En 1928, la Tracta D2 Sport arriva, et ne s'imposa pas
LES VOITURES LES PLUS RAPIDES DU MONDE - Aux 24 heures du Mans 1928 s'aligne un ovni de 60 ch capable d'atteindre 128 km / h. C'est une Tracta, une traction avant signée Jean Albert Grégoire. Encore une oubliée de l'histoire.

Parfois l’automobile ressemble à la haute couture, lorsqu’un créateur de génie doit pouvoir s’appuyer sur un gestionnaire. C’est le cas d’Yves St Laurent, qui pouvait compter sur Pierre Bergé, et ce fut aussi le cas de Jean Albert Grégoire, grand ingénieur qui a pu compter sur son ami, et mécène, Pierre Fenaille.
Grégoire a plutôt une allure de premier de la classe, bardé d’un doctorat en droit et d’un diplôme de polytechnicien. Mais l’intello a une passion : l’auto, qu’il espère révolutionner. Ce qu’il va faire, même si l’histoire, cette ingrate, ne retient pas toujours son nom.
L'un des pionniers de la traction
On lui doit l’usage de l’aluminium dans l’automobile, et aussi, et surtout, la traction avant, même s’il n’est pas le seul à pouvoir en revendiquer l’invention, et avant même que Citroën l'impose. En revanche, le joint homocinétique, indispensable à la fabrication des cardans, obligatoires sur une traction, est bien de son seul cru.
Mais avant d’en arriver là, les deux larrons créent, en 1925, un garage à Versailles. Rapidement, ils rêvent d’une auto bien à eux, une auto à traction avant, évidemment. Le nom de la marque ? Tracta, comme de bien entendu. Affaire conclue, et en 1926, l’entreprise est créée, à Asnières, de l’autre côté de Paris.
On ne traîne pas dans les ateliers et moins d’un an plus tard, la Type A voit le jour au Grand Palais ou se déroule le salon de l’automobile français. Et pour prouver que ses tractions tiennent mieux la route que ses concurrentes à propulsion, et qu’en plus elles sont fiables, Grégoire engage deux Type A aux 24 heures du Mans. Pas de chance, l’une des deux, celle que Grégoire conduit, est accidentée sur la route qui mène au circuit. Mais la seconde réussit à décrocher une très honorable septième place.

Mais Grégoire, remis de ses blessures, entend bien faire mieux, tant sur les routes, pour les clients à qui il veut vendre ses autos, qu’en course, aux prochaines 24h. Alors, au Mans 1928, il surgit avec un magnifique roadster baptisé D2 Sport. L’auto, équipée d’un moteur SCAP de 1 600 cm3 et d’un compresseur, développe 60 ch et atteint 128 km / h. Un exploit. Hélas, en course, les 3 D2 ne se sont pas distinguées, classées loin derrière les Bentley qui l’ont emporté.
Auprès des clients non plus la D2 ne s’est pas imposée. La cause ? Son prix, excessif pour une marque qui n’a pas le renom de Bugatti. Or, la Type 35 de Molsheim ne coûtait « que » 125 000 francs d’une époque ou le prix moyen d’une voiture bas de gamme s'établissait 20 000 francs. En revanche, la Tracta avoisinait les 300 000 francs. Bide assuré.
Aucune auto n'a gagné d'argent
Pour autant, Grégoire a réussi à en produire et à en vendre 140. Il avoua bien plus tard, qu’aucune vente d'aucune de ses voitures n’a jamais rapporté d'argent et en 1934 arriva ce qu’il devait arriver : Tracta est liquidé. Quant au brevet du joint homocinétique, il est vendu à Bendix, histoire d’éponger les dettes.
Mais l’inventeur parvient à conserver ses locaux d’Asnières et va continuer à développer des autos et diverses technologies dans son coin, pour d’autres que lui, comme la berline de luxe qu’il a conçu en 1955 avec Hotchkiss a qui il associe son nom. Comme cette voiture électrique dans les années 40. Comme cet ovni aussi, la magnifique Grégoire Sport, présentée au salon de l’auto 1956. Las, moins de dix exemplaires furent fabriqués par Chapron.
Dans son antre d’Asnières, Jean-Gabriel Grégoire ne se laisse pas démonter. Il continue à inventer, à écrire aussi, une dizaine d’ouvrages plus scientifiques que littéraires. Il a fini par lâcher le stylo, et la calculette, à sa mort, en 1992. Il avait 93 ans.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération