2. Essai Nouveauté 2011 - Aprilia RSV4 APRC: La grande déferlante

La RSV4 Factory reprend évidemment les canons esthétiques de sa matrice avec un physique ramassé qu'un arrière bien dégagé sur le nouveau pneu plus généreux ne fait qu'exacerber. Mais cette déclinaison s'affuble de matériaux nobles et d'un graphisme bien léché. La peinture de guerre rouge et noir de la marque se mêle au drapeau national tandis que côté inscriptions on joue à fond l'émotion avec du Max Biaggi revendiqué, tout comme les lauriers conquis cette saison. Le logo RSV4 prend aussi du relief et le tout exsude le travail bien fait.

Au premier coup d'oeil, la Factory tourne les sangs. Mais face au tracé de Jerez de la Frontera chauffé par un soleil qui mitonnera l'atmosphère à feu doux jusqu'à 28°, c'est tourner tout court qui nous attend. Jerez, tracé de Grand Prix, cadre princier, c'est franchement le pied. Ceci dit il faut aussi assumer. Inconsciemment on se met la pression d'autant plus que Noale nous a mis à disposition une moto et son mécano dédié. Qu'on lui pose une question et un ingénieur déboule, écoute, répond et initie. On vient de passer du rêve à la réalité et cette réalité, il va falloir la côtoyer avec quelques sommités journalistiques nationales qui ont largement fait leurs preuves, notamment en compétition. Au passage des gens adorables, la passion chevillée au corps, la tolérance en ligne de conduite et jamais avare en conseils. Un grand merci les gars !

Mais revenons à nos moutons ou plutôt à notre bête. Lorsque celle-ci s'ébroue, elle nous sort le son nouvel échappement amaigri de deux kilos un son caverneux qui excite les tympans. Pas de doute, on a bien à faire à une chasseuse de chrono, à un prédateur de kilomètre heure. On se demande encore comment Aprilia a réussi à homologuer cette symphonie, mais on ne peut que se prosterner devant cette mélodie prélude à la chevauchée fantastique.

En selle, la position est satisfaisante et pas tant que ça sur l'avant. Elle n'est pas aussi radicale que j'aurais pu le supposer. Pour cette découverte médiatique, Aprilia nous a concocté une journée organisée en quatre séries de vingt minutes, avec différents modes de réglage de l'APRC sur le chapitre T, comme Track. Soit le plus radical des trois proposés, les autres se déclinant en S comme Sport et R comme Rain. Ceci avec un jouissif test du « launch control » au moment du lunch.

Première partie, l'anti wheelie est désactivé et la phase 8 de l'ATC est enclenché, soit le stade de la tolérance zéro. Tendu et encore froid, je découvre une machine teigneuse, qui se déleste volontiers à une prise du frein pas avare en balayage. Mais le résultat, au final, est cependant diabolique. L'addiction au shifter pour les passages des rapports est instantanée et le moteur se révèle particulièrement coupleux en sortie de courbes. Sans son assistance, elle ne demande qu'à lever et les tours s'enchainent dans un bruit d'enfer avec une poignée d'accel' un tantinet longue mais aussi très réactive. Au terme de cette entrée en matière, on se dit qu'on la sent déjà bien dans les bras, ce qui laisse augurer une suite athlétique.

Seconde séance après quarante minutes de pause et on se décrispe en partant en mode 5 pour l'ATC et la configuration 2 de l'Anti-Wheelie. La confiance pointant à l'horizon, je la trouve paradoxalement moins physique. Et plus jouissive. Avec cette première conclusion qui confine à la révélation: frère motard lambda, sache que cette RSV4 te donnera de réelles sensations « racing » alors que dans ton for intérieur, tu sais que tu n'as pas les compétences requises pour réellement effrayer un chrono.

Les irréductibles diront qu'avec une telle démarche, Aprilia assume le fait de donner de la confiture aux cochons, mais tant pis, on demande du rab et c'est la fée technologie qui est à la louche. Elle n'est d'ailleurs pas pingre de ses parts la gueuse. La plèbe peut exulter, le constructeur de l'Empereur lui offre du pain et des jeux, une puissante combinaison pour se faire sa place au soleil.

Car dans la circulation quotidienne, elle promet d'être tout autant exploitable. Une séance effectuée, pour voir, en mode Sport, moins radical, m'en a convaincu. Maintenant, attention: soit elle vous amène à des allures criminelles dans la circulation quotidienne dans une certaine sérénité, soit vous avez les vraies compétences à la lyncher sur un circuit, exercice dont elle se repaîtra avec délectation en vous poussant au vice et en vous montrant les capacités affriolantes de ses dessous Öhlins qui seront, enfin, en mesure de réellement s'exprimer.

Mais jouer entre les deux, ça ne le fera pas vraiment. Il y a une étape à franchir si on veut réellement connaître le côté obscur de la force. Cette RSV4 vous jalonnera le chemin vers l'autre espace temps. Elle vous y amènera jusqu'au pallier et vous montrera la porte. Mais il vous appartiendra de la franchir. En attendant, à elle seule, elle vous rendra de toute façon plus rapide que ce que vous étiez avant sur n'importe quel brêlon.