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2. Essai - Triumph Speed Triple 1200 RS : la force du 3

Essai - Triumph Speed Triple 1200 RS : Vive, la reine !

L'effet waouh est au rendez-vous. Et pas forcément tel qu'on l'imagine. Avant même que l'on ne découvre le comportement riche de son moteur, la nouvelle Speed Triple surprend instantanément dans les premières bifurcations effectuées en agglomération. Ultra-vive, sa direction tombe et engage, provoquant un sur virage. Le signe d'une vivacité et d'une nervosité inattendues au regard de la stabilité affichée en ligne et de l'équilibre général. Mais d'où sort donc cette capacité ? Un phénomène que l'on retrouve aussi sur route, et qu'il faudra apprivoiser en fonction de la typologie d'un virage.

Quel que soit le milieu dans lequel on évolue, quelle que soit la route ou la piste sur laquelle on exploite la moto, la Speed 12 est une moto sensible au placement de son conducteur sur sa selle (confort, ladite selle, dominante, aussi depuis ses 830 mm), autour de son réservoir, et surtout à sa prise du guidon. Pour la conduire, il va falloir avoir du style. Et de l'expérience. Et quelques notions de réglage de suspensions aussi. Et ce n'est pas tout.

Essai Triumph Speed Triple 1200 RS mod. 2021
Les routes étaient magnifiques et les Pyrénées accueillantes. Un terrain de jeu idéal pour la Speed Triple.

Au sortir de l’essai de la S1000 R, lourde de direction à basse vitesse (amortisseur de direction mécanique), et juste après le test poussé d'une Street fighter V4 S d'une neutralité déconcertante au naturel et à la facilité de guidage impressionnants, autant dire que Triumph a pris une option diamétralement opposée à celle choisie par les allemands et plus radicale encore que celle prise par Ducati ! Impressionnant, et pour tout dire contraignant. Sur route, la nouvelle Speed Triple RS oblige à retravailler tout son référentiel de conduite, tous ses placements sur la moto, au point de re-découvrir la notion de contre braquage dans toute sa finesse et dans toutes ses subtilités. Avec un train avant aussi incisif, on s'applique.

La Triple, reine des épingles ? Ça se pourrait bien. Mais ça, seule la piste du génial circuit de Pau Arnos nous a permis de le vérifier, dans un tout autre style de conduite. Dans l'ultra sinueux, dans les courbes qui se referment, la nouveauté Triumph se montre d'une aisance redoutable et d'un naturel déconcertant de précision. On la ramène au prix d'un effort physique, mais elle se corrige à loisir et se ramène là où l'on souhaite. Par contre, l'efficacité réelle ne vient que lorsque l'on communie avec le réservoir, que l'on charge un peu l'avant en emmenant le coude vers la route…

Essai Triumph Speed Triple 1200 RS mod. 2021
Avec la Speed Triple 1200 RS, on peut tondre la pelouse avec les épaules… Et sans gêner le voisin d'en face.

La Speed n'a jamais aussi bien porté son nom : plus on roule vite, même dans le technique, plus elle est sereine et plus elle est redoutable. En contrepartie, il faudra accepter quelques courbatures le lendemain… mais quel plaisir et surtout, quel sentiment de sécurité : sur beau revêtement, rien ne bouge, rien ne bronche, et nous y reviendrons, mais les assistances sont d'une transparence absolue dans leur intervention et d'une efficacité diabolique pour le pilote en herbe qu'elle met immédiatement en confiance. Tordre la poignée sur l'angle ? Pour quoi pas… Ça peut glisser, mais tout se rattrape et revient en ligne. Ça glisse un peu ? Et alors…

Vive, donc, la reine Speed ne tourne pourtant pas aussi court que l'on pourrait l'imaginer : le rayon de braquage reste modeste, avec plus de 4 mètres de largeur pour effectuer un demi-tour. De quoi surprendre là encore. Alors ça braque plus qu'une autre Street, Fighter cette fois. Mais avec un tout autre style. Finalement, la Triumph se rapproche d'une autre référence, malheureusement sortie cette année du catalogue Yamaha : la MT-10, mais avec quelque chose en plus… Un guidon. Plus large (même par rapport à l'ancien modèle), plus bas et influant plus encore sur les changements d'angle tout en préservant le confort. Une réussite.

Essai Triumph Speed Triple 1200 RS mod. 2021
Cette posture surprend, mais elle devient naturelle et apporte l'efficacité au guidon à l'attaque sur route défoncée.

A propos de confort, toujours. La position de conduite est également l'un des gros points forts de cette Speed Triple 1200. Pour le coup, elle se montre aussi agréable pour les grands gabarits que pour les plus petits et la protection en roulant est suprenante, même en l'absence de petite bulle. Après s'être fait "arracher" la tête dès 120 km/h sur une S1000 R et avoir souffert du cou, on apprécie ! Le modeste réservoir de 15,5 litres accueille sans distinction de taille les genoux, prouvant instantanément que design et fonctionnalité peuvent aller de pair ergonomie et confort, à défaut d'être compatible avec une grande autonomie. De fait, il faudra ménager le moteur pour rouler longuement et aller loin… Lors de notre session piste, le réservoir s'est vidé plus vite encore que sur route (une petite centaine de km), une route où nous avons pu voir entre 8 et 9 l/100 km de consommation moyenne s'afficher.

La réserve est alors rapidement atteinte, tandis qu'il reste encore deux barres affichées sur la jauge. On pourra raisonnablement tabler sur 180 km avant réserve, ou tout simplement rouler sur le couple et sans tirer sur les rapports. On économisera alors substantiellement le précieux carburant pour espérer chatouiller les 5,6 l/100 km annoncés par Triumph… Point de vue conso et autonomie max, on est proche de ce qu'offre le V4 Ducati sur son roadster. Tiens donc.

Mais revenons-en à notre ergonomie. Les pieds apprécient de retrouver sur des platines idéalement placées pour ménager les articulations sur plus long trajet. Ils sont davantage rentrés que sur la version 1050, ce qui améliore la garde au sol sans modifier la position de conduite. On peut une nouvelle fois remercier le moteur et ses proportions contenues. Si Triumph nous a particulièrement bien vendu l'efficience de son Shifter, avouons que la boîte gratte un peu si l'on n'est pas dans la plage de régime idéale, tandis qu'il ne se montre pas toujours transparent en usage loisir/urbain. Sur piste, par contre, il est un régal, on s'en doute. Il serait quoi qu'il arrive dommage de se priver de l'embrayage doux, assisté et fort bien maîtrisé. Celui-ci offre un "toucher de moteur" des plus précis et des plus fidèle. Merci Brembo et merci le nouveau composé de friction.

Sur cette route, freiner de l'arrière entrainanit dribble et perdait l'ABS... Un petit réglage de l'amortisseur aurait été un plus.
Sur cette route, l'ABS arrière perdait la face. En cause, le réglage des suspensions. Qu'à cela ne tienne, on passe !

À propos de Brembo, le levier de frein avant affiche toutes ses qualités en permettant d'exploiter au mieux des étriers Stylema de haut rang. En optant pour le bon réglage de l'entraxe radial, on profite d'une belle progressivité (19) ou d'une force tranquillisante (21) raffermissant les sensations dans le levier et apportant une attaque plus franche, tout permettant encore de jouer en un tour de molette sur l'écartement du levier. Freiner du bout des doigts avec un ressenti idéal n'a jamais été aussi facile Cela dit, pourquoi freiner, quand on sait que l'on peut passer vite et fort sans même le réaliser… Ce toucher, cette précision, sont au service d'un excellent feeling et d'un ABS également actif sur l'angle et s'adaptant au mode de comportement moteur choisi.

Par manque de ressenti, seul le frein arrière nous est apparu déclencher trop rapidement l'anti blocage lorsque la route se fripe : il va falloir trouver le réglage de mono amortisseur le plus approprié à votre utilisation. La mise au point n'est autre que le revers d'une grande qualité de suspension, tout comme l'une de ses grandes forces. Heureusement, mis à part la pré contrainte réclamant une clef, les réglages sont immédiatement accessibles sur les molettes du TTX36. Un peu de souplesse ne lui fera pas de mal, tout comme à la fourche NIX30. Les réglages de suspension standards que nous utilisons sur route, pourtant dits routiers et donc en adéquation, nous sont donc apparus encore fermes, au point que freiner sur l'angle relevait copieusement la fourche. De quoi inciter à jouer du clic et du tour de clef plate.

Essai Triumph Speed Triple 1200 RS mod. 2021
Sortir le genou n'est pas une obligation, la stabilité de la Speed Triple 1200 RS est au rendez-vous quoi que l'on fasse…

Quelques tentatives de freinages en descente de col et en mode Sport ayant pour le moins coulé du fait d'un transfert de masse sur l'avant et d'un antiblocage perdant son latin (dommage pour une anglaise), nous auront en tout cas incités à rester vigilent… Sur piste ou revêtement parfait, par contre, c'est un délice ! Le dosage redevient précis, autorisant le blocage de l'arrière en mode track et des entrées en glisse à l'amorce du pif paf lent du circuit de Pau. Un moment rare et un contrôle idéal, bref, une arme au service d'un pilotage précis et un ABS jamais intrusif en mode Track sur le tracé rapide du circuit. Validé !

Vais-je finir par vous parler du moteur ? Oui ! On sait à présent qu'il peut consommer fort. Et cela lorsque l'on roule dans les tours. Si la courbe de puissance affichée est relativement linéaire, il n'en est rien des sensations. Regardons cela ensemble.

Triumph Speed Triple 1200 RS mod. 2021 - Courbe de puissance
En noir, la courbe du nouveau moteur. En gris, celle de l'ancien moteur. Bénéfice net ? Plus d'allonge, plus de tr/min, plus de puissance et une courbe retombant moins. Mais toujours le même dessin. La même personnalité.

Les inflexions que l'on observe à 5 000, 6 500 et 7 500 tr/min sont autant de changements de sonorité et de poussées supplémentaires, ressenties de manière viscérales. Autant dire qu'à partir de 7 000 tr/min, sur piste, on s'accroche au guidon tandis que la puissance arrive et permet de lever naturellement la roue avant en pleine charge. Lorsque l'anti patinage relâche son contrôle sur l'angle, il redonne en force la main. Résultat ? Sur le circuit de Pau Arnos, on lève sur la petite crête commandant le fameux pif paf évoqué précédemment. Et ça donne ça, le plus naturellement du monde, juste en ouvrant les gaz en grand.

Essai Triumph Speed Triple 1200 Rs mod. 2021
Essai Triumph Speed Triple 1200 Rs mod. 2021
Essai Triumph Speed Triple 1200 Rs mod. 2021

Le pic de puissance maximale arrive avec vigueur, mais de manière progressive. Vous voulez de la violence et de la rage ? Partez sur une S1000 R, ou une StreetTfighter Euro5… Ici, on profite d'une distribution parfaitement dosée et au service de la performance personnelle, de l'efficacité pure. La démonstrativité à l'anglaise, c'est une bonne dose de flegme qui, à la manière de leur humour, vous colle une tarte tout en finesse, en subtilité, mais fait un effet bœuf à l'arrivée. Voilà bien ce qui caractérise le nouveau moteur de la Speed Triple 1200 : l'efficacité sans l'esbroufe, les sensations ultimes sans l'excès inutile, le dosage sans le danger. Redoutable, tout simplement. Surtout avec un couple aussi présent et apporté par la cylindrée. On voit ça en image ?

Triumph Speed Triple 1200 RS mod. 2021 - courbe de couple

Imaginez la poussée fournie une fois les 4 500 tr/min passés. Jamais elle ne faillit jusqu'à 9 000 tr/min, se renfoçant tout au long de l'ascension. Monter dans les tours n'est nécessaire ni sur route, ni en ville, ni sur piste. C'est un choix, celui de consommer plus, de s'offrir plus de ressenti mécanique, une sonorité sportive et des moments de grâce, mais on peut bien s'en passer en savourant une douceur et une bienveillance façon câlins albions. Le moteur est omniprésent, les réponses à l'accélération aussi, tandis que l'on remarques que chaque "baisse" de couple (ou plutôt inflexion dans la courbe), est compensée par un pic de puissance consécutif.

Résultat ? Un moteur plein, expressif, réactif et prompt à donner tout ce que l'on souhaite avoir au moment où l'envie s'en fait sentir, mais aussi et surtout une nouvelle manière de considérer la sportivité : avec efficacité plutôt qu'avec force. Si l'on dit que patience et longueur de temps font plus que force ni que rage, on peut aussi dire que trois cylindres et moteur rempli en font tout autant… Y compris sur circuit.

Pour vif qu'il est, le trois cylindres de nouvelle génération n'en oublie pas d'être civilisé. Il autorise les reprises en 6 ème à près de 2 500 tr/min et ne grogne pas plus qu'il ne siffle, mais il demande déjà une vitesse supérieure à celle permise en ville pour ce faire. Les évolutions à allure lente s'effectue donc sur les 4 "premiers" rapports et un simple filet de gaz, mettant en avant le parfait contrôle de l'injection et un étagement de boîte bien choisi, notamment grâce à une première assez longue.

Même les soubresauts à bas régime que l'on entend pourtant au travers de l'échappement ou que l'on devine, sont filtrés "à la sortie", tout comme les vibrations mieux contenues que par le passé. On gagne en agrément ce que les puristes pourront trouver perdre en "tradition", mais le moteur conserve ce qui fait de lui ce monument actuel de la moto. Plus fort que le "petit" 765 mais pas forcément plus gros en taille, le moyen 3 cylindres Triumph (la Rocket III étant imbattable en cylindrée…) remplit son office, quitte à paraître doux et onctueux dans un premier temps, dans le premier tiers, voir première moitié du compte-tours.

Essai Triumph Speed Triple 1200 RS mod. 2021

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