Carlos Tavares se félicite des bons chiffres de Stellantis du présent, mais craint la brutalité actuelle et à venir
À l’occasion de la publication des résultats, exceptionnels, de Stellantis au premier semestre, son patron Carlos Tavares a discuté avec quelques médias, dont Caradisiac, pour faire le point sur la situation actuelle, et future, de son groupe.
Brutalité. C’est peut-être le mot le plus employé au cours de cet échange d’une heure entre le directeur général de Stellantis et quelques médias, dont Caradisiac. Brutalité du changement du thermique vers l’électrique, et « brutalité extrême » du combat qui s’engage entre les constructeurs européens et chinois, selon Carlos Tavares. Et pourtant. En égrenant les chiffres publiés par son groupe quant aux résultats enregistrés au premier semestre de cette année, tout n’est que douceur et réussite.
Des chiffres records, mais un vent mauvais à venir
Le chiffre d’affaires ? Il est en hausse de 12 % par rapport à la même période en 2022, avec 98,4 milliards d'euros. Le bénéfice net ? Il est en croissance de 37 %, avec 10,9 milliards. Quant à la marge, elle atteint 14,4 %. « C'est, à priori, la meilleure rentabilité au monde. Ce sont avant tout nos marques américaines, Dodge, Ram et Chrysler qui ont permis ce résultat exceptionnel" reconnaît le boss, et peut-être aussi, la fin de la fameuse crise des semi-conducteurs. « Depuis 6 mois, la situation s’est bien améliorée ».
Pour autant, le patron est inquiet des évènements qu’il qualifie donc d’une brutalité extrême. De ceux qui viennent de Chine surtout et de la concurrence féroce que les constructeurs venus de là-bas commencent à livrer chez nous. Comment réagissent nos dirigeants, qu’il se garde bien de nommer ? « Avec des injonctions contradictoires. Ils nous demandent d’accepter, en Europe, des voitures dont le coût est inférieur de 25 % aux nôtres, et en même temps, de fabriquer ici, des voitures électriques dont le coût, par rapport aux thermiques, est supérieur de 40% avec des prix de ventes comparables aux Chinois ».
Reste que, pour lui, la loi « industrie verte » qui risque d’interdire l’accès au bonus électrique à des autos dont les composants viennent d’Asie, est « une vaste blague. On va ajouter de l’inflation à l’inflation » et empêcher les classes moyennes d’accéder aux voitures électriques. Sauf sa Citroën e-C3, puisqu’elle devrait débarquer, en fin d’année ou au début de la prochaine, à moins de 25 000 euros. Comme la Renault R5 qui sera peu ou prou au même tarif et assemblée en France alors que l’électrique des chevrons vient de Slovaquie. Mais Carlos Tavares ne croit pas à la rentabilité du bébé de Luca de Meo fabriquée à Cléon. "C'est du romantisme".
"Nos fournisseurs ? Ils ont fait énormément de profits depuis 30 ans"
Une situation certes paradoxale qui pousse Carlos Tavares à ne pas baisser d’un cran la réduction de coûts qu’il a engagé depuis son arrivée. Et tant pis si les fournisseurs sont pressurisés. Mais pour lui, pas de quartiers, « ils ont fait énormément de profits au cours des trois dernières décennies. C’est aujourd’hui à leurs conseils d’administration de prendre les bonnes décisions stratégiques dans cette période de changement ». À bon entendeur.
"Les voitures électriques sont brouillonnes et balbutiantes"
Un changement qui est loin d’être achevé selon le patron de Stellantis. « J’ai réuni tous les dirigeants du groupe au cours d’un séminaire ou nous avons démonté et décortiqué toute la concurrence électrique ». Et son constat est sans appel. « C’est brouillon et balbutiant, loin d’être optimisé et abouti ». Et de citer, sans la nommer, une marque qui ressemble fort à Tesla, « dont le pack de batterie de 500 kg est en seul morceau. Un simple choc, et tout est à changer, moyennant 8 000 euros. C’est pas possible ».
Carlos Tavares ne s’est pas appesanti pour autant sur ses propres modèles électriques. Il est néanmoins revenu sur ses marques à lui, dont les dirigeants ont joué à la chaise musicale au cours des mois passés, en délivrant un satisfecit particulier à Jean-Philippe Imparato, le patron d’Alfa Romeo. « Il a fait un boulot extraordinaire et la marque a progressé de 57 % pour devenir, enfin, rentable ».
En ce qui concerne les autres blasons européens du groupe, leur patron a tenté d’expliquer le positionnement de DS, « qui devra être à cheval entre le premium et le luxe ». Et qui devra surtout creuser la différence, dans le futur, avec Lancia, en voie de relance. « il y a une grande différence entre l’élégance à l’italienne et l’art de vivre à la française ». Ne reste plus aux clients eux-mêmes à se décider pour l’une ou l’autre formule, et surtout à les différencier.
A l’autre bout de l’échelle des valeurs marketing (et économiques), le cas de Citroën a lui aussi été évoqué. «C’est une marque qui est au cœur du marché destiné aux classes moyennes ». Pas spécialement low cost, donc, mais plutôt "accessible", comme Fiat doit le devenir aussi. « Des marques simples, avec une techno du quotidien ». Et Carlos Tavares de citer une étude américaine faisant part du rejet du trop-plein technologique dans certaines voitures. La techno minimum et utile, donc, qui sera celle des deux marques d'entrée de gamme Stellantis. Un mot d'ordre qui rappelle le credo d’un certain Dacia. Citroën ne sera donc pas une marque low cost, mais presque.
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