Quel avenir pour Mitsubishi ?
Fin juillet, Mitsubishi a fait savoir qu'il gelait l'introduction de nouveaux modèles en Europe, sans pour autant parler de retrait. Une annonce ambiguë qui suscite l'incompréhension dans le réseau.
Après Nissan et Renault, Mitsubishi, troisième membre de l'Alliance, a dévoilé fin juillet son plan de relance, qui couvre la période 2020-2022. Son nom peut faire sourire : "Small but beautiful", petit mais beau. Comme pour ses alliés, Mitsubishi va donner la priorité à la rentabilité et non pas à une augmentation des ventes.
La firme aux trois diamants va ainsi réduire la voilure pour baisser ses coûts de production. Elle va concentrer ses efforts sur les segments, les technologies et les marchés sur lesquels elle est le mieux implantée. Côté segments, c'est évidemment les SUV et les pick-up. Pour les technos, il y a la transmission intégrale et l'hybride rechargeable. Enfin en ce qui concerne la zone géographique, ce sera avant tout l'Asie.
Mais la présentation du plan "Small but beautiful" a été accompagnée d'un communiqué de presse très court et pourtant aux conséquences importantes : de manière laconique, Mitsubishi annonce le gel de l'introduction de nouveaux modèles en Europe. La formule est quand même des plus ambiguës. Est-ce une pause le temps de faire le point sur la situation ou un départ qui n'ose pas dire son nom ?
Annonce surprise
Même s'il y avait eu quelques rumeurs, l'info a quand même fait l'effet d'une bombe en Europe. Le réseau s'était plutôt imaginé une rationalisation de l'offre de la marque, comme s'apprête à le faire Nissan sur le Vieux Continent, mais pas à une fin en queue de poisson. Sollicitée, la communication de Mitsubishi en France dit n'avoir aucun commentaire à faire et renvoie vers le Japon. On imagine qu'il n'y a pas de commentaire parce qu'elle n'en sait pas bien plus que ce que contient ce communiqué de quelques lignes et qu'elle a été mise devant le fait accompli.
Nous avons donc poussé la porte d'un point de vente pour essayer d'en savoir plus, dans une concession du Sud Ouest à la situation des plus particulières : le point de vente Mitsubishi est en plein aménagement, avec en bord de route derrière des barrières de chantier la pancarte "ici votre nouveau distributeur Mitsubishi". Les vendeurs nous indiquent qu'ils ont appris la chose en même temps que la presse… et qu'ils n'en savent pas davantage sur l'avenir précis du constructeur.
Ils nous expliquent que pour l'instant, la vente va se poursuivre avec la Space Star, l'Outlander hybride rechargeable et le L200. Les ASX et Eclipse Cross vont rapidement disparaître. En France, ces deux véhicules souffrent notamment d'un fort malus WLTP en étant uniquement proposés en essence. Mais les commerciaux précisent que ces modèles se vendaient quand même plutôt bien grâce à de belles offres.
L'Europe pèse plus lourd que les USA
À ce jour, l'annonce de Mitsubishi n'a pas vraiment inquiété les clients de cette concession. Plusieurs livraisons étaient d'ailleurs prévues au cours de la semaine et aucune annulation ou demande d'un acheteur inquiet n'a été notée. Peut-être que l'annonce bancale, sans mention claire d'un retrait, évite de créer la panique. Les vendeurs évoquent déjà que, quoiqu'il arrive, les termes de la garantie seront honorés et que comme toutes marques, en cas de départ, Mitsubishi devra assurer la fourniture des pièces détachées pendant au moins dix ans. Les actuels distributeurs seront là pour assurer l'entretien.
Mais on sent bien que c'est l'incompréhension qui règne. Certes, Mitsubishi est un petit acteur du marché européen. L'année dernière, il y a écoulé 171 000 véhicules. Dans le monde, la marque a livré 1,23 million de véhicules. L'Europe représente donc environ 1 vente sur 7 de la marque, ce qui n'est pas rien. Fait étonnant : le Vieux Continent pèse plus lourd que les États-Unis, où 121 000 véhicules ont été livrés en 2019. Pourtant, curieusement, l'avenir de Mitsubishi au pays de l'Oncle Sam a bien été garanti avec l'annonce d'une foule de nouveautés.
Et c'est aussi sur ce point que les vendeurs français s'agacent. Des lancements importants étaient annoncés et ils avaient un beau potentiel. En 2021 était attendu un tout nouvel Outlander hybride rechargeable. Or ce modèle est le véhicule plug-in le plus vendu en Europe ! Il a d'ailleurs donné une crédibilité à Mitsubishi sur ce domaine, qui devait profiter à l'Eclipse Cross, dont la version rechargeable était promise chez nous pour fin 2020 !
L200, dernier survivant
Le réseau était en plein développement. En deux ans, le nombre de points de vente est passé de 120 à 150 en France. De plus, début 2019, Mitsubishi a mis en place une nouvelle organisation pour renforcer son implantation européenne ! Et grâce à ses hybrides rechargeables, la marque n'avait rien à craindre de la norme CAFE (avec des amendes pour les constructeurs qui vendent des véhicules trop polluants). Le Vieux Continent est certes réputé pour être un marché trop concurrentiel et trop exigeant, mais il y avait donc de belles perspectives qui semblaient bien coller avec l'idée de "Small but beautiful". Nissan aurait pu être un bon allié sur place pour améliorer la rentabilité du réseau.
Tout semble s'arrêter avec la non venue des nouveautés. Après l'ASX et l'Eclipse Cross, ce sera donc à l'Outlander de disparaître, retraite oblige. Puis la Space Star sera stoppée en 2021 par un passage à une nouvelle norme Euro. Il ne resterait que le L200, vendu en tant qu'utilitaire. Ce pourrait être uniquement avec lui que Mitsubishi garderait un pied en Europe, à la manière d'un Isuzu… avant peut-être de se retirer complément.
Les vendeurs attendent des nouvelles de Mitsubishi France à la rentrée. Dans de nombreux cas, ce sont des distributeurs multimarques qui tentent déjà de se rassurer en pensant à leurs autres labels.
Déposer un commentaire
Alerte de modération
Alerte de modération