Les tours de passe-passe des constructeurs pour vous vendre des voitures
Aux grands maux, les grands remèdes. Pour faire face à un marché en berne les constructeurs automobiles font feu de tout bois pour écouler leurs véhicules, qu’ils soient thermiques ou électriques.
Les constructeurs automobiles sont groggy. Après le sérieux coup de chaud du mois d’août (-24,3 % des ventes) le marché automobile français plonge en récession pour la première fois de l’année. Sur les huit premiers mois de 2024, les ventes de véhicules neufs affichent un recul de 0,5 %. Si les modèles électriques marquent le pas (15 % des voitures neuves en août 2024 contre 17 % un an plus tôt), c’est bien l’ensemble des motorisations qui sont touchées. Pour écouler leurs modèles les constructeurs sont prêts à toutes les largesses.
Déstockage d'occasions zéro kilomètre (ou presque), LLD, prêt à 0 %, extension de garantie… Le champ des possibles est aussi vaste que l’imagination des constructeurs, qui loin d’être des entreprises philanthropiques cherchent les bons arguments pour vendre leurs engins.
L'occase déstockage
1 km, 10 km, 20 km… Sur le marché de l’occasion les modèles à très très faible kilométrage fleurissent comme narcisses au printemps. A priori, ça fleure la bonne affaire à plein nez. Pressés de se débarrasser des véhicules dormants (les fameux stocks) qui leur coûtent de l’argent, les concessionnaires n’hésitent pas à brader leurs véhicules neufs sur le marché de l’occasion. Comment ? Tout simplement en les immatriculant (par exemple lors de l’arrivée du nouveau millésime) pour pouvoir les écouler à vil prix. Sur internet il est ainsi possible de trouver une Renault Captur II 1.0 TCE 90 Techno 2023 avec 10 km au compteur à 19 900 € (25 800 € prix catalogue) ou bien encore une Peugeot E-208 II 50 kWh136 Active pack (année 2023). Kilométrage : 1 km. Prix : 20 490 €. De « très bonne affaire » comme l’affichent certains sites d’annonces.
Ça vaut le coup ?
En général les modèles concernés sont ceux boudés par le public. On y retrouve donc les motorisations Puretech de Peugeot et une flopée de voitures électriques européennes, américaines et asiatiques. Mais pas uniquement. Il y a des « modèles qui ne répondent pas à la nouvelle réglementation GSR2 et l’obligation de nouveaux équipements de sécurité » affirme Marie-Laure Nivot, responsable « Intelligence marchés » chez AAA-Data.
L'effet LLD
D’après une analyse de Sesamlld « la croissance de la Location Longue Durée (LLD) est supérieure au reste du marché automobile. » Avec 600 242 véhicules immatriculés en 2023, la LLD représente 29,1 % du total des immatriculations. Bien aidée en 2024 par le leasing électrique (50 000 dossiers), la LLD a retrouvé un regain de popularité. Ce système permet l'accès à un véhicule neuf pour une mensualité fixe pendant toute la durée du contrat. De quoi rassurer les clients qui ne souhaitent ou ne peuvent débourser plusieurs dizaines de milliers d’euros d'un coup pour acquérir un moyen de mobilité.
La LLD concerne également le marché de l’occasion. Jusqu’au 31 décembre, Volkswagen propose un leasing VO de 24 mois (20 000 km) à 189 € (3 000 € d’apport) pour ses ID.3 d'occasion. L'offre concerne les ID.3 First Plus 58 kWh, immatriculées en moyenne depuis 2021, avec 30 000 km au compteur, et reconditionnées à l'état neuf. Celui-ci inclut l'entretien Volkswagen, un véhicule de remplacement, et est disponible dans le réseau Volkswagen Occasions Garanties. À la fin du contrat, le véhicule est obligatoirement repris par Volkswagen.
Ça vaut le coup ?
Cela permet au constructeur de communiquer sur des mensualités abordables et de proposer en même temps des services à forte marge (entretien, assurances…) très rémunérateurs. Et cerise sur le capot, le constructeur conserve ainsi la propriété de la voiture tout au long de son (ses) cycle(s) de vie. Libre à lui de la remettre sur le marché de la location autant de fois qu’il le veut, ou de la vendre.
Le prêt à taux zéro
L’expérimentation de prêt à taux zéro mobilité (PTZ-m) pour l'achat d'un véhicule électrique ou hybride proposé par le gouvernement français en 2023 a fait école auprès des constructeurs automobiles. À commencer par Tesla. Le constructeur américain va proposer pour son modèle Y une offre LOA à 299 euros par mois ou en vente direct assortit d’un crédit à taux zéro. Ce, pour une durée maximale de 48 mois et pour toute commande et livraison avant le 30 septembre 2024. Nissan lui emboîte le pas avec une proposition d’achat de n’importe quel modèle de sa gamme financé avec un crédit 0 %. Pour en bénéficier il convient d’apporter 40 % de la valeur du véhicule. Soit à partir de 13 880 pour un Qashqai.
Ça vaut le coup ?
L'argument du prêt gratuit ! Au moment où les taux sont élevés cela apparaît comme une opportunité pour le client de s’acheter un véhicule neuf en payant le prix catalogue (puisque sans intérêt) avec un « minimum » d’apport. En revanche, cela coûte cher au constructeur et à son organisme financier qui prend en charge le coût de l’argent. Ce qui explique que ces offres restent restreintes dans le temps, mais aussi dans le cas Tesla circonscrit à un seul modèle.
L’extension de garantie
Plus c’est long plus c’est bon pour la confiance. Les constructeurs ont bien compris qu’étendre la garantie de leurs véhicules était un excellent moyen de fidéliser le client. Peugeot vient ainsi de proposer Peugeot Allure Care. Une garantie de 8 ans et 160 000 km sur ces modèles particuliers électriques. Cette garantie couvre les batteries, le chargeur, la transmission et les principaux composants électriques et mécaniques de la voiture. Mais l'achat d'un modèle électrique n'est pas une condition suffisante pour en bénéficier. La garantie s’active automatiquement et gratuitement pour deux ans ou 25 000 km après chaque entretien dans le réseau Peugeot.
Nissan propose la même étendue de garantie avec Privilège, mais seul le groupe motopropulseur (moteur-boite-pont) est couvert. Les formules Toyota Relax (10 ans ou 160 000 km) et Dacia Zen (7 ans ou 150 000 km) permettent quant à elles de prolonger la garantie de la voiture d’une année après chaque révision. Si le programme d'entretien respecte les préconisations constructeurs. De quoi disposer d'une clientèle captive.
Ça vaut le coup ?
Argument marketing ou réel service ? Si l’extension de garantie peut apparaître comme une source de tranquillité, il convient de cerner ce que cela englobe réellement. C’est en revanche une manière pour les réseaux constructeurs de conserver une clientèle captive qui garde de plus en plus longtemps sa voiture (la moyenne d’âge du parc national approche les 11 ans).
Avantage aux acquéreurs
Les constructeurs devraient dans les prochains mois continuer leur politique incitative. Pourquoi ? À cause du mur qu'ils voient se rapprocher à toute allure. Celui des nouvelles normes CAFE et le risque d'amendes européennes salées (15 milliards selon l'ACEA) infligées sur sa propre industrie automobile. Celui un peu plus lointain de la fin du thermique en 2035 dont plusieurs membres de l'UE comme l'Italie ou l'Allemagne réclame le report. Ou encore celui d'un marché du neuf en récession, dont le rebond espéré risque de ne pas dépasser le ras de la chaussée. Les capacités de production dépassent la demande. Cette grisaille, joue paradoxalement en faveur du consommateur. Le prochain mondial de l'auto de Paris (15-20 octobre) devrait apporter son lot de nouveautés, mais aussi de rabais, de promos et d'offres en tout genre. Dans son incessant mouvement de balancier, la loi du marché, hier favorable aux vendeurs l'est aujourd'hui aux acquéreurs. Encore faut-il qu'ils achètent.
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