Rétrofit : les VUL amenés à jouer les éclaireurs dans les flottes
Le rétrofit, qui consiste à convertir un véhicule à motorisation thermique en un véhicule électrique, est autorisé en France depuis un an. Une avancée de taille pour l’Association de l’industrie du rétrofit électrique (AIRe) qui fédère depuis 2019 des professionnels de la mobilité autour de cette technologie ambitieuse. Les flottes d’utilitaires pourraient faire partie des premiers clients.
Phoenix Mobility, REV Retrofuture, Transition One ou encore Carwatt sont quelques-unes de ces sociétés pionnières qui œuvrent activement en faveur du rétrofit au sein de l’AIRe (Association de l’industrie du rétrofit électrique). Elles sont résolues à prendre une part active à l’économie circulaire et au contexte de sobriété automobile en introduisant sur le marché une offre de modèles complémentaire aux gammes neuves 100 % électriques fabriquées par les constructeurs automobiles. « Dans les prochaines années, 40 % du parc actuel ne pourra plus circuler dans les zones à faibles émissions. Le rétrofit a en cela un sens incroyable aujourd’hui », estime Arnaud Pigounides, Co-président de l’association.
Les utilitaires particulièrement adaptés au rétrofit ?
En attendant la mise sur le marché à grande échelle et grand public, c’est la clientèle business, contrainte entre autres par la loi LOM (Loi d’orientation des mobilités) à une nécessité de verdissement de son parc, qui devrait constituer le premier niveau de clientèle. « Nous croulons sous les demandes de sociétés, qu’il s’agisse d’artisans-commerçants ou de grandes entreprises », se réjouit Arnaud Pigounides. Des collectivités locales également se bousculent pour tester l’innovation. C’est le cas notamment de la ville de Grenoble qui, depuis l’automne dernier, a intégré à son parc un Renault Kangoo rétrofité par la start-up Phoenix Mobility. Si l’expérience est jugée concluante, la municipalité précise qu’elle pourrait à l’avenir rétrofiter une partie significative de sa flotte d’utilitaires.
La cible de l’utilitaire essence ou diesel, apte par ses caractéristiques techniques générales à remplir des missions encore de longues années, est d’ailleurs l’une de celles que l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a identifié dans une étude récente comme l’une des plus appropriées à la pratique du rétrofit. Le profil type selon elle, c’est avant tout le « fourgon spécial, un véhicule qui roule relativement peu et qui se trouve être très équipé : VUL avec nacelle, VUL d’artisans avec aménagements intérieurs, etc. », énumère l’Agence.
Selon les auteurs de l’étude, « le rétrofit électrique du fourgon spécial peut être une solution pour convertir les véhicules thermiques actuels et permettre à leurs propriétaires de continuer d’exercer dans les zones à circulation restreinte. » Une solution que l’Ademe qualifie de « plus économique » et de « plus acceptable socialement ». Bien qu’élevé, le coût de conversion d’un tel utilitaire, estimé entre 22 000 et 26 000 euros HT, serait en effet moindre que « le renouvellement complet du véhicule (achat d’un fourgon neuf et customisation) ».
Ambition et attentes des pionniers français ?
Les premiers modèles rétrofités et homologués sont attendus sur les routes françaises à partir de l’an prochain. La demande est encore bien supérieure à l’offre jusqu’à présent, « conséquence de l’épidémie de Covid entre autres, qui a retardé tout l’approvisionnement en moteurs et en batteries, et donc forcément des partenariats avec les industriels qui nous fournissent. » Arnaud Pigounides table toutefois sur une mise en service d’« environ 1 500 véhicules dont deux tiers d’utilitaires » dès 2022. Pour les camions et les bus (scolaires en particulier), « cela viendra davantage à partir de 2023 ». La demande, sur ces segments, semble là aussi très forte.
« Le rétrofit est une alternative qui est en train de se structurer », résume avec enthousiasme le Co-président de l’AIRe. À partir de 2025, « il y aura chaque année plus de 100 000 rétrofit d’utilitaires qui se feront en France », avance-t-il.
Quant aux flottes de voitures de fonction (ou de service), qui paraissent elles aussi nombreuses à surveiller le phénomène rétrofit, Arnaud Pigounides et les acteurs de la mobilité qu’il représente aimeraient pouvoir tout autant les démarcher. « Pour l’instant, ce qui est assez complexe, c’est que les voitures de fonction sont majoritairement détenues par les flottes dans le cadre d’une location longue durée ou d’une location avec option d’achat », autrement dit, pour des durées inférieures à 5 ans. Or, « la réglementation actuelle interdit tout rétrofit sur un véhicule de moins de 5 ans. » En outre, objectivement, un certain nombre de flottes possédant des voitures, y compris celles préférant l’achat à la location, souhaiteraient voir le procédé du rétrofit éprouvé sur le terrain avant de se décider.
Afin que la filière puisse prendre pleinement son envol, des freins centraux restent à lever. « La filière du rétrofit doit bénéficier du soutien économique des pouvoirs publics nationaux et régionaux à l’instar de ce qui peut être fait pour le secteur automobile. Les délais et coûts d’homologation doivent être revus à la baisse pour permettre de lancer l'activité mais aussi donner accès à cette solution au plus grand nombre. Il est également urgent de pouvoir mettre en place un plan « batteries » ayant pour objectif d’abaisser le prix du kWh et de l’aligner sur celui des constructeurs », argumente Arnaud Pigounides dans un communiqué édité en tant que Co-président de AIRe et Fondateur de la société REV Retrofuture.
Le soutien de l’Ademe à une « solution convaincante »
Dans son rapport publié il y a quelques semaines, l’Ademe apporte son point de vue sur le rétrofit et ses encouragements aux représentants de la filière. À l’issue d’une enquête détaillée, elle conclut que « le rétrofit électrique est une solution convaincante pour les enjeux de qualité de l’air, d’émissions de gaz à effet de serre et d’usage des matières premières. » Par ailleurs, elle précise que « la filière du rétrofit électrique serait pourvoyeuse d’une activité pouvant consolider des emplois non délocalisables en régions. »
Pour accompagner l’aventure française du rétrofit, dont elle concède que « le modèle économique reste à ce jour incertain face à un secteur du véhicule électrique neuf bien structuré et un marché de l’occasion qui se consolide », l’Ademe appelle à modifier d’urgence certains textes réglementaires. Elle suggère par exemple « de clarifier la prise en compte des véhicules rétrofités dans les objectifs de renouvellement des flottes des collectivités et des entreprises. » Elle souligne par ailleurs l’importance de créer une chaîne industrielle du rétrofit « robuste par la mise en réseau des acteurs, et de renforcer les engagements des rétrofiteurs sur la maintenance et l’entretien des véhicules rétrofités après leur mise en circulation. »
Parallèlement aux membres de l’AIRe, militants de la première heure en France, certains constructeurs, à l’image du groupe Renault, annoncent vouloir désormais eux aussi miser sur le rétrofit électrique pour assurer partiellement le renouvellement et le verdissement du parc automobile.
Certaines collectivités aident les professionnels à « rétrofiter »
Dans la foulée de l’arrêté autorisant le rétrofit en France au printemps 2020, le gouvernement a mis en place un dispositif global d’aide à la conversion. L’État prévoit de 2500 à 5000 euros de prime selon le revenu fiscal de référence.
Parallèlement, certaines collectivités valorisent plus spécifiquement le rétrofit de véhicules professionnels. C’est le cas par exemple de la Région Île-de-France. Les TPE et PME locales comptant jusqu’à 50 salariés et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 10 millions d’euros peuvent percevoir 2 500 euros d’allocation par véhicule lorsqu’elles font le choix d’électrifier leurs modèles thermiques mis en circulation depuis au moins 5 ans.
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