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Angela Merkel mérite-t-elle son surnom de "chancelière de l'automobile" ?

Dans Economie / Politique / Personnalités

Michel Holtz

Au pouvoir depuis 16 ans, la première ministre allemande quittera son poste à la fin du mois. Celle que les médias germaniques ont souvent surnommé "l'autokanzlerin" (la chancelière de l'automobile) a-t-elle réellement défendu les acquis et le futur de la première industrie allemande ? La réponse est plutôt normande, car si son bilan plaide pour elle en ce qui concerne les acquis, les constructeurs locaux lui reprochent de ne pas avoir su anticiper l'avenir.

Angela Merkel mérite-t-elle son surnom de "chancelière de l'automobile" ?

C'était son dernier bal. Mardi dernier, Angela Merkel a inauguré le salon de Munich et pour celle qui n'a manqué aucun grand raout automobile allemand, cette visite ponctue d'un point final les quatre mandats de celle que les Allemands ont affectueusement surnommée "mutti" (maman). Elle quittera son poste après les législatives du 26 septembre prochain et la nomination d'un nouveau chancelier. Du coup, à quelques semaines de son départ, le bilan et l'inventaire des actions des quatre gouvernements successifs qu’elle a dirigé commencent à être dressés. Et en matière d'automobile, ce bilan est plutôt critiqué par les premiers intéressés : les constructeurs locaux.

L'échec de Bruxelles, clou dans l'escarpin d'Angela Merkel

Il est malgré tout difficile de reprocher à la chancelière, surnommée par les médias allemands l'"autokanzlerrin"  (la chancelière de l’auto), de ne pas s'être démenée pour l'industrie auto allemande, première filière privée du pays, qui emploie 800 000 salariés et permet à son commerce extérieur d'afficher une bonne santé insolente. Merkel s'est battue à Bruxelles pour ses constructeurs. Et si elle n'a pas eu, in fine, gain de cause, que l'échéance des 95 g d'émissions au km est actée et la fin du moteur thermique programmée, elle aura au moins retardé l'échéance.

Elle aura défendu Volkswagen (presque) jusqu'au bout.
Elle aura défendu Volkswagen (presque) jusqu'au bout.

C'est aussi grâce à elle que le groupe Volkswagen figure toujours, bon an mal an, parmi les leaders mondiaux du secteur. Car au moment du dieselgate, en 2015, la chancelière a fait le dos rond. Sa politique de l'ignorance se heurte, deux ans plus tard, à sa mise en cause par l'opposition et une obligation de s'expliquer face à une commission parlementaire à laquelle elle répondra avoir "tout appris dans les médias". De l'avis des spécialistes allemands, Angela Merkel a tenté de couvrir Volkswagen jusqu'au bout. Mais a fini par lâcher le groupe, trois semaines avant des élections décisives pour elle, en autorisant les "class actions" des propriétaires de VW. Ces actions de groupe ont permit à ces automobilistes d'attaquer VW en justice et de se faire dédommager par le constructeur.

Des constructeurs et une chancelière de plus en plus distants

Ce revirement marque-t-il le début des frictions entre la chancelière et les industriels de l'auto ? En tout cas, ils ne se parleront que de loin depuis ce moment. Le divorce est même acté l'an passé avec la décision de Bruxelles de limiter drastiquement les émissions de C02. Lorsque les menaces d'amendes de l'Union européenne ont commencé à planer au-dessus de Volfsburg, Stuttgart et Munich, les fiefs des marques allemandes, leurs patrons ont trouvé un coupable tout désigné : Angela Merkel qui n'aurait, selon eux, pas su peser de tout le poids du plus puissant pays d'Europe pour contrecarrer la directive.

Merkel a longtemps choisi le camp du pétrole contre l'électricité.
Merkel a longtemps choisi le camp du pétrole contre l'électricité.

Depuis, ils ne loupent pas Mutti à chacune de ses sorties. Les ténors de l'auto lui reprochent désormais d'avoir trop tardé pour acter la fin du thermique. Le message subliminal qui se cache derrière leurs affirmations est évidemment d'ordre financier. En soutenant trop longtemps l'industrie auto d'avant et son bon vieux pétrole, elle ne les a pas aidés financièrement à basculer vers le tout électrique. Il n'y a pas si longtemps pourtant, ils étaient plutôt satisfaits de la taxation minimaliste de l'Allemagne sur le diesel et sur le fait que seuls 2,4 % des véhicules publics roulent à l'électricité. Mais le vent du C02 a tourné.

VW, Mercedes et BMW ne vont pas la regretter

Pourtant, depuis trois ans, l'Allemagne n'est pas un si mauvais élève en matière d'électrification, avec la France et les Pays Bas, elle est même dans le peloton de tête des pays ou les bornes de recharge sont les plus nombreuses. Ils concentrent même à eux trois les 3/4 des infrastructures de l'Union. Quant aux aides à l'achat, elles sont semblables aux Françaises. Mais il en va toujours ainsi des grandes industries, elles se méfient des pouvoirs publics et rechignent parfois à leur verser leur obole fiscale. Dans le même temps, elles n'hésitent pas à les solliciter lorsque le besoin s'en fait sentir et oublient même au passage les bienfaits que lesdits pouvoirs publics leur ont apportés jadis. Les hommes comme les organisations ont la mémoire courte, c'est une tradition. Alors, dans quelques semaines, l'"autokanzlerrin"  va pendre sa retraite, sans que les ténors de l'automobile germanique ne cherchent à la retenir. En d'autres temps, après la deuxième guerre mondiale, les Anglais n'ont pas réélu Winston Churchill qui leur avait permis de sauver leur pays. La vie politique est souvent ingrate.

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