Renault Zoe : le BlackBerry de l'automobile
L'inventeur du smartphone, c'est lui, mais le petit téléphone canadien à touches n'aura pas survécu aux Iphone et autres Android. De la même manière, la Renault Zoe, précurseuse dans son domaine et commercialisée en 2013, n'a pas su progresser suffisamment pour rester dans l'air du temps.
C’était l’icône des années 2000 débutantes. Le chouchou d’Obama, l'appareil qui avait inventé le smartphone s : le BlackBerry. 200 millions d’utilisateurs de par le monde ne juraient que par lui et son petit clavier à touches qui permettait d’écrire des messages instantanés, quand les autres, la plèbe, s’échinait, à tapoter des SMS payants sur un téléphone à clapet.
Et puis le chouchou a fini au fond d’un tiroir, avant de disparaître complètement. Le 4 janvier 2022, le dernier BlackBerry a cessé d’émettre, définitivement terrassé par les iPhone et autres Samsung. Mais ce n’est pas de la faute de l’Américain ou du Coréen si la marque canadienne ne répond plus. Mais bien de la sienne. Parce qu’elle n’a pas vu arriver les petits nouveaux, ou parce que, lorsqu’elle s’en est aperçue, c’était déjà trop tard.
Une mésaventure similaire est en train d'arriver à la Renault Zoe, si bien partie, et si mal classée à l’arrivée. Ses ventes ont dévissées de 46% depuis le début de l’année et, comble de malheur, la chaîne de production de Flins ou elle est assemblée est à l’arrêt pour plusieurs semaines, faute de composants.
Carlos Ghosn, risée de la presse
Et pourtant, en ce jour de 2010 ou Carlos Ghosn annonce sa naissance devant un parterre de journalistes incrédules devrait être gravée dans l’histoire de Renault. Car celui qui était alors le boss de l’Alliance Renault-Nissan déclare à qui veut l’entendre, et refuse de le croire, que « l’hybride comme la pile à combustible sont de mauvaises solutions » alors que le géant Toyota bascule déjà vers ces deux technologies. Pour le franco libanais, l’avenir sera électrique. Et devant un public qui le prend pour un fou, il annonce des chiffres et des produits : 5 milliards d’investissement, 1,5 million de voitures vendues dans les cinq ans, l’arrivée, en Europe de la Nissan Leaf, et la création de la Renault Zoe, de la Fluence ZE et du Kangoo ZE.
Très peu de temps plus tard, le rêve ghonesque s’est en partie réalisé : la compacte Nissan est devenue l’électrique la plus vendue au monde, et la Zoe la plus distribuée en France. Et puis ? Rien, ou pas grand-chose. Quand l’intégralité des constructeurs mondiaux ont entamé leur mutation vers les watts, Renault a mollement commercialisé une seconde génération de Zoe, avec un dessin trop proche de la première mouture et une plateforme similaire. Alors que la citadine de Flins, qui disposait pourtant de tous les atouts de ce que toutes les marques recherchent : c'était la fameuse auto électrique accessible. Du coup, petit à petit, la Zoe a disparu des radars. On n’y pense même plus lorsque l’on a en tête une liste d’autos à brancher.
En dix ans, la petite Renault est donc passée du stade de voiture dans l’air du temps à celui d’auto à remiser au grenier, par le simple fait d’avoir été oubliée dans les plans produits. Par le fait aussi que celui qui l’a voulu, l’intouchable patron d’avant, a confondu son compte bancaire personnel avec celui de son entreprise. La Zoe a souffert de l’affaire Ghosn et c’est l’ensemble de l’ex-régie qui a trinqué, jusqu’à l’arrivée du renaulutionnaire Luca de Meo.
La flamme de la Zoe s'est éteinte
Mais il est trop tard pour sauver le soldat Zoe et le nouveau patron le sait depuis son arrivée. La flamme est éteinte et une nouvelle bougie doit être allumée. Elle s’appelle R5 et doit débouler à la fin de l’année pour une commercialisation en 2024. En attendant, il faut la faire exister, au travers d'une communication ininterrompue, pour que tout le monde sache qu’elle arrive et pour que tout le monde patiente avant de partir vers la concurrence.
Finalement, la prémonition de Carlos Ghosn d’il y a treize ans, l’avance prise sur son temps à ce moment-là n’aura servi à rien. Par sa faute, mais aussi par la faute des cadres dirigeants autour de lui à ce moment-là, dont Carlos Tavares, qui, à l’instar des journalistes incrédules de 2010 n’ont pas cru le patron. Si Zoe est donc le Blackberry de l’automobile, il ne reste plus qu’à souhaiter que Renault ait réagi suffisamment rapidement pour ne pas sombrer comme l’entreprise canadienne.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération