Stellantis face à l'embouteillage premium
Avec la renaissance annoncée de Lancia, le groupe franco-italo-américain va se retrouver à la tête de trois marques premium, toutes en devenir. Trois chantiers dans lesquels Stellantis doit investir de nombreuses années encore avant d’en récolter les fruits. Saine ambition ou folie ?
Et de trois. Avec l’annonce de la résurrection de la marque milanaise Lancia, en mort clinique depuis plusieurs années, Stellantis est désormais à la tête de trois constructeurs premium. DS, Alfa Romeo et d’ici deux ans Lancia, vont donc s’en aller affronter les marques allemandes (Audi, BMW et Mercedes) mais aussi sino-sudédoise (Volvo) ou britannico-indiennes (Jaguar-Land Rover).
L'important, c'est la marge, pas le volume
Une offensive vers le premium parfaitement compréhensible de la part de Carlos Tavares qui l’a toujours reconnu : l’important c’est la marge dégagée par chaque véhicule vendu, plutôt que le nombre de voitures écoulées. Et c'est précisément le cas du haut de gamme.
Sauf que, pour que le premium soit rentable, encore faut-il qu’il soit parfaitement installé en termes d’image dans la tête des clients. C’est le cas pour les Allemands, les Suédois et les Anglais, même si Jaguar et Land Rover rencontrent quelques difficultés ces temps-ci.
Mais qu’en est-il des trois marques de Stellantis ? DS est une marque crée de toutes pièces en 2015. Elle a 7 ans aujourd’hui, autant dire que c’est un ado au royaume du premium, un domaine ou il faut beaucoup de temps pour s’imposer. Il a ainsi fallu 20 ans à Audi pour devenir la référence en matière de qualité que la marque est aujourd’hui.
D’autant qu’une image de marque premium ne se fait pas seulement en termes de qualités d’assemblage, mais elle repose sur un élément beaucoup plus pragmatique qui font qu’un acheteur accepte de dépenser parfois deux fois plus que pour une auto généraliste : la valeur résiduelle, la somme que l’auto vaudra au bout de deux ou trois ans de vie.
Dans ce domaine, comme dans la notoriété spontanée de DS, qui fait qu’un cadre choisira cette marque comme auto de fonction plutôt qu’une allemande, puisque la majorité de ces autos premium sont vendues à des entreprises, la nouvelle marque française a encore quelques années pour tenter de rivaliser avec les constructeurs germaniques.
Mais le chantier DS ne semble pas suffisant puisque Stellantis tente de pousser une autre de ses marques vers le haut de gamme. Il s’agit d’Alfa Romeo. Les deux modèles au catalogue (Giulia et Stelvio) sont enfin rejoints par un SUV compacte, le Tonale, qui devrait ouvrir de nouveaux horizons, et des ventes supplémentaires, à la marque.
Mais celle-ci n’est pas non plus à son apogée. Comme pour DS, il va falloir quelques années pour que les clients de BMW (la cible d’Alfa) hésitent entre la marque de Munich et celle de Milan.
Alors que Stellantis doit investir dans ces deux chantiers d’importance que son DS et Alfa, voilà que la barque du groupe franco-italo-américain charge sa barque d’une troisième marque premium : Lancia.
Le difficile pari de Carlos Tavares
Le constructeur est moribond depuis des années et seule subsiste une vieille Ypsilon dont la création remonte à 2011 et qui n’est plus disponible qu’en Italie. Le programme pour sortir Lancia de son brouillard est donc établi, et une feuille de route est avancée. Une nouvelle Ypsilon est annoncée pour 2024, avec la plateforme Stellantis déjà utilisée sur la Peugeot 208, ou l’Opel Corsa avant que les mythiques Aurelia et Delta ne ressuscitent quelques années plus tard en version électrique.
Le pari de Carlos Tavares est désormais connu : développer trois marques premium (Alfa, Lancia et DS), et investir dans ces entités le temps qu’il faudra pour qu’elles deviennent rentables. Reste que cette ambition est osée, et risque de se heurter à un autre chantier : celui de l’électrique, qui à lui seul exige des dizaines de milliards d’investissements et qui concerne le premium, mais aussi les marques généralistes du groupe (Fiat, Citroën, Opel, Jeep, etc) ainsi que la marque de luxe Maserati.
Le pari est donc risqué, mais l’homme qui a redressé et développé un groupe au bord de la faillite semble confiant dans sa bonne étoile. Les prochaines années nous diront si elle brille toujours au-dessus de son bureau.
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