Les véhicules d'époque pèsent 3,5 milliards d’euros, selon la FFVE
La Fédération Française des Véhicules d’Epoque (FFVE) vient de publier un rapport détaillé sur les les engins historiques, et force est de constater leur importance croissante, notamment d’un point de vue économique. Nous avons rencontré Jean-Louis Blanc, son président, qui nous en a dit plus.
Souvenez-vous. Avant 2009, les propriétaires devaient déclarer en préfecture le moindre déplacement hors de leur département de résidence au volant de leur voiture ancienne en carte grise collection. La FFVE a fait lever de cette restriction, puis, à force d’argumentation, permis aux anciennes dotées de la carte grise collection d’échapper aux interdictions de circulation liées à l’âge dans les neuf ZFE françaises. Ces déverrouillages ont libéré l’usage des voitures anciennes, avec à la clé, un effet positif sur l’économie. Comment le sait-on ?
En mai-juin dernier, la FFVE a réalisé une grande enquête auprès des particuliers propriétaires de véhicules de collection et des professionnels du secteur de l’ancienne. Il ressort que le chiffre d’affaires que ces derniers génèrent atteint 3,5 milliards d’euros. Dans une économie française à la peine, ça n’est pas négligeable, d’autant que 60 % de ces professionnels prévoient une augmentation de leur activité dans les cinq ans à venir. Peu de secteurs peuvent en dire autant !
La restauration et le négoce des anciennes représentent 1,3 milliards d’euros, la maintenance et les pièces détachées 1,2 milliards et le tourisme, 1 milliard… mais ça pourrait être bien plus ! En effet, toutes catégories confondues, les professionnels sont 42 % à faire état de difficultés à recruter, chiffre bien plus important dans le seul domaine de la restauration des véhicules où les besoins sont criants. Votre serviteur a l’occasion de les rencontrer régulièrement, et tous déplorent de pas trouver de carrossiers et mécaniciens à recruter, même en leur assurant une formation. « Le secteur est en bonne santé », assure Jean-Louis Blanc, d’autant que selon lui « l’ancienne est une passion qui monte. »
Ce poids économique et cet engouement, alliés à un respect très ancré du patrimoine en France, fait dire au président de la FFVE que les acteurs du secteur de l’ancienne « ne craignent pas une taxation spécifique sur les véhicules de collection ». Cela dit, il ne faudrait pas croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. En effet, les dérogations obtenues dans les ZFE ne sont que temporaires. En clair, de nouveaux élus pourraient très bien revenir sur les accords conclus avec leurs prédécesseurs. Par ailleurs, en janvier prochain, les quelque 48 agglomérations de plus de 150 000 habitants que compte la France devront avoir leur ZFE.
Pour les convaincre d’accorder des dérogations de circulations aux véhicules en carte grise collection, les 48 délégués régionaux de la FFVE (bénévoles, rappelons-le) sont sur le pied de guerre. « Même si les négociations se passent bien, ce serait miraculeux qu’on les gagne toutes », confie Jean-Louis Blanc, « une ou deux pourraient très bien nous échapper. » Mais il ajoute également qu’elles sont réticentes à bannir les artisans équipés de vieilles camionnettes…
On peut aussi se rappeler l’épisode Gilets Jaunes, déclenché notamment par une hausse des taxes sur les carburants, et dont l’impact a été profond auprès de nombre d’élus, à commencer par le Président de la République. On doute donc qu’ils s’empressent de faire appliquer des règles réclamées par l’Europe en raison du risque d’explosion sociale qu’elles représentent.
Quiconque a roulé en ancienne l’a remarqué : ces autos ne suscitent que des réactions positives de la part des passants. Leur acceptation est donc très générale, et ce, quel que soit leur prix. Autant on peut se faire insulter quand on roule paisiblement dans une Ferrari récente à 200 000 € autant mal garer une Aston Martin classique à un million d’euros dans Paris génère surtout des prises de photo enthousiastes (expériences vécues). Même l’écologiste Cécile Duflot, ancienne Présidente d’EELV, a fait restaurer sa vieille Renault 4 pour l’utiliser. De son côté, la très dynamique FFVE a mis en place un programme Ville d'accueil des véhicules d'époque, 154 maires ayant déjà signé un accord. L'objectif est de 400 à terme.
On pourrait opposer aux anciennes leur pollution supérieure à celle des modernes. Il est vrai qu’elles répondent à des normes simplistes, voire pas de norme du tout, les catalyseurs n’ayant commencé à se répandre en France qu’en 1990. Seulement, l’enquête de la FFVE, à laquelle ont répondu pas moins de 12 226 propriétaires d’anciennes (représentant 42 677 véhicules), ce qui lui confère une crédibilité évidente, ils ne roulent en moyenne que 1 082 km par an, donc ne représentent que 0,5 % du trafic.
Leur impact sur la pollution et les émissions de CO2 est donc insignifiant, d’autant que ces autos, motos, camions et fourgonnettes, notamment, sont soigneusement entretenus : 95 % de voitures sont déclarées conformes à l’origine, qu’elles soient restaurées ou pas. Ajoutons que 93 % brûlent de l’essence. Par ailleurs, signe de leur prudence, les propriétaires sont 95 % à déclarer n’avoir connu aucun accident de quelque sorte que ce soit au cours des cinq dernières années. Aucune raison objective de les pénaliser.
Font-ils partie de ces super-riches que le Gouvernement s’apprête à ponctionner, dans l’espoir de résorber le déficit abyssal de la France ? Pas exactement : le revenu moyen des ménages possédant au moins un véhicule ancien atteint 50 000 € annuellement, ce qui est certes plus élevé que la moyenne nationale. A titre indicatif, le revenu médian (qui ne diffère que légèrement du revenu moyen) des ménages français s’élevait à 4 258 €/mois pour un couple avec deux enfants en 2022, selon l’Insee.
Âgés en moyenne de 60 ans, les propriétaires de véhicules de collection dépensent annuellement 5 507 € par an pour leur passion, ce qui inclut l’entretien, la réparation, l’assurance, le garage mais aussi les carburant et les sorties avec leurs véhicules. Ce dernier poste, comprenant la participation à des évènements (rallyes par exemple), hébergement et restauration compris, représente 2 467 € par an. Rien de délirant. Les passionnés exercent ces activités la plupart du temps au sein de clubs, dont les dirigeants ont été questionnés lors de l’enquête de la FFVE.
Les clubs ne sont pas spécialement riches, leur revenu moyen annuel ne dépassant pas 17 460 € (ce qui inclut les cotisations, facturées 37 € en moyenne par an, les objets vendus et les sorties payantes). Mais ils voient leurs adhésions grimper, et de par les actions caritatives qu’ils mettent en place (générant en moyenne chacune 4 329 €), ils contribuent à augmenter l’acceptabilité, déjà haute, des anciennes.
Notons que 48 % des véhicules collectionnés s’accompagnent d’une carte grise collection, et que 13,5 % de ces engins sont des youngtimers, donc non éligibles à ce certificat de circulation car âgés de 20 à 30 ans. Jean-Louis Blanc n’est pas favorable à ce qu’ils le deviennent (au contraire, il serait question de faire remonter l’âge d’éligibilité à 35 ans) mais il assure que des groupes de travails réfléchissent à un statut à leur accorder.
Voici déjà une dizaine d’années, il était question de leur accorder une vignette spécifique. Sachant que ce sont précisément ces autos que les passionnés recherchent actuellement en priorité, ainsi qu’en témoigne la hausse de leur valeur, observable de façon irréfutable sur le marché des enchères, quand celle des modèles plus anciens a tendance à stagner, voire régresser légèrement, on pourrait penser que ce serait aller contre le sens de l’histoire que rehausser l’âge d’accès à la carte grise collection. D’un autre côté, ces autos sont encore nombreuses, or, une hausse trop importante du nombre de véhicules bénéficiant de dérogations de circulation pourrait mettre en danger ces dernières. La carte grise collection n'a en effet pas pour but de servir de passe-droit. Pas simple de tout concilier…
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