Un jour de Mai 81, Place Saint-Pierre : Le pape Jean-Paul II victime d'un attentat dans sa Fiat Campagnola
Alors que le pape Léon XIV inaugurait ce matin son pontificat, retour sur un événement tragique dans l'histoire du Vatican. Il y a 44 ans, le 13 mai 1981, Jean-Paul II était grièvement blessé lors d'un attentat Place Saint-Pierre, alors qu'il fendait la foule dans sa Fiat Campagnola de fonction.

Les constructeurs automobiles se relaient depuis plus de 115 ans pour transporter le Saint-Père. Si Bianchi (avec la Tipo 15, entre autres) et Citroën (avec la Lictoria C6) ont fait partie des éclaireuses jusqu'aux années 1930, Fiat et Mercedes sont devenues ensuite des marques à leur tour indissociables de la flotte vaticanaise, notamment depuis quarante ans, depuis qu'elles incarnent la fine fleur des « papamobiles ».
Dernier modèle officiel en date, une Mercedes 100 % électrique carrossée sur la base d’une Classe G. Ce SUV à l’étoile est « entré dans les ordres » en décembre 2024 pour servir les bénédictions itinérantes de François et dorénavant celles de Léon XIV.
Spécialement manufacturé, coiffé du drapeau jaune et or à l’effigie du Saint-Siège, sa plateforme surélevée dispose d’un toit rigide rétractable et d’une assise centrale arrière pivotante qui permet au pape de saluer les fidèles à 360° sans se faire de torticolis...
Du temps de la Fiat Campagnola
Il y a 44 ans, Jean-Paul II, lui, prêchait souvent à bord d’une Fiat Nuova Campagnola 1107, un petit modèle édité depuis 1974, un 4x4 à coque autoporteuse de 4 mètres de long pour 1,60 mètre de large. Avant d'intégrer les garages du Vatican, l’héritière de la Campagnola des années 50 servait essentiellement l’Armée italienne et ses administrations connexes, notamment dans une variante logotée AR.76.
L’exemplaire que Fiat avait offert en 1980 à l’ancien cardinal de Cracovie avait été spécifiquement drapé d'un blanc nacré et lumineux, une teinte symbolique pour l'Eglise. C’était un modèle haut perché qui permettait à Jean-Paul II de fendre les foules à découvert, sans vitrage ni blindage pour le protéger. Un choix délibéré de sa part, qui faisait écho à celui de Paul VI, l’un de ses récents prédécesseurs.
En poste durant quinze ans, ce pape perçu comme « moderne » cultivait sa popularité en se déplaçant au plus près du public, avec foi et sans le moindre toit, en particulier lorsqu'il prenait plaisir à parader dans son Toyota Land Cruiser décapotable (entre 1976 et 1978), une voiture qui demeure l’une des papamobiles les plus emblématiques de l'histoire.
« Le pape est mort...»

Jean-Paul II, dans la veine de Paul VI, avait donc pris l’habitude de rouler sans couvre-chef, sans manifestement mesurer lui non plus les conséquences pour sa sécurité. Jusqu’au jour où la sortie papale vira au cauchemar...
Nous sommes le mercredi 13 mai 1981, à Rome, par un bel après-midi de printemps. 20 000 fidèles ont envahi la Place Saint-Pierre, se massant pour certains depuis l'aube au pied des colonnades et du Palais apostolique.
Les acclamations pleuvent de toutes parts, ou presque. Jean-Paul II, 60 ans, depuis sa Nuova Campagnola plaquée du fameux lettrage rouge sur fond blanc « SCV1 » (ndlr : sigle qui désigne la papamobile comme voiture « 1 » de la Cité du Vatican) salue la foule sans ménager son sourire, les embrassades aux bébés et les signes de croix.
La communion avec le pape d’origine polonaise bat son plein quand soudain, alors que la cérémonie touche à sa fin, deux à trois coups de feu retentissent... Il est 17 heures et 17 minutes. Jean-Paul II vient d’être touché par balle à moins de quatre mètres de distance, par un individu muni d’un revolver Browning de calibre 9 mm.
Sur la Place Saint-Pierre, les bancs de pigeons perchés sur les toits ont pris leur envol à la vitesse d’une trainée de poudre. Dans l’assistance, la panique et les cris de douleurs ont succédé à la ferveur. « On a tiré sur le pape ! ; le pape est mort ! », peut-on entendre çà et là.
Jean-Paul II, pourtant, est encore en vie. Il est certes au plus mal, grièvement blessé, principalement à l’abdomen. Les balles qu’il a reçues le font s’affaisser aussitôt. Stanislaw Dziwisz, son secrétaire personnel, le retient dans ses bras pour le maintenir tant bien que mal dans le siège arrière de la Fiat. Au milieu de la foule, deux touristes américaines, blessées plus légèrement, comptent parmi les victimes collatérales de cet attentat.
Ağca plaqué au sol par une nonne...

Après l’effarement, place à l’action et à l’identification du tireur présumé. Contre toute attente, ce n’est pas la police mais une religieuse tout droit sortie du film « Sister Act » qui va s’avérer d’un précieux secours, délaissant en toute hâte son chapelet pour jouer les héroïnes civiles.
Sœur Letizia Giudici, trentenaire venue du couvent franciscain de Genève, est accoudée à la barrière depuis des heures. Dans un mouvement de tête, elle va localiser le tireur à quelques mètres derrière elle. Il s’agit d’un jeune Turc de 23 ans, Mehmet Ali Ağça, identifié par la suite comme militant du mouvement armé ultranationaliste des Loups gris.
C’est lui que la nonne à la tunique brune va prendre sur le fait. A la façon d’une judokate ou joueuse de rugby, elle va le plaquer au sol sans une once d’hésitation, profitant qu’il vient de trébucher en tentant de quitter les lieux. Le petit bout de femme est bientôt secondé par le chef de la sécurité vaticane puis par des carabiniers qui menottent le suspect.
Dans la confusion, le complice d’Ağca, Oral Çelik, porteur d’un Beretta 7,65 mm et d'une grenade qu’il avait prévu de dégoupiller, parvient quant à lui à s'échapper. Il sera finalement arrêté quelques années plus tard, à la frontière franco-belge, confondu à l’occasion d’un coup de filet dans le narcotrafic.
De l'attentat au pardon

Pendant ce temps, les gardes suisses chargés de protéger le Saint-Père parent au plus pressé. La Campagnola blanche est exfiltrée dans la précipitation. Elle part rejoindre une ambulance de la Croix-Rouge stationnée à l’arrière des colonnades. L'utilitaire de secours embraye alors vers la Polyclinique Gemelli (situé à moins de 10 km), se frayant un passage dans la circulation romaine moins rapidement que prévu sans doute, sa sirène ayant rendu l’âme sur le trajet…
Peu avant 18 heures, le pape est admis aux urgences de l’hôpital où il va être opéré pendant près de cinq heures. Un laps de temps au cours duquel son pronostic vital sera maintes fois engagé... Miraculeusement sauvé par les médecins (ndlr : JP II est convaincu d'avoir été sauvé par Notre-Dame de Fatima), il ne reprendra ses traditionnelles audiences générales Place Saint-Pierre qu’au mois d’octobre suivant.
Ağca, le coupable présumé, dont les motivations restent à ce jour aussi floues que multiples, a été condamné à la prison à perpétuité. Il a ensuite été remis en liberté en l’an 2000, après une demande de grâce formulée par le Vatican. On se souvient en outre que Jean-Paul II lui avait rendu visite en prison en décembre 1983 pour lui accorder son pardon.
La papamobile de Fiat au musée

Quant à la Fiat Nuova Campagnola, en dépit de sa vulnérabilité manifeste au moment de l’attentat, elle fut néanmoins conservée dans la vaste flotte des papamobiles. Comme pour conjurer le sort, on la fit même ressortir du parc vaticanais à de rares occasions et sous escorte très rapprochée jusqu'au début du règne de Benoît XVI.
L'ancienne papamobile a aujourd'hui rejoint définitivement le Musée du Vatican. Depuis l'attentat de 1981, il faut dire que les véhicules de cérémonie transportant le souverain pontife sont des spécimens mieux sécurisés. Ils sont parfois coiffés d'une bulle en verre (résistant à des tirs de fusils d’assaut) destinée à véritablement confiner le pape lors des visites et célébrations jugées les plus à risques. Jean-Paul II, jusqu'à sa mort en 2005, fut contraint d'utiliser ces exemplaires dans la plupart de ses déplacements à travers le monde.
Notez que Léon XIV, ce matin, lors de la messe inaugurant son pontificat, a traversé la Place Saint-Pierre volontairement à ciel ouvert, dans la récente papamobile Classe G à toit rétractable.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération