DESIGNbyBELLU - Renault 5 Héritage, choisir une icône
On ne compte plus les réalisations qui procèdent d’une démarche nostalgique en puisant dans le passé le ferment du futur. Renault va y succomber avec une vision postmoderne de la R5.
L’une des annonces les plus symboliques faites par la direction de Renault dans le cadre de sa récente « Renaulution » porte sur le concept-car Renault 5 Héritage. On imagine les cerveaux en surchauffe lors des comités de direction pour accoucher d’un néologisme étrange et pour désigner la Renault 5 modèle le plus emblématique sur les 122 ans d’histoire de la marque.
Passons sur le barbarisme douteux pour s’interroger sur la pertinence du choix de l’icône. Qui a eu l’idée de dépoussiérer la Renault 5 ? Est-ce une bonne idée ? D’emblée, on a attribué cette solution de puiser l’inspiration dans le passé à Luca De Meo. Installé au poste de directeur général du Groupe Renault depuis le 1er juillet 2020, il passe pour avoir été l’un des partisans et des artisans du développement de la Fiat 500 alors qu’il siégeait au directoire de Fiat SpA entre janvier 2002 et avril 2009.
En ressuscitant l’esprit de la 5, Renault s’inscrit dans un mouvement nourri par une multitude de projets plus ou moins aboutis. Beaucoup de constructeurs ont un jour fouillé dans leurs archives pour recadrer leur image. De Peugeot à BMW, de Ford à Chevrolet, ils sont des dizaines à avoir cédé à cette facilité.
Les signes avant-coureurs du style néo-classique sont apparus aux États-Unis dans les années 1960. L’initiative des premiers « revivals » revient au designer Virgil Exner. En architecture, la notion de postmodernisme est apparue au début des années 1970 pour désigner une attitude en réaction contre les excès du purisme. En automobile, la pionnière du mouvement postmoderne fut la marginale Nissan Be-1, en 1985. Puis la Volkswagen Beetle ouvrit de nouvelles perspectives dix ans plus tard et finalement, la Mini et la Fiat 500 transformèrent en succès planétaire ce qui n’était à l’origine qu’une posture.
Ces trois dernières voitures sont les interprétations modernes de jalons essentiels de l’histoire de l’automobile populaire. Ce qui fait leur particularité, c’est qu’elles ont accédé à un statut d’icône. Bien que le titre soit galvaudé, rares sont les objets qui peuvent le revendiquer. La Coccinelle de 1938, l’Austin Mini de 1959 et la Fiat 500 de 1957 sont de véritables monuments historiques. Ce ne sont pas des produits de consommation banals, soumis à la mode, programmés pour l’obsolescence, voués à une actualisation permanente. Elles sont intemporelles, ce sont des objets culte qui ne se démodent pas, ne se renouvellent pas, car ils sont au-dessus des modes passagères.
Des objets cultes il n’y en a pas chez tous les constructeurs. Peut-on élever la Renault 5 à ce rang ? Sans doute pas. Elle est un produit de consommation bien ficelé qui a donné naissance à une belle lignée, ni plus ni moins, au même titre que la Golf.
Les têtes pensantes de Renault se sont longtemps posé la question pour choisir le plus emblématique des modèles de la marque. On a vite survolé le premier demi-siècle de Renault pendant lequel la marque au losange n’a collectionné que des voitures banales au style insipide et à la mécanique conservatrice.
La première création mémorable de Renault a sans doute été la 4 CV au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Plus à cause de sa bouille sympathique et pour son rôle social (« remettre la France sur quatre roues », disait le slogan) que pour sa technique copiée sur celle de la Coccinelle de Volkswagen.
Au sein de la Régie Renault, la créativité ne s’est exprimée que dans les années 1960 avec les R4 et R16. La R4, humble et utilitaire, pratique et rustique, ne faisait aucune concession aux apparences. Dans l’imagerie populaire, elle est venue se ranger à côté de la 2 CV de Citroën. Puis la R16 concilia les exigences esthétiques de la berline et les fonctionnalités du break. Après quoi, l’Espace - première berline monocorps - entérina l’image fonctionnaliste de Renault, avec la contrepartie d’un rationalisme qui plombe le désir et culpabilise le plaisir.
Tout cela manque singulièrement de grâce et de charme pour donner naissance à des objets désirables : la 4L trop frugale, la R16 trop cérébrale, l’Espace trop avant-gardiste, sans parler de la géniale Renault 14 trop visionnaire.
C’est sans doute pour cela que s’est imposée la Renault 5 de 1972 : grâce à son visage avenant, son sourire séducteur et son regard rieur.
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