William Friedkin, cinéaste de la violence et de l'automobile
S'il est surtout connu pour l'Exorciste, le plus gros succès de sa carrière, le réalisateur américain qui s'est éteint cet été, était avant tout le gosse mal élevé du cinéma américain, n'hésitant pas à outre passer ses droits pour une belle image. Surtout lorsqu'elle reproduisait une course-poursuite en voiture.
C’était le bad boy de Hollywood, celui que les studios adoraient détester, une amabilité qu’il leur rendait bien. Mais William Friedkin, qui s’est éteint il y a quelques semaines, n’était pas seulement ce cinéaste adepte de la violence, des flics chelous et des bas-fonds. Ce réalisateur de films tournés à hauteur de poings fermés était aussi le metteur en scène virtuose de la bagnole, l’obsession de son siècle qu’il a faite sienne, avec panache et, souvent, au bord de la limite, de la sécurité et de la légalité.
French connection, film de tous les dangers
Friedkin a déjà tourné quatre longs métrages sans grands succès autres que critiques, lorsqu’il s’attaque, en 1971, à cette histoire de trafic de drogue entre New York et Marseille. Pour French connection il s'inspire de vrais flics en imaginant ses héros : « Popeye » Doyle (Gene Hackman) et « Cloudy » Russo (Roy Sheider). Le tournage se passe mal. Hackman et le réalisateur se détestent, une situation qui arrange bien Friedkin qui pousse le comédien à bout, et au bout de son rôle.
Histoire d’en rajouter dans le malaise qu’il aime tant, le metteur en scène débarque sur le tournage en tirant des coups de flingue, « en l’air et avec des balles à blanc » dira t-il plus tard. L’effet en tout cas, est à la hauteur de ce qu’il recherche, et l’ambiance sur le plateau est électrique.
Elle le sera encore plus lors du tournage d’une fameuse scène de course-poursuite filmée en plein New York, à Brooklyn exactement. La voiture des flics doit suivre le métro aérien et slalomer entre les voitures et les piétons ? La mairie juge le projet complètement dément et refuse de donner son accord. Qu’à cela ne tienne, Friedkin improvise et se moque des autorisations municipales.
Il tourne à l’arrache, lançant la Pontiac Le Mans à 135 km/h dans les rues de la ville ouvertes à la circulation, en avouant, bien plus tard, que « la seule séquence qui avait été répétée était le passage où il évite la collision avec une femme et son bébé. On a eu beaucoup de chance que personne ne soit blessé. Je ne referais jamais un truc pareil aujourd’hui. ». Pendant le tournage de la scène, Friedkin est assis à l’arrière du coupé et hurle au cascadeur au volant d’accélérer au milieu du trafic réel.
Tout le monde achève le tournage au bord de la crise de nerfs, mais personne, pas même Gene Hackman, n’en voudra à Friedkin lorsqu’une pluie de 5 oscars (dont celui du meilleur réalisateur et meilleur comédien pour Hackman) tombe sur l’équipe, en plus des millions de dollars de ce qui sera le premier succès du metteur en scène.
Mais si Friedkin a avoué ne plus vouloir prendre de risques insensés après French Connection, ce n’est qu’une demi-vérité voir un véritable mensonge. Car quelques années plus tard, dans la version américaine du Salaire de la peur de Clouzot, il récidive. Comme toujours, le tournage est pénible et Steve Mc Queen, pressentit pour le rôle du héros décline en raison de la réputation du réalisateur. Le film, the Sorcerer, considéré comme le chef-d’œuvre de Friedkin, sera un bide monumental. Mais fort de l’énorme carton réalisé avec l’Exorciste en 1973, Friedkin décroche toujours les budgets nécessaires pour continuer à tourner des films à sa manière, un peu tordue, et toujours au bord de la rupture.
Rouler sur l'autoroute ? Oui, mais à contresens
Ce sera le cas en 1985 avec Police Fédérale Los Angeles. Encore une histoire de flics et d’agents des services secrets. Cette fois, l’une des scènes cruciales, toujours en voiture, délaisse New York pour les faubourgs de LA et une autoroute des alentours. Il faudra 6 semaines à Friedkin pour la tourner et le réalisateur a pris soin de caler cette séquence à la fin de son tournage, histoire d’avoir son film en boîte si l’un des comédiens se blesse pendant la course-poursuite. C’est dire si le réalisateur mesure la dangerosité de l’affaire.
Car son idée est aussi simple que démoniaque : elle consiste à lancer une Chevrolet Impala F41 à fond et à contresens sur une autoroute encombrée. On est encore loin du temps des effets spéciaux et la scène est proprement hallucinante, en raison des prises de vues évidemment réelles, mais aussi, parfois, d'images subjectives, des caméras étant placées à l'intérieur des voitures.
Puis, avec l'âge venant, le furieux de Hollywood se calme. Après avoir échappé à une forme de malaria mortelle, aorès voir été terrassé par une attaque cardiaque lorsqu'il était en route vers les studios. l'homme au calibre dépose les armes. Il ira même jusqu'à mettre en scène des opéras sur les plus grandes scènes du monde, proposant une lecture bien à lui d'Alban Berg, de Verdi ou de Saint Saëns. Il a entamé sa dernière poursuite vers l'ailleurs le 7 août dernier. Il avait 87 ans.
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