Une carrosserie bleu azur barrée d'une bande orange et aussitôt le nom de Gulf vient à l'esprit de tous les amateurs de courses d'endurance et du Mans en particulier. Sous la baguette du Maître John Wyer, il a résonné aux musiques des Ford, Porsche et Mirage et vibré aux exploits des Ickx, Siffert, Rodriguez et Bell...
"Monsieur Grady Davis, vient d'arriver" annonce une voix féminine dans l'interphone. John Wyer grommelle et pris sa secrétaire de faire patienter le visiteur. En ce printemps 1966, la production de la Ford GT 40 vient de débuter dans l'usine de Slough et il n'a que peu temps à accorder aux riches clients. Et puis soudain, il se souvient de ce jeune vice-président d'une compagnie pétrolière américaine qu'il a rencontré quelques mois plus tôt en compagnie de Carroll Shelby. Il se ravise alors et accueille sans tarder l'Américain. Homme pressé et rigoureux, Wyer n'a que faire que des mondains, mais il sait reconnaître les passionnés. Pilote amateur, Davis a connu quelques succès en course avec une Corvette Gran Sport en compagnie de Dick Thompson et son discours est des plus pertinents. Il veut acheter une GT 40 "Street version" pour son usage personnel mais opte pour un modèle à peine civilisé, susceptible d'être aligné en course avec peu de modifications. L'affaire est conclue mais l'entrevue se prolonge.
Davis profite de l'expérience de Wyer pour lui soumettre des projets de parrainage d'une écurie de course, des retombées possibles, des budgets... Tout est encore flou, mais le courant est passé entre les deux hommes et Wyer s'en souviendra quand il séparera de Ford à la fin de l'année. Fin septembre 1966, il retrouve Davis au siège de Gulf à Pittsburgh et tout va très vite. Davis décide de financer la nouvelle équipe JW Automotive pour la saison 1967 et d'un commun accord avec Wyer, il baptise la future voiture du nom de Mirage. Conscients des faibles retombées publicitaires enregistrées par les pétroliers (BP notamment) dans leurs précédentes opérations publicitaires, Wyer et Davis décident de décorer entièrement les voitures aux couleurs Gulf plutôt que de charger une carrosserie anonyme de stickers de la marque.
Toutefois, le bleu sombre de Gulf n'est pas très excitant et ce seront les couleurs de la Wilshire Oil (bleu ciel/orange), une société récemment acquise par le groupe qui seront retenues. Ce sera le coup de génie ! Le temps n'est pas encore aux audaces graphiques, du moins en Europe, et la plupart des concurrents restent encore fidèles aux couleurs nationales. Dans un paysage un peu terne, les voitures de Wyer ne passeront jamais inaperçues et leurs couleurs, mais aussi la qualité de leur préparation en feront des modèles à part. Le succès aidant, Gulf devient rapidement un label plus qu'un annonceur et la majorité des chroniqueurs, peu complaisants pour les publicitaires, n'hésiteront jamais à parler de "Ford Gulf" ou de "Gulf Porsche" simplement pour les différencier de leurs demi-sours moins glorieuses.
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