Un prédateur affamé de victoires
Cette préparation ingrate mais minitieuse va se révéler immédiatement payante. Sur le circuit pour la première course de la saison, Alain Prost s'envole dès le départ, s'impose avec autorité au premier freinage et enlève son premier succès sans autre soucis. C'est le début d'une longue série.A chaque sortie, le scénario va être imuable pole, fuite en tête, record du tour et victoire ! Ceux qui ont le malheur de cotoyer la Martini bleur s'en souviennent comme d'un cauchemar. Certains inventeront une boutade - "Prosternons nous" - pour rire de leur désarroi, d'autres carrément irrités par cette insolente réussite ne trouvent que de mauvaises excuses. Ses rivaux semblent disputer un autre championnat, à tel point que Patrice Lavergne, tout heureux de finir second à Rouen, passera la ligne en levant les bras en signe de victoire! Après sept succès consécutifs, Prost est champion dès le mois de juillet. Ses adversaires respirent, mais ils se trompent lourdement.
Prost veut le grand chelem. Il le manquera d'un fil à Imola, où il sera contraint l'abandon à cause d'un allumeur déréglé. Il est fou rage et parle même de sabotage. Il crie à l'injustice et cherche un coupable. Son refus d'être battu obscurcit son jugement et comme le souligne l'un de ses rivaux "il est nettement moins talentueux dans la défaite." L'enfant prodige se mue soudain en sale gosse, comme au bon vieux temps du karting. Il a trop gagné et trop vite pour avoir eu le temps d'apprendre à perdre. Il croyait naïvement que le talent était aussitôt récompensé et découvrait avec irritation un univers plus complexe. De l'inexpérience à l'impopularité, il n'y a qu'un pas. Il le franchira souvent avec un bel entêtement dans la maladresse. Et si avec le temps, il apprendra à polir son caractère et soignera son image, le naturel reviendra au galop dans les périodes de "crise". Ce comportement de mauvais perdant, de raleur et de rancunier le poursuivra et sa carrière sera jalonnée de conflits et de divorces.
Il pourrait pourtant être totalement serein en cette fin 1976. Cette première saison a suffit à lui forger une extraordinaire renommée. En plus de sa chevauchée solitaire en Formule Renault, il a également effectué des débuts impressionnants en Formule Renault Europe. A Dijon avec une Lola qu'il découvre et sur un circuit inconnu, seul un ennui mécanique l'a empéché de battre Didier Pironi, le leader du championnat. Il en repartira tout de même avec le record du tour et plus que jamais couvé par Elf, qui le sent déjà prêt pour des combats plus difficiles. Sa voie, qui ne pouvait être que triomphale était tracée, mais après sa démonstration de 1976, on ne lui pardonnerait pas aisément un échec. Pourtant, en 1977, il ne lui suffit plus de paraître pour vaincre. L'opposition en Formule Renault Europe s'est durcie et il doit compter parfois sur les caprices de la mécanique. "L'homme à battre" n'est plus invincible, il rentre dans le rang et constate avec irritation que la popularité est inversement proportionnelle au succés... Prodigieusement agacé, plus incompris que jamais, mais toujoura aussi déterminé, il enlève le titre à l'issue de la dernière course. Une saison difficile qui a cependant confirmé l'une des facettes de son personnage entrevue lors de son passage à l'école de pilotage: celle d'un fin calculateur capable d'éviter les joutes stériles afin de ne jamais perdre de vue l'objectif final.
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