qui seront amnistiés ?

- Une telle décision est à l’opposé de notre politique qui vise à établir un équilibre entre les différents acteurs présents sur la voirie. Nous sommes donc contre.

- Etes-vous favorable à l’application de cette décision dans votre commune ?

- Dans une autre ville, l’idée du maire pourrait être bonne afin de souligner la stupidité de l’amnistie mais franchement ce n’est pas le genre de M. Baupin de prendre une telle décision et en plus à Paris, les contractuelles ne sont pas sous les ordres de la mairie mais de la Préfecture ; cela règle donc le problème !

- Etes-vous pour ou contre l’amnistie ?

- Denis Baupin est opposé à l’amnistie car on a pu vérifier que l’accidentologie est viciée par cette pratique. Pendant l’année qui précède l’amnistie, les autorités se sont rendu compte du quasi- doublement du nombre de blessés et de morts à Paris. Le sentiment d’impunité aboutit le plus souvent à un stationnement anarchique qui peut se révéler dangereux pour les différents usagers.

De plus, cette situation est très démotivante pour nos agents municipaux qui ont l’impression de travailler pour rien (NDLR : ce n’est pas qu’une impression car beaucoup d’automobilistes n’ont pas l’intention de payer leurs PV).

Marseille

José Allegrini, 10e adjoint de Jean-Claude Gaudin, délégué au contrat local de sécurité, à la police municipale et administrative : "Anticiper l’amnistie est une mesure pernicieuse"

- Etes-vous favorable à l’idée de ne plus verbaliser les stationnements qui seront amnistiés ?

- L’amnistie est une tradition d’initiative présidentielle qui dépend principalement de son bon vouloir. Ce n’est pas une loi, mais plutôt une habitude qui va se répéter une nouvelle fois. Parmi les atouts de cette décision, on peut citer le désengorgement des tribunaux de police. J’ai tout à fait conscience des avantages et des inconvénients de cette mesure car je suis avocat pénaliste de formation, mais préjuger une telle mesure, c’est consacrer un principe pernicieux car rien n’est formalisé concernant par exemple les dates de début et de fin. Cela augmente l’incivilité.

- Etes-vous favorable à l’application de cette décision dans votre commune ?

- Non et je ne suis pas prêt à anticiper l’amnistie. Nos agents municipaux ne sont pas découragés même s’ils sont conscients que certains automobilistes fraudeurs l’attendent comme un soulagement. Par conséquent, nous les encourageons à utiliser la fourrière, surtout pour les stationnements gênants car dans ce cas-là, l’amnistie n’est pas valide.

- Etes-vous pour ou contre l’amnistie ?

- Au vu des mauvais résultats de la politique de l’Etat en matière de lutte contre l’insécurité routière, je suis contre l’amnistie qui entraîne des comportements accidentogènes. Il ne faut donc pas baisser les bras !

En ce qui concerne le stationnement, je suis moins catégorique car j’estime que cela prête moins à conséquence, mais je ne suis pas encore prêt à l’anticiper car pour moi, c’est une forme de démission qui est contraire au principe même de l’élection.