Les derniers défis
A près de quarante ans, le champion du monde sortant ne veut pas raccrocher son casque, mais la saison, 1969 sera cruelle. La perte d'un aileron sur la Lotus au GP d'Espagne signe une première alerte. L'éclatement d'un pneu manquera de lui être fatale au GP des Etats-Unis. Éjecté lors du choc, il est relevé avec une très vilaine fracture du genoux. Les médecins estiment qu'il lui faudra presque un an pour recouvrer ses moyens.150 jours plus tard, Graham prenait le départ du GP d'Afrique du Sud et marquait même le point de la 6e place ! Cet admirable acte de bravoure, ne pourra toutefois masquer une carrière en Grand Prix en net déclin. Si l'homme est toujours "gonflé à bloc", et passionné, le pilote, bien que toujours aussi combatif, est moins rapide. Handicapé en outre par un matériel capricieux, il réussira encore de jolis coups.
Opportuniste, il s'imposera encore en F1 à Silverstone dans une épreuve hors-championnat en 1971, retrouvera la fougue de sa jeunesse la même année en triomphant de Ronnie Peterson en F2 à Thruxton, et triomphera avec Henri Pescarolo aux 24 Heures du Mans 1972 sur une Matra. Cette victoire qui lui vaut d'arborer un palmarès unique où il dévoilera une nouvelle fois la sûreté et la précision de son pilotage dans des conditions climatiques épouvantables sera aussi la dernière de portée internationale. La fin de sa carrière en Grand Prix sera moins glorieuse. A Monaco, où il avait si souvent vaincu, il connaîtra en 1975 l'humiliation d'une non-qualification. Celui que l'on avait surnommé "Mister Monaco", assume l'affront et prend le temps d'assister à la course de Formule 3. Il y remarque une jeune pilote britannique de 23 ans : Tony Brise. Il a du talent à revendre, mais pas de fortune et peu doué pour les relations publiques, il piétine en F3 depuis trois ans. Hill veut lui offrir la chance que lui-même n'a jamais eue.
Il le fait signer dans l'écurie qu'il a fondée l'année précédente et bien vite, s'aperçoit que son poulain tire un meilleur parti de la monoplace. Graham comprend le sens du message et la semaine précédant le GP de Grande-Bretagne, il décide de se retirer de la compétition. Il prendra encore le volant de l'une de ses F1 pour accomplir un tour d'honneur devant son public à Silverstone. Il reçoit un hommage vibrant. L'émotion est énorme. Tous savent qu'une époque vient définitivement de se terminer, mais cette retraite est aussi ressentie comme un immense soulagement, tant il aurait semblé injuste ou stupide qu'un tel destin s'achève brutalement sur une piste lointaine. Et puis, Graham Hill ne quitte pas vraiment les Grand Prix. Il est toujours là et il a des projets plein la tête. Il veut construire sa F1 et rêve d'un nouveau titre mondial pour Tony Brise. Le projet se présente bien. Il a reçu le soutien accru d'une importante marque de tabac britannique, la nouvelle voiture est nettement plus performante que les anciennes Lola de l'écurie et Tony Brise affirme chaque jour un peu plus son talent...
A l'issue d'une séance d'essais privés au Castellet, quatre membres de l'équipe et Tony Brise embarquent avec la satisfaction du travail bien fait dans le Piper Aztec piloté par Graham. Quelques heures plus tard, l'appareil s'écrasait dans une prairie du Kent, noyée dans la brume. Graham Hill avait 46 ans et espérait vivre centenaire pour trouver le temps de satisfaire toutes ses passions. Le destin n'avait pas son élégance...
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