Nissan tousse, et Renault est gravement malade…
Le Losange enregistre des pertes financières pour la première fois depuis dix ans. Certains, en une conclusion rapide, y voient le manque de réussite de ses modèles. Et si la vérité était ailleurs ? Et si depuis une décennie, Renault vivait principalement des dividendes de la maison Nissan ? Beaucoup de questions, et quelques réponses.
En écoutant certains commentateurs, ce serait de la faute à l’Espace 5 qui se vend mal, et tombe en panne dans sa livrée présidentielle. La faute aussi à la Talisman, sage auto plongée dans une époque où les bonnes vieilles berlines ne se vendent plus qu’en version premium. La faute enfin à la reine Clio qui se fait damer le pion par la princesse Peugeot 208. Autant de raisons qui justifieraient la perte subie par Renault au cours de son exercice 2019.
Il ne s’agit pas d’une simple peccadille, mais de 140 millions d’euros sonnants et trébuchants. Du jamais vu depuis 2010, période où les relents de la crise financière avaient plongé l’industrie mondiale en général, et automobile en particulier, dans un marasme jamais vu depuis 1929. Autant dire que l’affaire est plutôt sérieuse. Et elle est sérieusement prise en compte par la direction du Losange qui n’évacue pas, comme elle a pu le faire déjà, des suppressions de postes, ni même la fermeture d’une usine française, Flins en l’occurrence.
Des bides même retentissants n'expliquent pas les pertes…
Du coup, tout le monde accuse le coup et se demande qui a pu faire le coup : la Clio 5, l’Espace 5 ou la Talisman 1. Si la citadine polyvalente s’est fait doubler au mois de janvier par son ennemie 208, rien ne dit qu’elle ne finira pas l’année en faisant la course en tête en France et même en Europe.
Quant à l’Espace et la Talisman, Renault a essuyé quelques bides retentissants qui, de la Vel Satis à l’Avantime, en passant par la BeBop et la Wind, ne l’ont jamais fait plonger dans les abysses des pertes financières. La vérité est donc à chercher ailleurs que dans des produits à la carrière chaotique.
... la récession chinoise non plus
En Chine par exemple ? Il est clair que la période est compliquée pour toutes les marques qui comptent réaliser le plus gros de leur objectif dans l’Empire du milieu. Les ventes s’y sont effondrées de 7,5 % en 2019, après avoir déjà chuté de 6 % en 2018. Un sale coup pour les principaux groupes mondiaux, mais pas pour Renault. Le Losange est le dernier a s’être jeté dans la bataille chinoise, en 2016. Son activité y est balbutiante et s’est heurtée, au bout d’un an et demi de présence seulement, à la récession du marché auto là-bas. Une récession sans grande conséquence pour lui, peu développé dans le pays. La cause chinoise n’est donc pas suffisante pour expliquer les pertes de Renault.
Et si, plutôt que de se trouver en Chine, la raison de cette mauvaise passe se nichait au Japon ? Chez Nissan précisément. Le Japonais a enregistré son pire exercice depuis 10 ans en 2018-2019, avec un recul du bénéfice de 57 %. Un record de baisse jamais vu depuis une décennie ? Voilà qui ressemble fort à la contre-performance de Renault. Et pour cause : le losange détient 43 % des actions du constructeur japonais grâce au jeu mis en place par Carlos Ghosn pour l’Alliance.
Du coup, quand Nissan tousse, Renault est gravement malade et les dividendes sont aux abonnés absents. Et pas question de se refaire la dragée cette année : la direction du Japonais prévoit une nouvelle perte de bénéfice de 26 %, et prévient ses actionnaires qu’elle ne versera pas plus de dividendes cette année que l’an passé.
La faute à une stratégie plus financière qu'industrielle
Ce constat, et les dégâts sociaux qu’il risque d’engendrer, démontre une fois de plus les risques de tout miser sur les profits financiers, qui consistent à une très grande partie subsides des dividendes d’une autre entreprise. Renault n’est pas un trader qui joue en Bourse, mais une entreprise industrielle dont les ressources doivent avant tout provenir de la vente de voitures. A l’oublier, comme le système Ghosn l’a fait durant des années, l’on risque de déchanter.
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