Crise des semi-conducteurs : les flottes face aux retards de livraison
« La crise des semi-conducteurs peut encore durer une bonne partie de 2022 », alertait il y a quelques jours Luc Chatel, Président de la Plateforme automobile (PFA). Une situation qui affecte la production de voitures et les délais de livraison. Côté clientèle professionnelle, les gestionnaires de flottes font face aux retards en sensibilisant leurs équipes et en cherchant les meilleures alternatives pour patienter.
Difficile de dire si les 6 milliards d’investissement promis mardi 12 octobre par le chef de l’État Emmanuel Macron (dans le cadre du plan France 2030) pour relocaliser la production de semi-conducteurs dans l’hexagone, ou du moins la favoriser, suffiront à rassurer les constructeurs automobiles tricolores et les acheteurs. D’autant que c’est en ce moment qu’il y a urgence…
Les gestionnaires de flottes s’adaptent aux délais et communiquent
Depuis un an en effet, la crise impacte durement la production de véhicules neufs et entraîne a minima des délais de livraison records. Des délais auxquels sont notamment confrontés au quotidien les gestionnaires de flottes. C’est le cas entre autres d’Emmanuelle Rotureau, Gestionnaire de parc chez Dachser, groupe de logistique qui dispose pour sa filiale française de 450 à 500 véhicules légers, essentiellement des voitures particulières.
"Nous sommes concernés par les retards de livraison. J’ai en commande une bonne trentaine de véhicules. On m’annonce des délais de 6 à 9 mois pour des modèles qui d’habitude sont livrés sous 5 à 6 mois. Par exemple, ceux que j’ai commandés en septembre vont être livrés en juin ou juillet 2022", témoigne-t-elle. Sur le terrain, Emmanuelle Rotureau fait face avec professionnalisme. Elle sensibilise vis-à-vis de cette situation critique les collaborateurs en attente de voitures neuves. "C’est mon rôle de leur expliquer pourquoi il y a du retard ou pourquoi on va être obligé de refaire une commande qui va encore retarder des livraisons qui étaient prévues déjà tardivement, sur fin d’année 2021", confie-t-elle.
"C’est excessivement compliqué pour les gestionnaires", reconnaît Philippe Ambon, Directeur général de Holson, Cabinet expert dans la performance et la gestion des flottes automobiles. "Quand un collaborateur commande une voiture, il s’attend à l’avoir", schématise-t-il. Avec cette crise, "le gestionnaire est contraint de passer des coups de fil désagréables" pour informer les différents salariés que telle ou telle voiture aura du retard. Ou que la voiture pourra être livrée dans le meilleur des cas à temps mais sans les options initialement demandées… En définitive, "cela crée donc beaucoup de frustrations chez les conducteurs et une surcharge de travail pour les gestionnaires de flottes", résume Philippe Ambon.
Alternatives privilégiées : prolongation de contrats de LLD et location moyenne durée
Les loueurs, partenaires privilégiés des flottes, se retrouvent fatalement en première ligne pour suggérer à la cible business des alternatives pour faire rouler les parcs coûte que coûte. Comme au plus fort de la pandémie et des périodes de confinement, ils sont ainsi nombreux à accorder à leurs clients des prolongations de contrats de LLD (location longue durée).
Cette démarche reçoit un bon accueil de la part des gestionnaires, qui la privilégient. Sauf que dans certains cas, relativise Philippe Ambon, "il faut absolument restituer les véhicules en LLD et cela ouvre alors des discussions pour augmenter le parc en location moyenne durée (LMD)".
Cette formule justement, que l’on sait en plein essor chez les loueurs, a tendance dans ce contexte lié à la pénurie de semi-conducteurs à être davantage utilisée comme une solution d’attente, comme une offre qui, bien que plus coûteuse qu’une prolongation de LLD, est jugée efficace par ceux qui y recourent ces derniers temps.
Pour patienter, certaines flottes choisissent la location à durée libre
Parallèlement à l’accompagnement mené par les grandes enseignes de location traditionnelles (Arval, ALD, Alphabet, Athlon, etc.), d’autres acteurs plus récents, à l’image de Kéolease, répondent à la demande actuelle par d’autres opportunités, telles que la location à durée libre.
"Les gestionnaires et directions d’achat qui nous contactent sont généralement en difficulté car la plupart du temps, ils ont à rendre leurs véhicules surkilométrés détenus en longue durée et n’ont pas trouvé de solution de repli", confie O’Hanna Paulo, Conseille commerciale de la marque. "On intervient alors en support. On leur met un véhicule à disposition en attendant que le véhicule qu’ils avaient commandé arrive enfin", explique-t-elle.
Kéolease dit fournir un service sans engagement de durée et une tarification dégressive permettant à ses clients de "garder le véhicule loué pendant 12 mois sans frais supplémentaires". O’Hanna Paulo ajoute que les véhicules loués sont perçus plutôt favorablement. "Ils sont équipés d’une dotation business qui comprend au minimum le GPS, la caméra et les radars de recul", entre autres. Quant aux motorisations, "il s’agit de modèles thermiques et hybrides avec un grammage de CO2 réduit", précise-t-elle.
Ce package, parmi d’autres et parmi d’autres leaders de la location, permet à certaines flottes de palier plus sereinement les retards de livraison.
Les flottes font « le dos rond » et restent fidèles à leurs engagements
Certains gestionnaires, simultanément, seraient-ils tentés de changer de fournisseurs pour réduire les délais et faire accélérer les livraisons ? "Ce n’est pas encore le cas, nous n’avons pas observé de changement de comportement pour l’instant", constate Philippe Ambon. "En ce moment, les entreprises font le dos rond", remarque-t-il simplement. Une attitude due au fait que globalement, "celles qui ont des stratégies de partenariat avec les fournisseurs français restent fidèles à leurs engagements".
Emmanuelle Rotureau le confirme et considère que les fournisseurs ne sont pas, quoi qu’il en soit, responsables des retards. "Nous sommes malheureusement tous dans le même bateau", insiste-t-elle : "les loueurs sont tributaires des constructeurs et les constructeurs sont tributaires des équipementiers…"
La pénurie de semi-conducteurs, c’est "un événement de marché imprévu par tous", rappelle à ce propos Philippe Ambon. Un incident qui, selon lui, ne freine paradoxalement pas les flottes dans leur souhait d’investir dans les motorisations alternatives. "Cela n’arrête pas la stratégie des entreprises". Il y a même, de son point de vue, une accélération de cette démarche, d’ailleurs bien plus liée à "la volonté de s’engager" spontanément sur le sujet de la transition énergétique qu’à la contrainte des normes ou à cette crise mondiale des composants électroniques.
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