Vers la réhabilitation du diesel ?
On vient d’apprendre que le moteur diesel participait à la lutte contre le réchauffement climatique. Et pas du tout de la façon que l’on croyait…
On savait que de tous les moteurs thermiques, le diesel était celui qui émettait le moins de CO2, principal gaz à effet de serre.
Mais ce que l’on vient de découvrir, c’est qu’il contribuait aussi, et d’une tout autre manière, à la lutte contre le réchauffement climatique.
Dans son numéro de décembre, la revue Nature a publié les résultats d’une étude internationale expliquant pourquoi, en 2020, la concentration de méthane dans la haute atmosphère avait connu une augmentation jamais vue depuis le début des mesures, dans les années 80.
Principale explication, ce gaz avait été beaucoup moins dégradé par les émissions d’oxydes d’azote (Nox) du transport routier, car celui-ci avait beaucoup diminué cette année-là sous l’effet du grand confinement mondial.
Pour ceux que cela intéresse, Les NOx, principalement émis par les moteurs diesel, ne sont pas un résidu de carburant, mais une dégradation du comburant (l’air : azote et oxygène) sous l’effet des hautes températures et pressions de ces moteurs. Soumis au rayonnement solaire, ces Nox se transforment en OH (hydroxyle), un radical qui décompose le méthane dans l’atmosphère. Ne m’en demandez pas plus, j’ai beaucoup roupillé pendant les cours de physique-chimie…
Mais je note au passage que les ingénieurs de PSA avaient vu juste dans leurs bidouilles de dépollution révélées à la suite du Diesel gate. Leurs HDI étaient réglés pour ne pas trop cracher de NOx à basse vitesse – et donc en ville – mais se lâchaient sur route.
Gaz à tous les étages
Bref, on vient d’apprendre que le principal polluant « sanitaire » du diesel limitait l’effet de serre. Et pas qu’un peu…
C’est que le méthane -qui n’est rien d’autre que le gaz « naturel » de nos centrales électriques, chaudières et gazinières – a, quand il n’est pas brûlé mais relâché dans l’atmosphère, un potentiel de réchauffement instantané 80 fois supérieur à celui du CO2, et encore 27 fois supérieur en tenant compte de sa durée de vie moins longue.
Or, il n’est pas simple de réduire ses émanations, de provenance multiple. Il est d’abord émis « naturellement » par l’élevage via la digestion des ruminants mais aussi par la décomposition des matières organiques, croissante avec le dégel des sols du grand Nord sibérien et canadien. Ensuite industriellement lors de l’extraction charbonnière, pétrolière et gazière, de son transport, de son utilisation. Sans oublier les composteurs de nos jardins qui sont souvent, parce que mal utilisés, de véritables méthaniseurs à ciel ouvert.
Désormais, la communauté scientifique mondiale considère que la réduction de ses émissions est aussi prioritaire que celles de CO2. « Réduire les émissions mondiales de méthane provenant des activités humaines de 30 % d’ici la fin de cette décennie aurait le même effet sur le réchauffement climatique d’ici 2050 que de faire passer l’ensemble du secteur des transports à des émissions nettes de CO2 nulles » a déclaré récemment Fatih Birol, directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie.
Le double effet Kiss Cool…
D’où les efforts récemment entrepris par l’industrie gazière, et aussi dans les fermes. Si on ne sait pas encore vraiment limiter les émissions de méthane en adaptant l’alimentation des bovins, on sait désormais les capter au niveau de la toiture des étables, voire au pré, à même le museau de chaque animal, et dans tous les cas, exploiter par méthanisation celui des déjections. Ce « biogaz » est aujourd’hui injecté dans le réseau de gaz de ville, pour les fermes qui n’en sont pas trop éloignées.
De là à faire carburer les tracteurs des autres avec du gaz produit localement, il n’y a pas loin. Car devinez quel moteur est le plus apte à fonctionner au méthane et avec le meilleur rendement ? C’est le diesel qui ne requiert guère plus de modifications que pour convertir un moteur essence au GPL, avec pour avantage supplémentaire de réduire considérablement ses émissions de particules mais, heureusement, pas celles… de NOx.
Un moteur qui, en consommant un gaz à effet de serre, émet un autre gaz qui réduit l’effet de serre, c’est mieux que le double effet Kiss Cool, une sorte de remède miracle.
De fait, il devient évident que l’avenir pour le transport routier de longue distance – incompatible avec le moteur électrique à batteries - réside bien d’avantage dans le diesel carburant au méthane que dans l’électrique à pile à combustible alimentée par hydrogène. Pour rappel, le projet européen qui prévoit de faire rouler sur le continent, dès 2030, 100 000 camions à hydrogène nécessiterait – au conditionnel ukrainien – d’y consacrer 910 km2 de panneaux solaires ou 15 réacteurs nucléaires pour le produire proprement, c’est-à-dire par hydrolyse de l’eau. Sachant qu’il y a trois millions de camions en Europe, je vous laisse faire la multiplication.
La fin du gazole russe
À l’exact opposé de la filière à complications de l’hydrogène, le méthane est facile à produire - bien plus que l’éthanol ou le diester – à partir d’excréments et de toutes sortes de déchets organiques, domestiques, agricoles ou forestiers. Et même si depuis le boom du prix du gaz, des paysans méthanisent du maïs, la production de ce gaz ne concurrence pas, normalement, l’alimentation humaine.
Bref, le diesel n’a pas dit son dernier mot et sans doute pas seulement sous des capots de camion.
Au vu des reculades et hésitations de ces derniers mois sur l’objectif de 100 % de voitures électriques en 2035, l’envolée des tarifs de recharge à la borne, les pénuries persistantes de métaux rares et autres incertitudes énergétiques on peut se demander si le diesel ne fera pas, en complément de la voiture électrique, partie des solutions qui préserveront notre mobilité.
Mais pas dans les proportions absurdes atteintes au début des années 2010, quand il pesait quasiment les trois-quarts des ventes de voitures neuves.
D’abord parce que cette mécanique n’est réellement pertinente que pour les gros rouleurs, les gros véhicules et les longs trajets.
Ensuite parce que le gazole va voir son tarif radicalement augmenter. Le 5 février, l’embargo occidental sur les hydrocarbures russes sera étendu au gazole raffiné, un carburant que nous importions massivement de Russie. Nous allons donc devoir faire venir notre gazole d’Inde, d’Arabie saoudite, de Bulgarie, où il sera raffiné à partir de pétrole… russe, ce qui fera immanquablement augmenter les prix à la pompe.
Enfin, parce que le méthane ne sera qu’une énergie de complément. On aura beau récupérer ses émanations par fuite, le capter et le produire dans les élevages, méthaniser et non plus incinérer l’ensemble de nos déchets et jusqu’à nos excréments, il faudrait une quantité astronomique de méthaniseurs et bouleverser le fonctionnement de notre agriculture pour ne compenser qu’une petite partie du gaz que nous achetions à notre terrible voisin de l’Est.
Pardon de vous décevoir, il n’y aura pas de miracle du diesel et du biogaz et de toute façon, pas de miracle énergétique, juste une grande boîte à petites solutions qu’il devient urgent de remplir.
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