A Billancourt, on est vite convaincu. Si la toute nouvelle R8 s’impose en tant que modèle, il convient toutefois de transformer cette paisible familiale en bombinette de course. Chez Renault, on connaît un certain Amédée Gordini. Il a déjà travaillé sur les Dauphine de compétition. Immigré italien, pilote-constructeur dans les années trente, ruiné vingt ans plus tard, il est installé aujourd’hui dans un petit atelier du boulevard Victor, à Paris.
« Le sorcier », comme certains le surnomment, commence l’analyse de cette propulsion, dont la mécanique est positionnée en porte-à-faux arrière. Reprenant le petit 956 cm3 de l’Estafette, Gordini remplace les carburateurs Solex par des Weber, redessine la culasse, porte la cylindrée à 1 108 cm3. Avec les 77 ch qu’il en tire, la R8 atteint 170 km/h ! Mais, boulevard Victor, on ne travaille pas que sur le moteur. Le châssis et certaines pièces sont également renforcés. Et puis, il y a ces deux bandes blanches, parallèles, qui courent tout le long d’une carrosserie bleu France. Nous sommes en octobre 1964, un mythe vient de naître.
Le succès d’estime est immédiat. Moins chère que ses rivales directes comme, notamment, la Mini Cooper S, la Gorde, comme on l’appelle, triomphe déjà en rallyes ! Pilotée par Pierre Orsini, elle gagne son premier Tour de Corse en 1965 ! La même année, Renault lance la « Coupe Renault 8 Gordini » selon le principe monotype imaginé deux ans plus tôt. Le succès est au rendez-vous. Pourtant, sans remettre en cause ni l’existence ni l’esprit de la Coupe, les pilotes se plaignent de plusieurs choses. D’abord, la boîte n’a que 4 rapports, ils en voudraient 5. Ensuite, la puissance du moteur leur paraît insuffisante. Enfin, l’organisation de la Coupe ne leur convient pas, car les épreuves se déroulent tant sur circuits qu’en rallyes régionaux.
Renault et Gordini vont démontrer une réactivité exceptionnelle. Dès 1966 apparaît la R8 Gordini 1 300 ! Elle dispose d’une boîte 5, d’un bloc de 1 255 cm3, et de 88 ch. Extérieurement, elle se différencie de sa petite sœur par l’ajout de deux phares ronds. De son côté, Renault revoit le règlement de la Coupe qui, dorénavant, se déroulera exclusivement sur les plus beaux circuits français. De nombreux talents vont éclore de cette pépinière. Certains d’entre eux, c’est sûr, n’auraient jamais pu faire carrière sans la « Coupe Gorde » !
L’épopée de la R8 Gordini s’achèvera sur le circuit Paul Ricard, un week-end de juillet 1970. En son honneur, un monumental meeting réunissant 3 000 gordinistes y est organisé. On l’appellera le « Jour G » ! La R8 Gordini s’éteint et passe le témoin à une autre Gordini. La R12, elle aussi, fera les beaux jours des circuits français. Mais ses roues motrices sont à l’avant… Plus rien ne sera tout à fait comme avant.
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