Reprenons le feuilleton déjà mis en lumière par Manuel Cailliot dans son article Affaire Renault - La vérité sur le rappel des 15 800 Captur polluants annoncé par Ségolène Royal.
En septembre, dans l'émoi de l'affaire Volkswagen, le gouvernement demande à l'UTAC de réaliser des tests sur une centaine de modèles afin de vérifier qu'ils respectent bien leurs normes d'homologation et qu'aucun logiciel de gestion moteur n'est truqué comme ceux des TDI allemands. Et enfin, des essais sur circuit en conditions réelles de circulation, avec un appareillage de mesure arrimé sur le train arrière pour voir à quel point la pollution dans la rue diffère de celle mesurée sur banc à rouleau. Si les tests sur banc ne détectent pas d'autre triche que celle de Volkswagen, ça se corse sur circuit : les diesels Renault rejettent cinq fois, et parfois jusqu'à 25 fois plus de Nox que ne l'autorise la réglementation. Dans les mêmes conditions, les diesels de PSA s'écartent peu de la norme. Au bilan, les Renault ne sont pas les seules à "exploser" les émissions de Nox, mais elles sont parmi les pires. A l'opposé des modèles PSA qui sont parmi les plus propres.
Pas de triche, juste du low cost et des mensonges
Voici deux marques rivales, confrontées au même challenge technique de la norme Euro 6, à la même période, dans le même pays avec le même environnement économique. Au bilan, l'une produit des diesels sales, l’autre des diesels (presque) propres. Que s'est-il passé ? Il s'est passé que les deux entreprises ont opté pour deux technologies très différentes.
PSA, comme Mercedes et BMW, a choisi dès 2013 la technologie de réduction catalytique sélective (SCR) qui consiste à réduire les Nox par injection d'urée. Un système très efficace - d'autant que PSA le place en amont de son FAP additivé - et plus fiable car il permet de se passer de vanne EGR, mais plus coûteux.
Comme l'expliquait Alexandre Bataille dans son article Normes antipollution : pourquoi Renault les dépasse et pas PSA, chez Renault, mais aussi Volvo, Opel ou Ford, on a opté pour le NOx Trap (LNT) qui consiste à stocker les oxydes d'azote dans un catalyseur spécial puis à les dégrader en inoffensif azote par une réaction chimique provoquée par un enrichissement en gazole du mélange. Un système bien moins efficace et surtout bien moins fiable car il repose sur le bon fonctionnement de deux fragiles vannes EGR. Mais aussi bien moins cher.
Un système de dépollution conçu pour fonctionner entre... 17 et 35 °C
Renault peut bien protester que ces tests sur circuit n'ont aucune valeur légale, ils démontrent tout de même une chose : qu'il se tamponne le coquillard de nos bronches et poumons, qu'il n'a respecté que la lettre de la réglementation -répondre aux normes- et pas du tout son esprit : nous permettre de respirer un air plus pur. En fait, il n'a pas triché au sens volkswagenien du terme, seulement éhontément menti durant des années avec son label Eco2, ses publicités à petites fleurs et son baratin environnemental.
L'ampleur du cynisme dont fait preuve le constructeur se mesure dans ses justifications techniques.
Pressé de commenter les exécrables résultats de ces tests en conduite réelle lors d'une conférence de presse mardi dernier, Renault a expliqué que les vannes EGR dont dépend son catalyseur fonctionnent correctement à une température comprise entre 17 et 35 °C. Dingue, non ? Pas du tout : "La norme d’homologation nous impose de fournir un dispositif antipollution efficace entre 20 et 30 °C, ce que nous respectons". Voici donc un dispositif antipollution efficace de mai à octobre, sauf canicule.
Renault s'est justifié en expliquant qu'en dehors de ces températures, une vraie dépollution exposait à un risque de casse moteur "comme cela s’est produit sur nos modèles par le passé". Vous noterez l'aveu.
Mais la vraie raison a été donnée ensuite : "Il s'agit de ne pas trop renchérir le prix du véhicule, car le client final n'est pas toujours prêt à payer plus cher. "
Vous savez enfin pourquoi les Renault sont si incroyablement bon marché...
La peur et la soumission chez Volkswagen, le cost-killing chez Renault
Ces voitures pas chères, vous les devez à un homme dont réduire les coûts est le premier métier.
Carlos Ghosn, le double patron de Renault et de Nissan, est un cost killer (soit « coupeur de coûts »), c'était son poste chez Renault quand il y est entré en 1996 "chargé de la recherche, du développement, de l'ingénierie, des opérations du secteur des groupes motopropulseurs, de la production et des achats" rappelle sa biographie. C'est lui qui a "costkilllé" le développement des Laguna 2 et Vel Satis, les Renault les plus vérolées depuis la Frégate, pour cause de mise au point écourtée et de composants au rabais.
Son spectaculaire redressement de Nissan fera oublier cette broutille et aujourd'hui, Carlos Ghosn est intouchable comme en témoignent les infinies précautions avec lesquelles gouvernement et médias traitent les déjections de Nox des voitures au losange. On a connu Ségolène Royal plus pugnace. C'est qu'après tout, il n'y a rien d'illégal...
Comme on ne vend pas de diesels aux Américains, tout cela restera entre nous et Renault va organiser un petit rappel. Un rappel volontaire bien sûr, on ne forcera pas les gens à rendre leur moteur plus gourmand et/ou plus fragile.
La morale de cette histoire ? Il faut la chercher dans la comparaison avec l'affaire Volkswagen. On ne pourra jamais prouver que Martin Winterkorn, le pdg démissionné de Volkswagen, savait que ses ingénieurs avaient truqué des logiciels de dépollution. On sait seulement que cette tricherie est la conséquence de la pression sur les résultats économiques et du climat de peur et de soumission qu'il faisait régner dans l'entreprise.
En revanche, qui doute que Carlos Ghosn ait eu son mot à dire sur un arbitrage aussi stratégique - et financier - que le choix d'une technologie de dépollution ?
Pas moi.
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