Rétromobile 2019 : quand les oldtimers sont à la baisse, les youngtimers sont en hausse
Alors que le salon des anciennes qui s’est achevé hier au soir peut se targuer d’un formidable bilan médiatique et public, le marché de la collection se trouve face à un paradoxe : les voitures les plus chères sont en (légère) baisse, et les plus abordables grimpent en flèche.
Il faut avoir passé la semaine qui vient de s’écouler sur Uranus pour ne pas se rendre compte du phénomène. Même celui qui ne trouve aucun intérêt aux voitures anciennes et se moque du prix d’une F40 comme de l’an 40 sait que se tenait à Paris le salon Rétromobile. Jamais la manifestation, qui a attiré plus de 100 000 visiteurs en l’espace de 5 jours, n’avait suscité un tel engouement médiatique, dépassant largement le cadre des aficionados de la tubulure. Pas un JT de grande chaîne n’a manqué à l’appel, pas un média national qui n’ait ouvert ses colonnes au phénomène.
Rançon de la gloire : les fans de la première heure jugent que « Rétro, c’est plus ce que c’était ». Ce qui ne les empêche nullement de se précipiter à la Porte de Versailles. Quant aux constructeurs, ils accourent eux aussi. Presque tous y vont de leur stand et s’empressent de ressortir de leur musée les autos qui jalonnent leur histoire. Histoire de faire oublier le temps d’une petite semaine les contraintes, normes et enjeux économiques qui encombrent leur production actuelle.
Une pause dans la hausse
Pourtant, dans cet engouement qui s’explique aisément par une nostalgie des temps d’avant les crises financières, sociales, sociétales et environnementales, il est un petit accroc. La folie des prix qui s’était emparée du marché s’est calmée. En témoigne la vente de la star du salon, la magnifique Alfa Romeo 8C 2900 B. Le joyau italien s’est échangé, sous le marteau du commissaire-priseur d’Artcurial Mathieu Lamour, à 16,7 millions d’euros (frais compris). C’est beaucoup, mais ce prix se situe néanmoins dans la fourchette basse de l’estimation comprise entre 16 et 22 millions d’euros. Un épiphénomène ? Une tendance observée depuis deux ans plutôt.
D’autres autos, comme les quelques Ferrari GT Lusso qui ont changé de propriétaire depuis 2017, en témoignent. L’une d’elles s’est vendu 2,2 millions cette année-là, quand une autre n’a pas dépassé 1,5 million l’été dernier à Pebble Beach en Californie. La baisse est donc effective, même si elle varie en fonction des modèles, et de leur état de conservation. D’ailleurs, les variations du Hagi confirment cette tendance. Car comme les marchés, qui ont leur Cac, Dax, Dow Jones ou Nasdaq, les vieilles autos ont leur indice. Et le Hagi (Historical Automobile Group International) est en baisse depuis deux ans, malgré une légère remontée en 2018.
Valeur refuge et déduction de l’ISF
Attention, l’affaire n’a rien d’une dégringolade, il s’agit plutôt d’une stabilisation à la baisse, comme si, après des temps déraisonnables, le marché des voitures de collection était devenu adulte. Comme s’il avait achevé sa crise d’adolescence acnéique. Une poussée d’hormones liée à la crise de 2008. À ce moment-là, les investisseurs ne savaient plus à quel coffre-fort se vouer. Les marchés financiers effondrés, il leur fallait du sûr, du métal dont on fait les belles carrosseries. Résultat : les cours se sont envolés et les autos sont passées de main en main. Et n’ont pas vraiment atterri entre celles de passionnés d’Ettore Bugatti ou d’Enzo Ferrari. Valeurs sûres, ces vieilles autos leur permettaient d’engranger des subsides, d’en gagner à la revente et, comme en France, de déduire leur investissement de l’ISF.
Les odtimers en baisse, les yountimers en hausse
L’ISF n’est plus (du moins pour le moment) et 2008 s’éloigne. Pour autant, les autos concernées par ces ventes internationales, celles dont les prix descendent rarement en deçà de 300 000 euros et se concentrent sur quelques rares marques, restent intouchables pour le commun des collectionneurs, malgré leur baisse.
Mais il reste un domaine de la collection qui continue malgré tout à connaître des bouffées d’envolées délirantes. Après une 2CV, certes rarissime, vendue l’an passé 75 000 euros, c’est une auto beaucoup plus récente et beaucoup moins prestigieuse qui a trouvé preneur cette année. Une AX Sport a en effet été adjugée 14 000 euros.
La petite Citroën de 1989 est loin d’avoir marqué de son empreinte stylistique l’histoire de l’automobile, pas plus qu’elle n’a troublé les esprits par sa puissance de 95ch. Mais son enchère a dû hérisser les propriétaires de ce type d’auto qui se sont séparés de la leur à la faveur d’une quelconque prime à la casse moyennant une remise de 500 ou 1 000 euros sur leur Clio neuve. D’autant que les AX sont, pour le moment, loin d’atteindre les cotes des stars des youngtimers que sont devenues les 205 GTI, Renault Clio Williams ou Peugeot 104 ZS devenues inabordables pour ceux-là mêmes à qui elles sont destinées : les jeunes conducteurs plutôt fauchés.
C’est tout le paradoxe de la voiture de collection : les prix des autos hyper rares et hyper chères sont en baisse alors que leurs acquéreurs potentiels sont richissimes. Et, à l’inverse, les anciennes censées abordables pour les moins fortunés sont de plus en plus inaccessibles.
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