Macron a-t-il désormais peur des conducteurs ?
À quelques mois de l'élection présidentielle, Emmanuel Macron semble vouloir ménager les usagers de la route.
Une marche arrière express. Mercredi, le décret instaurant le contrôle technique pour les deux-roues et quadricycles à moteur a été publié au Journal Officiel. Jeudi après-midi, le ministère des Transports annonçait que la mesure était suspendue "jusqu'à nouvel ordre". Et le ministère n'a pas hésité à dire que c'était une demande personnelle d'Emmanuel Macron.
Le président de la République aurait découvert la mesure et l'aurait aussitôt mise de côté car "ce n'était pas le moment d'embêter les Français". Du moins les embêter davantage, car comme le soulignait un conseiller de l'exécutif auprès de l'AFP, "avec la crise sanitaire, le passe, on leur demande déjà beaucoup".
Le contraste face aux contestations peut d'ailleurs en étonner certains. En 24 heures, le chef de l'État gèle la mise en place du contrôle-technique pour les motards, tandis qu'il reste imperturbable face aux mobilisations contre le pass sanitaire. Mais l'enjeu n'est pas le même, sur le plan sanitaire bien évidemment, mais aussi sur le plan politique.
Éviter la convergence des luttes
En mettant de côté cette mesure, le président veut sûrement éviter de faire grossir les manifestations. Et ils sont nombreux à rouler en deux-roues en France, plus de trois millions. De plus, les motards savent se mobiliser, ils l'ont d'ailleurs fait au printemps, même si leurs mobilisations ont moins d'impact médiatique. Mais pour l'exécutif, mieux vaut éviter une convergence des luttes d'ici septembre.
Avec cette décision, impossible aussi de ne pas penser à l'élection présidentielle de 2022. La campagne va vraiment commencer à la rentrée avec la désignation des principaux adversaires d'Emmanuel Macron. Bien que le président s'en défende, promettant d'être réformateur jusqu'au bout, on imagine bien que des choix seront faits en fonction de leur influence sur les urnes en avril prochain.
On se dit aussi que si le locataire de l'Élysée ne cherche pas à donner entière satisfaction aux anti-pass, c'est parce que ce sont des électeurs déjà perdus. Ce qui n'est pas le cas de tous les motards. De plus, le décret englobait les voitures sans permis, toujours épargnées par le contrôle technique. Et c'est un type de voiture souvent utilisé par les personnes âgées, un électorat important que Macron a bousculé avec la question des retraites.
Surtout, de manière bien plus générale, le président a déjà bien échaudé les conducteurs ! Il a pris conscience que l'usage de la voiture, notamment son budget, est un sujet sensible dans le pays. Preuve royale : l'une des contestations les plus marquantes de ces dernières années, celle des gilets jaunes, a pris naissance avec une envolée des prix à la pompe et le projet d'une nouvelle hausse des taxes sur les carburants. Emmanuel Macron ne peut l'oublier. D'autant qu'à cela s'ajoutait la mise en place de la limitation à 80 km/h sur les départementales.
Les prix des carburants s'envolent à nouveau
Des mesures qui ont pesé sur la cote de popularité de Macron, alors qu'il n'y était pas directement lié. La hausse des taxes sur les carburants avait été décidée avant son arrivée au pouvoir (mais il n'a pas cherché à la geler) et les 80 km/h ont été pensés et défendus par son Premier Ministre Édouard Philippe. En off, Macron aurait qualifié de "connerie" cette mesure, qu'il a un peu assouplie via la loi mobilités… sans pour autant faire une marche arrière totale sur ce sujet.
Peut-être parce que les conducteurs ont fini par s'y faire. Mais s'en prendre à nouveau à eux, avec ce contrôle-technique, pouvait être la goutte de trop, et remettre en lumière le passif de Macron sur la vie des automobilistes et motards. D'ailleurs, selon une source du Parisien, "l’idée sur la voiture, au vu de la sensibilité du sujet, était de prendre des mesures impopulaires en début de quinquennat, avant de laisser les conducteurs tranquilles…".
L'exécutif s'enlève donc, du moins momentanément un problème. Il a toutefois déjà des épines dans le pied en matière d'automobiles, avec par exemple l'arrivée en 2022 du malus sur le poids des voitures, qui s'ajoutera à un malus CO2 durci… et une nouvelle baisse des bonus écologiques. Mais une menace plus inquiétante plane, qui rappelle déjà de mauvais souvenirs à la majorité. La reprise économique a relancé les cours du pétrole, avec en conséquence une forte hausse des prix des carburants, qui atteignent des niveaux records. Autre bombe à retardement, l'obligation des pneus hiver dans une bonne moitié du pays dès novembre. Autant de sujets inflammables et qui pourraient remobiliser les gilets jaunes.
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