Avant Nissan, les mésaventures japonaises de Renault avec Hino
Renault a tenté sa chance au Japon dès les années 50 en s’associant avec Hino, une marque auparavant spécialisée dans les utilitaires. Et ça ne s’est pas très bien passé. Déjà…
On a beaucoup glosé sur la reprise en main autoritaire de Renault par l’Etat français en 1945. Mais force est de constater qu’elle s’est soldée par de grands succès commerciaux, à commencer par celui de la 4CV, lancée fin 1946. Cette voiture, très réussie techniquement, la Régie a tenté de l’exporter un peu partout dans le monde, des Etats-Unis au Japon.
Au pays du soleil levant, en pleine reconstruction après sa défaite à l’issue de la Seconde guerre mondiale, une petite voiture a tout son sens, et le Gouvernement japonais, via le MITI, qui organise l’industrie et le commerce encourage Hino, jusque-là spécialisé dans les utilitaires et les moteurs industriels à proposer un modèle populaire.
Hino n’ayant aucune expérience en ce domaine se tourne vers l’Europe, spécialiste du genre. Et dans l’immédiat après-guerre, la 4CV est intéressante car outre son économie d’usage, elle est exportée, produite en grands nombres et dispose de 4 portes, contrairement à la VW Coccinelle. De son côté, Renault, soucieux de s’internationaliser, comprend bien que vu les droits de douane colossaux, sa seule possibilité de vendre efficacement dans l’archipel asiatique est de s’associer à un acteur local.
Un accord est conclu en 1952, et dès 1953, Renault envoie des 4CV en CKD (c’est-à-dire démontées) à Hino qui les assemble et les écoule. La petite française, adaptée aux normes locales, connaît un succès estimable, quelques milliers d’exemplaires annuels, de sorte que la production ne peut satisfaire la demande. Pour accélérer les cadences, le constructeur nippon augmente la part de pièces locales, chose prévue par contrat, et a envie d’adapter un peu plus la voiture au réseau routier japonais, défoncé, ce que Renault ne voit pas d’un très bon œil. La Régie n’a pas tellement envie de fournir les plans de la 4CV mais propose tout de même un accord plus large à Hino, qui accueillerait d’autres de ses productions, comme des machines-outils.
Toutefois, en 1955, le MITI durcit le protectionnisme, et refuse l’import d’éléments français en plus grand nombre. De pas très bonnes, les relations entre les deux partenaires deviennent conflictuelles : si l’accord stipule qu’à terme, la production de la voiture sera 100 % japonaise, Renault freine et interdit qu’elle soit modifiée. Mais Hino fait fi de ce véto, et en 1957, sa version de la 4CV, désormais totalement nippone, a bien évolué. Renault touche des royalties mais comprend bien que son aventure japonaise est vouée à une fin proche. Effectivement, en 1958, les royalties s’arrêtent, un accord de désistement est conclu et la Régie, dédommagée, quitte le Japon.
Quid de la Hino PA ? Elle continue son petit bonhomme de chemin jusqu’en 1963, perdurant deux ans de plus que son inspiratrice tricolore. 34 853 unités en ont été produites, ce qui est alors beaucoup dans un Japon encore ravagé, mais l’histoire ne s’arrête pas là. Hino, sur la base de la 4CV, développe une berline à 3 volumes dans l’esprit de la Dauphine, dont un de ses ingénieurs a pu voir les plans. Cela donne la Contessa, présentée en 1961. Malheureusement pour elle, ses lignes sont déjà très datées et surtout son moteur, évolution japonaise de celui de la 4CV, n’est pas fiable. Conséquence, elle se vend mal.
Qu’à cela ne tienne, Hino retravaille complètement le bloc et demande à Michelotti de redessiner la Contessa. Cela débouche sur une nouvelle auto aux lignes tendues rappelant celles de la BMW 1500 que l’italien a également habillée. Ainsi naquit la Contessa 1300, à moteur arrière, présentée en 1964. A part son architecture, elle ne doit rien à Renault (enfin, officiellement) et se voit exportée un peu partout dans le monde. Les ventes demeurent néanmoins décevantes et, en difficultés, Hino est racheté en 1966 par Toyota qui le recentre sur son activité de cœur : les VU. La Contessa est arrêtée en 1967.
Entre-temps, en 1960, Hino a lancé la camionnette Commerce, dotée de l’ensemble moteur/boîte de la 4CV mais à l’avant, rappelant énormément en cela la Renault Estafette. Elle n’a pas connu de succès, produite à 2 344 unités jusqu’en 1962. Si Renault n’a pas réussi à s’implanter alors au Japon, Hino n’a pas su non plus tirer profit de la technologie française, ne parvenant à fabriquer en tout que 146 026 voitures de tourisme. La firme est passée à côté de l’explosion du marché automobile japonais des années 60. Mais à l’aube du 3e millénaire, Renault allait se lier à nouveau à une firme nippone, Nissan, et l’histoire allait s’écrire différemment. Sans pour autant tourner au conte de fées…
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