Fin des voitures thermiques : les constructeurs l'acceptent et s’inquiètent, en même temps
C'est sans étonnement et sans remous que l'association des constructeurs européens, mais aussi les importateurs, acceptent la sentence de Bruxelles. Et pour cause : la plupart d'entre eux ont investi des sommes colossales dans la bascule vers le tout électrique et nombre de marques auront achevé leur transformation dès 2030. Mais ils adoptent la pensée macronienne du "en même temps" et s'inquiètent de la mise en place des infrastructures nécessaires.
Ils ne sont évidemment pas tombés de leur chaise en apprenant le résultat du vote au Parlement de Strasbourg hier. Les constructeurs s’attendaient bien à l’interdiction des voitures thermiques en 2035 et leur première réaction, sous la forme d’un communiqué de l’ACEA (l’association des constructeurs européens d’automobiles) va dans ce sens. Du coup, ils ne s’opposent pas à la décision et font simplement part de leur inquiétude. Pour le président de l’organisme, le PDG de BMW, Oliver Zipse, le souci vient plutôt du « déploiement des infrastructures de recharge et la disponibilité des matières premières pour la production de batteries à ce moment-là. »
Si l'accord n'avait pas été signé, les constructeurs perdaient des milliards
Une manière de mettre un peu plus la pression sur les pouvoirs publics européens pour les inciter à développer les programmes promis de mises en place des bornes dans chaque pays de l’Union et de respecter, enfin, le calendrier annoncé. Une manière, aussi, de réclamer des aides pour la construction de gigafactorys.
Pour autant, aucun des grands décideurs européens de l’automobile n’est vent debout contre la décision, même si Carlos Tavares, le boss de Stellantis que l’on sait réticent, ne s’est pas encore exprimé. Et l’explication de cette acceptation en demi-teinte est assez simple. Tous ont investi des sommes colossales dans cette bascule vers le tout électrique. Rien que la galaxie Volkswagen est en train d’injecter près de 70 milliards dans l’affaire et ses concurrents y sont tous allés de leurs sommes colossales. À l’inverse, si les eurodéputés avaient rejeté le texte, les différents constructeurs auraient vu leurs investissements réduits à néant, sachant que nombre de consommateurs auraient encore choisi, et acheté, des autos thermiques neuves après 2035.
Reste que, même au sein du groupe VW, cette décision, va amener une perte sèche : celle de l’investissement, notamment chez Porsche, destiné à développer un carburant de synthèse. Mais aussi efficient soit-il, il ne devrait réduire les émissions de C02 à la sortie du pot d’échappement, que de l’ordre de 80 à 90 % lorsqu'il sera au point. Or, la future directive de l’UE est claire : ce sera 100 % au 1er janvier 2035 ou rien. Tant pis. Que vaut un investissement d’un peu plus de 100 millions d’euros dans ces nouveaux carburants par rapport à 70 milliards ?
Les feuilles de routes sont d’ores et déjà établies
Mais si les constructeurs européens sont donc plus ou moins d’accord pour cette bascule, même si l’Union leur a forcé la main, qu’en est-il des importateurs, non représentés par l’ACEA ? Pour Fabrice Devanlay, porte-parole de Ford en France, cette décision ne changera rien. « Notre feuille de route est déjà établie, nous arrêtons le thermique en 2030, hybrides compris. Et si l’Union avait repoussé la date couperet à une autre date, nous aurions simplement prolongé la durée de vie de certains de nos moteurs essence. »
Mais lui aussi, comme ses confrères européens, compte sur les pouvoirs publics pour accélérer la mise en place des infrastructures de recharge. Un avis très largement partagé par l’ensemble des marques, même si, dans le cas particulier de Ford, la décision prochaine d’arrêter l’E85 au niveau européen, paraît regrettable, puisque le flexfuel représente 80 % de ses ventes, en France du moins. Mais là encore, cette fin programmée est actée et déjà prise en compte par le groupe américain.
La décision d'hier paraît donc acceptée avant même d'être tout à fait actée puisqu'elle doit encore passer à la moulinette du Conseil des États de l'Union, fin juin, et faire l'objet d'un accord entre la Commission, le Parlement et le Conseil en juillet. Mais étant donné qu'un consensus semble se détacher, nul doute que l'affaire sera totalement actée avant la fin de l'année.
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