Et si, dans l'auto, le protectionnisme cessait d'être un gros mot ?
Les constructeurs chinois, à l'instar de Byd et Ora seront présents au prochain Mondial de l'auto, alors que plusieurs constructeurs européens ont décliné l'invitation. En parallèle, de l'autre côté de l'Atlantique, Joe Biden offre un bonus de 7 500 dollars en cas d'achat de voiture électrique mais réserve son offre aux voitures fabriquées sur le sol américain. Quand les États-Unis affichent leur protectionnisme, l'Europe regarde ailleurs. Les pouvoirs publics et les constructeurs européens sont ils dans le déni ?
Petit rappel chronologique. Le 13 juin dernier, le salon de la voiture électrique d'Oslo ouvrait ses portes. Une aubaine pour tous les constructeurs européens, au pays ou le VE est roi, et au moment ou toutes les marques entament leur transition vers les Watts. Mais où étaient les Renault, Stellantis ou Volkswagen ? Chez eux, ou pauvrement représentés par leurs concessionnaires locaux. Mais à qui appartenaient ces énormes stands qui leur faisaient de l'ombre ? À Wey, Ora ou Vinfast, marques chinoises, ou vietnamienne pour la dernière, venues en force.
Petit saut dans l'avenir. Le lundi 17 octobre, c'est au tour du Mondial de l'auto d'ouvrir ses portes. Ou seront Citroën, Opel, Fiat et les autres ? Chez eux. En revanche, les Chinois Byd, Ora et (peut-être) le Vietnamien seront de la partie.
On le sait depuis quelques années, les marques européennes boudent les salons. D'ailleurs celui de Genève, qui devait se dérouler l'an prochain, jette l'éponge et s'en va se refaire une santé au soleil du Qatar. Et pourtant. Le dernier Mondial en date, celui de 2018, a rassemblé plus de 1 million de spectateurs. Il est bien entendu illusoire de se lancer dans des pronostics en ce qui concerne l'édition de cette année, mais quelle que soit la fréquentation à venir, les centaines de milliers de personnes attirées à la Porte de Versailles ne manqueront pas de s'interroger sur l'omniprésence asiatique et la frilosité européenne.
On leur expliquera qu'au nom du libre-échange et des accords de l'OMC, le monde du business n'est qu'amour et bonne volonté ? Sauf que les États-Unis sont, comme l'Europe, membres de l'Organisation Mondiale du Commerce. Une adhésion qui n'a nullement empêché Joe Biden, de promulguer son Inflation reduction act. En plein mois d'août, le président américain a obtenu du Congrès l'octroi d'un crédit d'impöt de 7 500 dollars pour l'achat d'une voiture électrique. C'est tout bon pour l'inflation, galopante aux US, et tout bon pour le climat. Sauf que ce crédit n'est offert qu'aux acheteurs d'une auto américaine ou fabriquée aux États-Unis, ce qui est tout bon pour l'économie américaine et fait le bonheur de Ford, Tesla et General Motors, tout en poussant les autres à fabriquer leurs VE sur place.
L'Europe ? le terrain de jeu des constructeurs chinois
Une mesure tout bénèf, donc, pour l'Amérique, quand dans le même temps, en France, le bonus écologique pour l'achat d'une électrique s'élève toujours à 6 000 euros et ce, quelle que soit l'origine de la marque et son lieu de fabrication. Une politique peu ou prou similaire dans les autres pays de l'Union. Tesla se régale, MG est ravi, tout comme Byd, Vinfast et tous ceux qui ne vont pas tarder à lancer leurs autos sur nos marchés.
Une situation parfaitement viable si nos constructeurs européens étaient compétitifs, et si leurs tarifs étaient capables de rivaliser avec les modèles chinois. Or, les prix des autos conçues et fabriquées sur le vieux continent grimpent comme jamais. Au nom de la pénurie des microprocesseurs, du prix des batteries, de l'âge du capitaine et du sacro-saint "vendons moins et gagnons plus" très en vogue ces temps-ci.
Les constructeurs chinois ont d'ailleurs parfaitement saisi le message. Le marché européen est censé être le plus difficile au monde pour les constructeurs automobiles ? De General Motors à Infiniti, nombre de marques s'y sont cassées les dents et se sont retirés ? Les marques de l'empire du milieu s'y engouffrent. Leurs ventes sur le vieux continent doublent chaque année. Rien de plus logique : ils ne connaissent pas les pénuries. Des batteries aux microprocesseurs, ils les fabriquent ou les achètent en priorité. Les tarifs ? ils les sacrifient le temps d'engranger des parts de marché.
Cette courbe des ventes chinoises doublées pourrait bien virer à l'exponentielle si les constructeurs européens cèdent leur place dans les grands salons, s'ils continuent à pratiquer une inflation des tarifs et si l'Europe n'envisage pas une quelconque mesure protectionniste. Les psys le savent : il y a trois manières d'aborder une catastrophe imminente : le réalisme, l'angoisse ou le déni. Visiblement, les autorités, comme les constructeurs, ont coché la troisième case.
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