Renault 4 (1961-1992) : Une bonne à tout faire géniale, dès 4 000 €
Inspirée de la 2CV, la Renault 4 ne la copie pour autant pas et profite de solutions techniques innovantes. Plus sophistiquée que bien des voitures de sport de son époque, elle conserve une pertinence étonnante et voit sa cote monter…
Chez Citroën et Renault, on s’observe, on s’épie depuis les années 20. Et ça ne s’arrête pas après la Seconde Guerre Mondiale. Même s’il l’a mal commercialisée, le double chevron profite toujours un peu plus du succès grandissant de la 2CV dans les années 50, et ça donne des idées à Billancourt. Pourquoi ne pas produire une auto basique mais pas simpliste, qui corrigerait les défauts de la Citroën, afin de remplacer la 4CV ? Pierre-Louis Dreyfus, patron de la Régie, comprend que l’époque va réclamer une auto extrêmement polyvalente, et valable aussi bien en ville qu’à la campagne. Ses directives sont simples : elle sera aussi robuste et pratique qu’un « Blue-jean », pour reprendre ses mots. C’est aussi précis que le fameux « 4 roues sous un parapluie », de Pierre-Jules Boulanger, qui, à la tête de Citroën, avait ainsi défini la future 2CV. Et c’est ainsi que commence au creux des années 50 le développement du projet 350, qui deviendra la « 4L ». Contrairement à la 4CV, et bien que Fernand Picard, directeur des études de Renault n’y soit guère favorable, ce sera une traction, décision du patron. Elle devra recevoir plusieurs carrosseries différentes, ce qui impose l’emploi d’une plate-forme séparée et non d’une structure monocoque, et offrir un maximum de volume utile.
Les études prendront du temps, car on teste plusieurs mécaniques (dont un bicylindre refroidi par eau), des suspensions variées, des boîtes diverses. La voiture devant se vendre partout dans le monde, les prototypes sont évalués sous toutes les latitudes, Europe, Afrique, Amérique… Finalement, on conserve le bloc de la 4CV, pour des raisons de coût, car tout le reste est nouveau. Suspension entièrement indépendante à barres de torsions (bras superposés à l’avant, bras tirés à l’arrière), direction à crémaillère… autant de solutions dont ne peuvent se targuer bien des autos prestigieuses, recourant à des essieux arrière rigides et des ressorts à lames, éprouvés mais antiques ! Surtout, la R4 inaugure un système qui sera repris par toute la concurrence : le circuit de refroidissement scellé. La version définitive est présentée en septembre 1961… à Francfort ! Peu après, les Français la découvrent au salon de Paris, installé alors au Grand Palais.
Elle est très appréciée même si on la juge laide, et sans le savoir, Renault a inventé la berline 5 portes car elle dispose d’un hayon arrière. Une autre première sur ce type de carrosserie ! Pour un lancement optimal, le constructeur en diffuse 200 exemplaires dans la capitale, pour que les gens puissent l’essayer pendant une quinzaine de minutes. C’est l’opération « Prenez le volant », qui séduira 61 000 personnes. Génial ! Mais les débuts de la 4L ne se font pas sans heurts. Ulcéré, Pierre Bercot, PDG de Citroën, voit dans la Renault une copie améliorée de la 2CV, menace d’un procès et demande même des royalties sur chaque auto vendue.
Après examen approfondi, il s’avère que la 4L n’a strictement rien emprunté à la 2CV et Renault ne paiera pas un centime à Citroën. Plus grave, les rotules de direction cèdent sur quelques autos (pièces non conformes), engendrant des accidents mortels. Le défaut est vite corrigé et la petite de Billancourt entame une carrière fulgurante. Plus que ses moteurs… Initialement, elle est proposée en trois versions. La très dépouillée Renault 3, dotée d’un 603 cm3 de 22,5 ch, la R4, pas plus étoffée mais forte de 747 cm3 et 26,5 ch, et la R4 L, pour Limousine, dotée de 3 glaces latérales et d’un équipement presque décent. C’est elle qui est surnommée rapidement 4L. Les prix s’échelonnent de 4 800 F à 5 390 F (de 7 700 € à 8 700 € actuels selon l’Insee).
En mars 1962 apparaît la R4 Super, au moteur poussé à 32 ch. Extérieurement, elle adopte un hayon à ouverture inversée et vitre escamotable, alors que dans l’habitacle, c’est le luxe : sièges plus épais, banquette rabattable… Puis, la Renault va évoluer tous les ans, dans le détail ou de façon marquée. Ainsi, dès la fin 1962, la R3 disparaît : presque personne n’en veut, seules 2 571 ayant été vendues ! La R4 Super passe à 845 cm3 (mais reste à 32 ch), la gamme adopte une boîte à trois vitesses désormais toutes synchronisées, et, en 1963, la Super disparaît, produite à 33 000 unités.
Elle est remplacée par la R4L Super, dotée du même hayon que les autres modèles et de l’équipement de la version Export. Mais une très élégante Parisienne rejoint la gamme, une 4L Super dotée d’un monogramme latéral en forme de cannage, alors que les pare-chocs jusque-là tubulaires sont désormais à lame.
En 1964, la 4L Super est remplacée par l’Export (moteur 747 cm3) et l’Export Super (moteur 845 cm3). En 1966, un nouveau tableau de bord est installé, et en 1967, la R4 bénéficie d’une nouvelle calandre intégrant les projecteurs, et surtout d’une boîte à 4 vitesses.
En 1968, la Parisienne passe à la trappe, alors qu’est lancée la Plein Air, une version de loisirs, sans toit ni portières, fabriquée par Sinpar. En 1970, les R4 passent en 12 volts et en 1971, un nouveau bloc de 782 cm3 remplace le 747 cm3, issu de la 4CV. En 1974, une calandre en plastique noir est installée.
En 1975, sous le capot, un alternateur remplace la dynamo, alors qu’une rigolote version Safari rejoint la gamme. Ludique, elle se pare de sièges façon transat intégrant des appuie-tête et d’une décoration signalée par de grosses bandes de plastique latérales. Simultanément, l’Export est renommée TL.
En 1978, la R4 monte en gamme avec la déclinaison GTL qui remplace la Safari. Sous le capot, celle-ci adopte un bloc de 1 108 cm3 (34 ch) et dans l’habitacle, c’est Byzance. Sièges de R6, bac de portières, rangements supplémentaires sur le tableau de bord. Et à l’extérieur croissent de part et d’autre de la calandre des protections tubulaires surnommées « cornes de bouc ».
En mai 1981, une série limitée Jogging s’introduit, sur base GTL, dotée d’un toit ouvrant en toile et d’une teinte bleue spécifique, alors qu’en 1982, les R4 adoptent un nouveau tableau de bord, rappelant nettement celui de la R5. Les versions de base et TL passent à 845 cm3 (pour 30 ch). En 1983, la GTL adopte des disques à l’avant. En 1985, nouvelle série spéciale, la Sixties, une GTL à la décoration spécifique et dotée de deux toits ouvrants en verre, alors qu’en 1986, la TL devient TL Savane et la GTL, GTL Clan. La première passe à 956 cm3, tout en adoptant des freins à disques et des jantes de R5 GTL.
La seconde se pare d’une montre digitale, de jantes bitons de R16. En 1989, les R4 adoptent des feux de recul, alors qu’en 1991, une série limitée Carte Jeunes sur base Savane enrichit la gamme. En 1992, c’est la fin ! Pour signaler ce fait, une ultime série limitée, la Bye Bye est créée à partir de la GTL. Plus de 8 millions de 4L auront été produites dans le monde, record qui ne sera battu, sur une française, que par la Peugeot 206.
Combien ça coûte ?
Des 4L, il y en a à tous les prix. À 4 000 €, vous pouvez vous offrir une auto pas parfaite mais en bel état, sans corrosion. Ce sera un modèle courant des années 70 et 80, pas une série limitée donc. À des prix inférieurs, on trouve des voitures saines mais avec des défauts plus importants, donc idéales si par exemple, on souhaite courir le 4L Trophy. Un bel exemplaire des années 60 sera nettement plus cher, comptez 6 000 € pour une 4L 6 glaces, 7 000 € pour une Super, 8 000 € pour une Parisienne… Les séries limitées ou spéciales sont recherchées, donc assez chères : 6 000 € pour une Safari, une Jogging ou une Sixties, 8 000 € minimum pour une rare Bye Bye (1 000 exemplaires). Quant à la Plein Air, elle atteint facilement 15 000 €, tout comme la rarissime R3. Ces cotes sont plutôt en hausse.
Quelle version choisir ?
Pour un usage courant, on optera pour une GTL. Pourquoi ? Parce que son moteur 1100, très souple, la rend plus agréable à conduire alors que son couple plus important lui permet de mieux s’intégrer dans la circulation actuelle. En outre, délivrant sa puissance maxi à 4 000 tr/min seulement, il est très endurant.
Les versions collectors
Déjà, ce seront les séries spéciales ou limitées. Ensuite, les tout premiers exemplaires, surtout la Super à vitre amovible. Enfin, la R3. Cela dit, n’importe quelle 4L en état neuf au kilométrage faible est aussi un collector.
Que surveiller ?
En tout premier lieu : la rouille ! La carrosserie mais aussi, et surtout plate-forme de la 4L y sont extrêmement sensibles. Si elle attaque les attaches de suspension, il faudra la changer, ce qui est un gros travail. Pour le reste, l’examen de la voiture est très classique, et elle n’a pas grand-chose à cacher. Il faudra veiller à ce qu’elle soit totalement conforme à l’origine pour qu’elle ait une vraie valeur. Et c’est rare.
Au volant
On a tellement vu la 4L qu’on ne l’examine plus en détail. Pourtant, si elle ne sera jamais un prix de beauté (doux euphémisme), son design reste intéressant car elle ne ressemble strictement à aucune autre voiture. À bord, l’ambiance est au minimalisme sans aucune recherche esthétique. Mais le volume utile est important, malgré une largeur limitée, et la fonctionnalité excellente. Plus étonnant, la position de conduite s’avère très bien étudiée, malgré le moteur qui empiète sur l’habitacle. Sur cette GTL de 1986, les sièges très simples procurent un confort acceptable. D’emblée, la conduite étonne. En bien ! La direction apparaît douce et précise, le moteur régale par sa souplesse, la commande de boîte au tableau de bord est facile à manier…
Évidemment, avec toute cette tôle nue à bord, l’insonorisation symbolique et les couinements divers, sans oublier une visibilité vers l’avant limitée par le petit pare-brise, on ne se sent pas tellement en sécurité. Mais, sur route, on comprend vite que la 4L offre un comportement très sain, et même un train avant relativement précis. Bien amortie, la suspension, aux capacités de filtration étonnantes, n’empêche pas une prise de roulis impressionnante, et alors ? Cela permet de mieux juger les limites de la voiture, qui s’accroche bien au bitume et se montre insensible aux aspérités. Si elle atteint sans languir les 90 km/h grâce à un moteur gorgé de bonne volonté, elle s’essouffle ensuite, mais sur une bonne lancée autoroutière, on peut tenir un bon 120 compteur, à condition d’avoir des boules Quiès. Enfin, son freinage est tout à fait correct. En réalité, près de 60 ans après son lancement, la R4 surprend encore par la qualité de sa mise au point. Et elle consomme très peu : 6 l/100 km.
L’alternative newtimer*
Renault Twingo 1993-2007
22 ans après la 4L, la Renault Twingo en reprend le concept d’une voiture simple mais pas indigente. Et y ajoute une bonne dose de design ! En ressort une petite auto à la bouille craquante, la fonctionnalité étonnamment aboutie (géniale, la banquette coulissante), et aux qualités routières plus qu’acceptables. Comme en sus, elle est proposée à un prix très doux, elle remporte un grand succès. Ses descendantes n’arriveront d’ailleurs jamais à le reproduire ! Au fil des ans, elle a su évoluer de façon très pertinente, augmentant son équipement, ses performances et sa tenue de route tout en abaissant sa consommation, seul vrai défaut des premiers modèles, dotés du bon vieux moteur 1,2 l « Cléon fonte », évolution de celui monté dans la… 4L ! Dès 800 €.
Renault 4 GTL 1983, la fiche technique
- Moteur : 4 cylindres en ligne, 1 108 cm3
- Alimentation : carburateur
- Suspension : bras superposés, barres de torsion (AV) ; bras tirés, barres de torsion (AR)
- Transmission : boîte 4 manuelle, traction
- Puissance : 34 ch à 4 000 tr/mn
- Couple : 74 Nm à 2 500 tr/mn
- Poids : 720 kg
- Vitesse maxi : 121 km/h (donnée constructeur)
- 1 000 m DA : 41,3 secondes (donnée constructeur)
> Pour trouver des annonces de Renault 4, rendez-vous sur le site de La Centrale.
* Les newtimers sont des véhicules iconiques ou sportifs plus récents que les youngtimers, mais dont la valeur monte. Plus fiables et faciles à utiliser au quotidien, ils doivent leur essor à des caractéristiques techniques souvent disparues, comme de gros moteurs atmosphériques.
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