Le bilan de l’insécurité routière de l’année dernière a été présenté fin janvier. Il en ressort une diminution record du nombre de tués sur les routes : – 5,6 %.0 Les meilleurs résultats depuis quarante ans. Du coup, les plus réticents à la politique répressive de Jean-Claude Gayssot s’interrogent : et si la crainte d’être contrôlé sur la route, si la peur d’être accusé de délit pour excès de vitesse, en bref, si la peur du gendarme était devenue véritablement un facteur de réduction des accidents ? Portrait de Gayssot, bilan détaillé des accidents de la route, prévisions 2001, la rédaction de Caradisiac s’est penchée sur cette question, tentant de déterminer si l’on peut espérer une amélioration durable de la sécurité sur les routes.
Et si Gayssot ne s’était pas trompé ?
Il est arrivé au ministère des Transports en déclarant lui-même qu’il n’y connaissait rien en matière de Sécurité routière. Cela ne l’a pas empêché de multiplier les déclarations à l’emporte-pièce dont la plus fameuse avait consisté à clamer haut et fort qu’il diminuerait par deux le nombre de tués sur les routes en cinq ans. C’est vrai, Jean-Claude Gayssot, le ministre de l’Équipement, des Transports et du Logement, a fait l’objet de nombreuses railleries à la suite de cette déclaration. Comment ce politique pouvait-il réussir là où tant d’autres, aussi bien intentionnés que lui, avaient relativement échoué ? Certes, l’objectif est noble. Mais comment l’atteindre ?
Gayssot choisit la peur du gendarme
Ni une, ni deux, l’équipe de Jean-Claude Gayssot reprend dès son arrivée les vieilles recettes : multiplication des contrôles routiers et renforcement de l’arsenal législatif (les lois Gayssot)… Même si quelques mesures touchent à la formation et à l’éducation, la politique de Sécurité routière de l’ère Gayssot repose bien sur la peur du gendarme.
Bref, c’est la répression qui est à l’ordre du jour ! Encore et toujours la répression, pourrait-on dire, car cette solution de facilité avait bien évidemment été mise à toutes les sauces par les précédents ministres. Avec le succès que l’on sait, à savoir une diminution par deux du nombre de tués entre 1972 et 1992 (de 16 000 morts à 8 000 environ). Mais, de l’avis général, toute accentuation de la répression était vaine. Le fruit avait donné son jus. Pour preuve : dans les années quatre-vingt-dix, l’insécurité routière n’a pas diminué dans des proportions importantes. Cela semblait donc évident : il fallait oublier la répression et faire preuve d’innovation. Miser sur la pédagogie et inventer une nouvelle politique de Sécurité routière.
On connaît la suite. En guise d’innovation, Jean-Claude Gayssot menace d’envoyer en prison les automobilistes coupables par deux fois de "super excès de vitesse" (plus de 50 km/h au-dessus de la vitesse autorisée) et multiplie les opérations coup de poing les veilles de week-end. Même la communication tourne au cauchemar. Souvenez-vous : à l’heure du déjeuner ou du dîner, on nous donne à voir des corps sanguinolents que l’on s’efforce de désincarcérer de voitures broyées. Le tout, sur une musique champêtre de Georges Guétary. La presse doute de l’efficacité de cette campagne. Certains "psy" s’en donnent à cœur joie : "Ces images ne peuvent pas responsabiliser les conducteurs puisqu’ils les fuient."
La répression porte ses fruits
Pendant ce temps, l’hécatombe se poursuit. Le bilan de 1998 n’est pas bon, décembre 1999 est particulièrement terrible. Les quatre premiers mois de l’année 2000 ne sont guère brillants. En mai, la courbe semble s’inverser positivement. Il y a un léger mieux dans les statistiques. De bons résultats qui se confirment jusqu’à la fin de l’année et se traduisent aujourd’hui en un seul chiffre : 7 582 morts pour l’année 2000. Soit une amélioration de 5,6 % (lire les statistiques dans le détail).
Le 24 janvier dernier, lors de la présentation à la presse de ces scores inespérés, Jean-Claude Gayssot et Isabelle Massin, déléguée interministérielle à la Sécurité routière, étaient satisfaits, mais pas fiers. Tout au plus, un peu soulagés d’avoir peut-être eu raison. Non pas pour eux-mêmes, mais pour les quelque 450 vies qu’ils annonçaient sauvées. Aucune remarque acerbe, non plus, à l’égard des le_magistes qui avaient tellement peu cru en leur méthode. Du reste, ces résultats sont-ils la preuve que cette politique est bonne ?
Un équilibre fragile
Il est toujours difficile de mesurer l’impact d’une action de Sécurité routière. Alors à quelle mesure attribuer ces résultats ? À cette question posée par Caradisiac au ministre, ce dernier a répondu spontanément : "la peur du gendarme". On pouvait s’en douter. Jean-Claude Gayssot venait d’annoncer, en effet, le renforcement des moyens de contrôle des forces de l’ordre, avec l’achat de plus 500 radars-jumelles au cours de l’année 2001.
Bien sûr, il a évolué, notre Gayssot national. Fini l’époque des bavures verbales. Aujourd’hui, il prend soin d’ajouter : "Piéger les automobilistes, ce n’est pas cela qui les rend forcément plus prudents, mais montrer des gendarmes sur le bord des routes, cela doit avoir des conséquences sur le comportement des conducteurs." Les préoccupations pédagogiques ne font plus défaut dans son discours. Il rappelle les actions menées en collaboration avec le ministère de la Culture, auprès des écoles primaires notamment. De son côté, Isabelle Massin met l’accent sur les campagnes percutantes de communication et les actions réalisées par les pouvoirs publics au niveau départemental.
Alors, faut-il vraiment faire peur aux automobilistes pour que ceux-ci deviennent enfin raisonnables? Les prochaines années nous le diront. En attendant, et en ce qui concerne l’année 2000, on doit bien croire en l’efficacité de cette politique surtout répressive et tellement honnie par tous. Il nous faut bien croire que la répression est l’un des facteurs importants de la diminution de l’insécurité routière. Quant à Gayssot, loin de pavoiser, il s’interroge encore : «Attention, l’équilibre est fragile ! Il faut demeurer prudent et poursuivre notre action.»
Lire aussi :
- Le Tour de France de la sécurité routière
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