Nouvel examen du code de la route : mille questions pour nos champions
Mille questions, c'est ce que doivent désormais potasser les candidats à l'examen du code de la route. La Sécurité routière en a diffusé un échantillon de 15, qualifiées d'"emblématiques". Un conseil, ne perdez pas votre permis !
Pour les brillants pédagogues et spécialistes de la spécialité qui ont pondu ces 1000 questions, "le postulat est que conduire un véhicule est une tâche complexe, constituée de stratégies, de connaissances, de valeurs sociales, de prises de conscience et de collaborations." Ces fadaises sont issues du nouveau "référentiel pour une éducation à la mobilité citoyenne" (REMC), sans doute un cousin germain du "milieu aquatique profond standardisé", la fameuse piscine du jargon de l'Education nationale…
C'est pourquoi il ne suffit pas de connaître, comprendre et savoir appliquer les règles. Il faut d'abord se pénétrer de la finalité finale de ces règles et former son esprit à la logique tortueuse des concepteurs pour déjouer les pièges de questions vicieuses, absconses ou faussement niaises. Ensuite apprendre à chercher dans chaque photo le détail qui tue, l'usager caché, le panneau lointain. Et enfin, apprendre des tonnes de statistiques inutiles et de vérités édifiantes. Et tout cela pas du seul point de vue de la sécurité routière, ce serait trop simple, mais aussi en termes d'éco-conduite, de citoyenneté, de respect des usagers vulnérables, de connaissances des nouvelles technologies, de santé publique, de pharmacologie, etc.
Ces pures intentions et bons sentiments n'empêchent pas un bon quart des conducteurs marqués de la lettre A de conduire comme des gorets. De toute évidence, la Moraline massivement injectée à l'auto-école ne soigne pas les déficiences comportementales que n'ont pas su traiter l'école ou les parents.
Un frein à l'emploi et aux études, pas aux accidents
Ces 25 dernières années, le coût du permis a doublé mais rien n'a changé au niveau de la mortalité des jeunes conducteurs, qui représentent toujours un quart des tués. Le même pourcentage partout dans le monde occidental, que l'examen soit simple, complexe ou ubuesque.
En attendant, passer le code continue d'être le cauchemar de toute une génération, un frein à l'emploi et aux études, à l'intégration. Les familles françaises y consacrent plus d'argent qu'à la formation post-bac de leurs enfants et pour de nombreux jeunes, l'obtenir réclame plus de temps et d'énergie qu'un apprentissage professionnel niveau CAP. Un énorme gâchis.
Car cet examen n'est pas seulement un ralentisseur, il est aussi une barrière que ne franchit pas une frange énorme de la jeunesse, celle qui est fâchée avec les subtilités du français écrit et l'apprentissage "par cœur" ou est tout simplement incapable de tordre son esprit à la logique particulière du questionnaire. C'est d'ailleurs pourquoi aucun conducteur déjà titulaire du permis B, même le plus expérimenté, le plus prudent et le mieux renseigné des règles du code ne parvient à ne pas dépasser les 5 fautes sur 40 questions (dont la plupart "à double détente" = deux fautes possibles) sans un intense bachotage.
Chaque année, des dizaines de milliers de jeunes renoncent définitivement à le passer - mais pas toujours à conduire… - après plusieurs échecs aux épreuves théoriques ou pratiques. Le ministère des Transports a commandé, voici cinq ans, une enquête pour mesurer l'ampleur du phénomène. On en attend toujours les résultats. Des milliers d'autres profitent d'un permis plus facile et moins cher à l'étranger à l'occasion d'un stage ou d'études, d'autres vont le chercher dans le pays d'origine de leur famille, dans le sud de l'Europe, au Maghreb, aux Comores, en Afrique…
Peut-on les en blâmer ?
Voici à quoi ils échappent : sur cet échantillon de quinze questions - soit 1,5 % du total - diffusé par la Sécurité routière, il y en a six qui illustrent bien l'inanité de cet examen tellement connecté aux subtilités de la sécurité routière qu'il a depuis longtemps décollé de la route.
La question inutile
Imaginez le colossal danger que représente pour la société un jeune conducteur ne sachant pas démarrer une voiture à boîte automatique : 15 % des voitures neuves, 3 % du parc roulant, 0,5 % des voitures de jeunes.
La question vicieuse
Notez qu'il ne suffit pas de savoir qu'il faut obéir aux forces de l'ordre, il faut aussi apprendre par cœur les peines encourues. Mais ici, faut-il s'arrêter ?
L'agent tourne le dos au candidat et ne lui fait pas signe à lui, mais à un conducteur au loin. De ce fait, le candidat n'a pas à s'arrêter et n'encourt ni amende ni perte de points. Il coche donc les cases B et D.
Erreur, il doit avoir la plasticité intellectuelle de :
1/ S'imaginer dans la voiture qui fait face à l'agent au loin et pas, comme pour toutes les autres questions, à la place du photographe.
2/ Donner la priorité au texte "si je n'obéis pas à cet agent…" et non à l'image.
La question d'opinion
Le "jeune conducteur" est-il capable de s'apercevoir que le GPS lui indique de prendre la bretelle à droite signalée par un panneau, que celle-ci est limitée à 70, qu'il est suivi loin derrière par une voiture et que celle de devant, n'ayant pas mis son clignotant, n'emprunte normalement pas la bretelle ? Même à 12 ans, j'aurais répondu oui. Faux, bien sûr.
Aux questions demandant si le jeune conducteur est un crétin immature, toujours cocher la case "oui". Car, comme l'explique la "bonne réponse" : "Mon regard et mon cerveau ne sont pas capables de traiter toutes les informations au même moment."
Mais bien entendu, ce même cerveau doit être capable de déjouer les pièges de mille questions niaises, vaines, vicieuses ou équivoques.
La question bien-pensante
Le cycliste est arrêté, il a un pied sur le trottoir et tourne la tête de mon côté. Il a donc vu mon clignotant et n'étant pas suicidaire ne va pas démarrer sous mes roues. Je peux donc tourner.
Surtout pas, malheureux ! Il faut tirer le frein à main, descendre de la voiture et argumenter :
- après vous, je vous en prie…
- je n'en ferai rien, passez donc !
- Surtout pas, songez que "je dois garantir la sécurité des usagers les plus vulnérables ! "
- Pour tout vous dire, j'attends ma copine qui est au tabac, de l'autre côté de la rue…
La question de culture générale
Qu'est-ce que ça peut bien faire ? Quel est l'intérêt de savoir cela puisqu'il s'agit précisément d'un système automatique qui ne sera obligatoire, sur les voitures neuves, qu'en 2018, à condition que la date ne soit pas une nouvelle fois reportée. S'agit-il d'enseigner qu'il n'est plus nécessaire d'appeler les secours à la vue d'un accident, puisque l'eCall s'en charge ?
Au fait, cette vieille Nissan n'en est évidemment pas équipée. Je coche donc les cases B et D et perds deux points à cause de ma culture automobile.
La question "pile je gagne, face tu perds"
Confit dans le respect inconditionnel des "usagers vulnérables", ayant appris par ailleurs que dépasser autrui sur la route, c'est mal, dangereux, vexatoire, contraire à l'égalité républicaine et polluant, le candidat va forcément répondre B, qu'il n'a pas le droit de dépasser le deux-roues, qui plus est sur un passage à niveau. Mauvaise réponse : Il a parfaitement le droit de le dépasser : réponse A.
Admettons qu'il ait eu bon, le nigaud répondra ensuite C : je le dépasse. Grave erreur, il ne doit pas car "le deux-roues motorisé risque d’être déstabilisé en passant sur les rails, il peut faire un écart de trajectoire. De plus il est préférable de franchir avec prudence les passages à niveaux." Et, sait-on jamais, le scooter pourrait perdre son top case, les barrières être coincées par le gel, les ampoules des feux grillées, et là-dessus le train arrive…
C'est autorisé, mais il ne faut pas le faire : vous admirerez la subtilité de la question. Je suis certain que dans les 1000 questions, il y en a une où c'est interdit mais il faut le faire...
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