Non, l’accident mortel du rallye de Monte-Carlo n’est pas lié à la nouvelle réglementation FIA
Au premier jour de la première épreuve du championnat du monde des rallyes 2017, remporté par Sébastien Ogier sur sa Ford Fiesta, la course a été endeuillée par la mort d’un spectateur. À cette occasion, certains médias n’ont pas hésité à faire le parallèle entre ce drame et la puissance en hausse des autos, permise par le nouveau règlement de la Fédération Internationale de l’automobile. À tort.
Il est 20h30 ce jeudi 19 janvier. La première spéciale du premier rallye de la saison 2017 démarre. Le néo-zélandais Hayden Paddon part en troisième position. Arrivée aux deux tiers du parcours, sa Hyundai I20 glisse sur une plaque de verglas et part en tête à queue à l’entrée d’une courbe. À la limite du tonneau, elle finit par retomber sur ses roues après avoir rebondi sur la paroi d’une falaise. Mais au passage, la voiture a heurté un spectateur, qui décède quelques heures plus tard. Un triste, un dramatique accident qui pousse Paddon et son copilote John Kennard à abandonner.
Évidemment, dans la soirée, et le lendemain matin, tous les médias rapportent l’événement, rien de plus logique. Sauf que l’un des premiers d’entre eux, pas moins que l’AFP, va plus loin. Dans une dépêche, relayée par plusieurs sites abonnés, ici et là, l’Agence ne se contente pas de raconter les faits. Elle rappelle, innocemment, que les autos sont plus performantes cette année grâce à une augmentation de la puissance permise par la nouvelle réglementation. Et le parallèle de se faire de lui-même : et si le drame était lié aux bolides trop puissants ? Bon sang mais c’est bien sûr : on est en train d’assister au retour des Groupes B.
Des dragsters inconduisibles
Petit rappel historique à l’attention des moins de 30 ans. En 1982, la FIA lâche les chevaux et autorise les constructeurs à modifier (presque) comme bon leur semble leurs autos de série pour les faire courir en rallye, à condition de les fabriquer à 200 exemplaires. Résultat : c’est l’inflation. Certains modèles atteignent 600 chevaux pour un poids plume. Les rallyes deviennent ultra-spectaculaires et le public suit. Il s’amasse au bord des routes façon Tour de France, jusqu’aux drames prévisibles, dont les principaux se déroulent en 1986. Cette année-là, au rallye de Portugal, Joaquim Santos sort. Sa Ford RS 200 fonce dans la foule, tue 3 personnes et en blesse plusieurs dizaines d’autres.
Quelques mois plus tard, au Tour de Corse, autre accident. Henri Toivonen et son copilote Sergio Cresto sont à l’attaque. Ils sont en tête de la course et espèrent bien le rester. Mais dans la 18e spéciale, leur Lancia Delta plonge dans un ravin et explose dans les arbres en contrebas. Les deux hommes y laissent la vie et pour les Groupe B, c’en est fini. Elles disparaissent du règlement à la fin de la saison.
Les WRC 2017 ne sont pas des Groupes B
En trente ans, l’hécatombe des groupes B a fini par s’estomper dans les mémoires, avant de ressurgir un jeudi soir dans les lacets de Haute Provence, et entre les lignes d’une dépêche AFP. Mais ce fantôme n’a pas sa place dans le drame du Monte Carlo. Car le nouveau règlement mis en place par la FIA n’a rien à voir avec la permissivité de la même fédé dans les années 80.
Si Jean Todt a décidé de lâcher la bride aux constructeurs, c’est uniquement la bride d’admission. Élargie, elle permet aux autos de gagner 60 ch. Ce qui, au mieux, leur permet de culminer à 380 ou 400 ch. Elles sont plus légères ? Certes, leur poids minimum est de 1 175 kg. Elles ont eu la permission, totalement exceptionnelle, de perdre 25 kg. La belle affaire. On est très loin en tout cas des 890 kg de la Peugeot 205 Turbo 16 de l’époque. En plus, les hausses de puissance de la cuvée 2017 sont assorties de voies élargies et d’une meilleure aérodynamique, histoire de garder les autos sur la route.
Des zones de sécurité pour assister aux spéciales
C’est donc un faux procès que certains tentent d’instruire. Parce que les voitures ne sont plus les dragsters incontrôlables d’il y a trente ans. Et parce qu’aux abords des spéciales, des zones sont aujourd’hui disposées pour permettre aux spectateurs d’y assister. Des commissaires sont spécialement chargés de veiller à ce qu’elles soient respectées.
Bien sûr, tout contrôler n’est pas très aisé. Contenir la foule aux abords d’une spéciale de nuit comme celle de jeudi, longue de 21 km entre Entrevaux et Ubraye, n’est pas simple. Le spectateur espagnol a décidé de sortir de la zone contrôlée, de se placer à l’extérieur du virage, à l’endroit le plus risqué, pour réussir sa photo au péril de sa vie. Et il a échappé à la vigilance de la sécurité. Faut-il pour autant blâmer cette dernière ? Et faut-il une fois de plus incriminer la puissance des voitures de course ? Dans les prochains jours, certains risquent pourtant de remettre en cause la première et la seconde. Pour rien.
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