Radars : retour sur cette affaire des maires autorisés à les installer
Stéphanie Fontaine , mis à jour
Mais d'où sort ce nouveau projet de donner aux municipalités la possibilité d'avoir la main sur l'implantation des dispositifs de contrôle automatisé sur leur territoire ? Pour l'heure, il reste bien difficile d'y voir clair, puisque le texte de loi qui devrait prévoir cette évolution au moment de sa discussion au Parlement d'ici une dizaine de jours n'en fait pour l'heure aucunement mention. Voici tout de même quelques pistes de compréhension, et l'avis du vice-président du Sénat, Vincent Delahaye, auteur d'un rapport sur l'implantation des radars en 2017.
"Gérald Darmanin veut permettre aux maires d’installer des radars fixes sans l’autorisation du préfet", titre Ouest France le 3 novembre, après avoir interviewé le ministre de l'Intérieur. Sans rentrer nullement dans les détails, Gérald Darmanin y indique simplement que : "Les collectivités, en lien avec les habitants, pourront ainsi mettre des radars de vitesse, de contrôle du bruit ou de la pollution, là où elles les estiment utiles". Point. Enfin presque… "C'est une révolution pour la sécurité routière", s'enthousiasme-t-il aussi dans les colonnes du quotidien régional ! De quoi donc donner un poids majeur à cette nouvelle trouvaille.
Depuis, l'info ne cesse d'être reprise et les politiques concernés interrogés. Dernier en date : le ministre délégué chargé des Transports sur France Info ce vendredi matin. Même si Jean-Baptiste Djebbari n'avait pas l'air des mieux informés sur le sujet, à l'écouter, on peut tout de même en déduire que l'annonce de Gérald Darmanin est liée à la prochaine mise en place du contrôle automatisé relatif au respect des zones à faibles émissions (ZFE), déjà dans les tuyaux et qui devrait prochainement se déployer.
Circuler sans vignette Crit'Air (ou malgré une vignette interdite) : quelles sanctions ?
- Au volant d'un véhicule léger, l'amende est de 68 euros (45 € en cas de paiement rapide)
- Avec un poids lourd, le PV s'élève à 135 euros (minorée à 90 €).
Ces verbalisations restent pour autant marginales, même à Paris.
Vitesse et contrôle des entrées dans les villes polluées
"Nous sommes dans un moment où nous allons notamment permettre aux collectivités de mettre en place des 'zones à faibles émissions', et donc nous devons doter les collectivités de moyens de contrôle", explique-t-il ainsi à la radio. Contrairement à ce qu'il peut laisser entendre, les ZFE existent déjà bel et bien, comme à Paris et dans sa métropole, puis dans celle de Lyon ou encore Grenoble. En application de la loi d'orientation des mobilités (LOM) votée à la toute fin 2019, certaines agglomérations, comme Aix-Marseille, ont même théoriquement l'obligation d'en installer une avant la fin de cette année. Mais pour surveiller ces ZFE, et donc les véhicules autorisés (ou non) à rentrer, en fonction des vignettes Crit'Air apposées sur les parebrises, l'instauration d'un contrôle automatisé reste en revanche encore à l'état de projet. Prévu lui aussi par la loi LOM, ce n'est toutefois qu'une question de temps avant de le voir instaurer.
Et lorsque le ministre Darmanin parle "des radars (...) de pollution", cela fait vraisemblablement référence à cela, même s'il ne s'agit pas à proprement parler de vrais radars, ni donc de vrais instruments de mesure capables de mesurer les émissions polluantes au passage de véhicules. Là, de simples caméras suffisent, dès qu'elles peuvent être dotées de la technologie des "lectures automatiques des plaques d'immatriculation" - des LAPI dans le jargon -, déjà utilisée par les radars automatiques, afin d'interroger le fichier des immatriculations (le SIV) et ainsi retrouver les propriétaires des véhicules qui ne présenteraient pas la bonne vignette Crit'Air les autorisant à circuler dans une ZFE.
De nouveaux automates à tout faire
Reste que les nouveaux radars urbains - les radars tourelles des villes - qui ont vocation à remplacer les radars feux rouges et les radars fixes en agglomération sont censés repérer à terme bien d'autres infractions, comme le portable au volant, la ceinture non attachée… et pourquoi pas les véhicules trop polluants dans les ZFE justement ? Tant qu'à faire… "L'idée et c'est je crois à ça que faisait référence Gérald Darmanin c'est de permettre aux maires de se doter de nouveaux équipements, dont des radars pour mieux maîtriser à la fois la vitesse - la sécurité routière - mais aussi d'autres éléments, et notamment contrôle de bruit et de pollution", résume ainsi le ministre Djebbari ce matin.
Et les radars de bruit, d'où ça sort alors ? Là encore la réponse est sans doute liée à la vitesse. Comme le note le sénateur centriste Vincent Delahaye (voir notre interview ci-dessous), auteur du rapport d'information sur la politique d'implantation des radars en 2017, dont l'une des recommandations portait d'ailleurs sur les "collectivités territoriales à associer plus systématiquement à la définition de la politique routière", faire respecter les limitations de vitesse, "cela joue aussi sur la pollution sonore, puisque plus on roule vite, plus on est bruyant". Certes. Mais le moins que l'on puisse dire, c'est que tout cela reste bien flou et peu précis pour l'instant !
Dans Ouest France, l'on peut également comprendre que le projet de Gérald Darmanin devrait avoir pour cadre la proposition de loi relative à la Sécurité globale dont l'examen par le Parlement est prévu à partir du 16 novembre. Mais pour l'heure, le texte n'aborde aucunement ce point sur les radars, et les 400 amendements déjà déposés n'en font pas plus mention. Il va falloir donc patienter pour bien comprendre ce que le gouvernement a en tête : les maires auront-ils à financer ces installations sur leur budget ? en contrepartie récupéreront-ils les recettes engrangées ? se chargeront-ils aussi de la maintenance de ce matériel ? Le texte bientôt défendu à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, devrait apporter toutes ces réponses.
La proposition de loi qui avait initialement pour seule vocation d'élargir les compétences de la police municipale, d'en créer une véritable à Paris, et d'élaborer un régime juridique à la captation des images par drone, a été largement complétée ces derniers jours, avec de nouvelles dispositions portant notamment sur la protection des fonctionnaires de police. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que ces dispositions font grandement polémique.
Jeudi, la nouvelle Défenseure des droits, Claire Hédon, a sonné l'alerte, en faisant valoir que cette proposition de loi "soulève des risques considérables d’atteinte à plusieurs droits fondamentaux, notamment au droit à la vie privée et à la liberté d’information"… Pour le coup, ce n'est sans doute pas sur les radars que les débats s'annoncent les plus houleux !
Nos trois questions à Vincent Delahaye, sénateur de l'Essonne, ex-maire de Massy
Existe-t-il un quelconque mécontentement des maires en ce qui concerne l'implantation des radars ?
VD - "Lorsque j’étais maire, j'ai pu faire des propositions d'installation de radars, non pas forcément en raison d'une importante accidentologie aux endroits en question, car j'ai en tête une grande ligne droite sur laquelle les dépassements de vitesse provoquaient des nuisances sonores pour le voisinage. Faire respecter la réglementation aurait donc permis de les réduire. Mais cela m'a toujours été refusé par le préfet. J'imagine que je ne dois pas être le seul maire dans ce cas-là. De là à en conclure qu'il existait des revendications importantes sur ce terrain, peut-être pas… Mais de fait, il y a des progrès à faire."
Comment expliquer ces refus par les préfets à certains maires ?
VD - "Je n'en ai pas la moindre idée. On ne peut pas dire qu'il existe une transparence totale en la matière : on ne sait pas forcément qui participe aux commissions départementales que dirigent les préfets et qui encadrent ces nouvelles installations. Quand vous cherchez à avoir les justifications des implantations, vous avez du mal à les obtenir, même quand vous êtes rapporteur spécial de la commission des Finances du Sénat comme c'était mon cas ! Sur le fond en tout cas, je préfère toujours par principe que ce soit les élus qui décident en démocratie plutôt que les fonctionnaires. Donc j'aurais plutôt tendance à approuver la proposition de Gérald Darmanin et à la considérer comme une décision de bon sens. Il y aura peut-être des abus, c'est probable même, mais il n'en reste pas moins que les décisions actuelles des préfets ne sont ni parfaites, ni toutes équitables."
De là à parler de révolution pour la Sécurité routière ?
VD - "C'est peut-être un peu excessif, mais ça resterait à mon sens une évolution positive. Quand on regarde l'implantation des radars aujourd'hui, on ne peut pas vraiment dire qu’elle soit toujours bien justifiée. Dire qu'il y a une égalité sur le territoire en matière de Sécurité routière parce que ce sont les Préfets qui sont à la manœuvre, c'est totalement faux. Il ne faut pas croire qu'il existe une vraie cohérence sur le sujet. Alors confier une partie des décisions aux maires pourrait en effet être positif."
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