Le droit d'aînesse
Sur le plan stricte des performances les Ferrari 512 S sont très proches des Porsche 917. Plus lourdes et moins rapides en vitesse de pointe que leurs rivales, les Italiennes peuvent compter sur une mécanique plus moderne offrant davantage de souplesse et une meilleure tenue de route. Cette première confrontation à Daytona le prouve : seulement 3/10 de seconde sépare la Ferrari d'Andretti et la Porsche de Siffert. Cette proximité va se révéler nettement plus aléatoire en course où les Ferrari s'essoufflent souvent à vouloir suivre le rythme des Porsche. Prometteur le combat tourne court et à l'exception de la victoire Ferrari à Sebring, Porsche va dominer sans être réellement inquiété toutes les autres manches de la saison. Les voitures rouges apparues neuf mois après les Porsche 917 ne parviendront jamais à combler ce handicap de temps qui se traduit en essais et développement. Puissantes et robustes, les 512 ont débuté le combat pratiquement vierges d'essais et seront souvent retardées par de multiples petits pépins mécaniques ou autres défauts de préparation qui auraient dû être résolus depuis longtemps. Plus grave, la conception même de la voiture peut être remise en cause.
Trop conventionnelle, la 512 appartient presque à l'ancienne génération des "Sport" et elle ne parviendra jamais à résoudre ses problèmes de poids alors que les Porsche ne cessent d'évoluer aussi bien en puissance qu'en tenue de route.
En outre, fidèle à sa tradition latine, la Scuderia pêche également dans le domaine de l'organisation sur le terrain et certaines scènes dans les stands (notamment à Watkins Glen) ne seront pas sans rappeler l'âge d'or du burlesque au cinéma ! Enfin, si Ferrari peut compter sur des pilotes de premier plan (Ickx, Andretti, Surtees, Amon) et de solides espoirs (Giunti, Merzario) la cohésion des équipages ne sera que rarement au rendez-vous car en plus des rivalités s'ajoutent les indisponibilités de uns ou des autres. Dans ce contexte, elles durent se contenter de simples coups d'éclat aux essais (3 pole position consécutives en début de saison à Daytona, Sebring, et Brands Hatch) et de débuts de course tonitruants, mais au fil des mois l'écart ne cessera de se creuser au profit des Porsche.
Avec l'avènement des agiles spiders 908-3 taillés sur mesure pour la Targa Florio et les 1000 km du Nürburgring, la montée en puissance des 917 dotées de nouveau moteurs 4,9 litres, les espoirs d'un titre mondial sont non seulement envolés de puis longtemps, mais il devient quasiment impossible aux Ferrari de rééditer simplement ces coups d'éclat qui entretenait au moins l'illusion. Et puis, le sort s'acharna sur la marque italienne qui aurait pu légitimement sauver sa saison aux 24 Heures du Mans, lorsque quatre 512 "périrent" dans un stupide accident collectif... Ferrari, dans un ultime sursaut d'orgueil, lança pendant l'été une version "M" (modificato) qui fit naître de grands espoirs en surclassant les Porsche lors de ses débuts en Autriche. Trop tard sans doute pour inverser le destin de la 512 auquel Enzo Ferrari, lui-même, n'éprouva jamais une vive passion. Délaissée par l'équipe officielle, la dernière des Sport à moteur V12 devra se contenter d'un rôle d'intérimaire en 1971, pendant que la Scuderia affûte son prototype 312 PB.
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