Les moteurs secrets de la Citroën DS
Superbement dessinée et nantie d’une technologie absolument inouïe lors de son lancement en 1955, la Citroën DS a toutefois toujours manqué d’un moteur à la hauteur de ses ambitions. Et pourtant, Citroën n’a pas ménagé ses efforts en ce domaine.
Salon de Paris 1955. La « bombe Citroën » comme l’appelle la presse explose : la DS est révélée, qui ringardise instantanément toute la production mondiale tant est immense son avance technologique. Suspension hydropneumatique, direction et changement de rapports assistés, freins à disques (inédits en grande série), carrosserie très aérodynamique… Seulement, le moteur n’est pas à la mesure de ces avancées. En effet, il s’agit du bloc culbuté de la 11 CV, un brave 1 911 cm3 développant 75 ch SAE… Conçu par Maurice Sainturat pour une sortie en 1934, il a été revu par Walter Becchia qui a fait ce qu’il a pu pour cacher son âge déjà avancé (21 ans…).
Et pourtant, Becchia avait bien longuement planché sur un flat-six, qui devait être installé en porte-à-faux avant dans la grande Citroën. En 1953, un an après l’avoir évoqué, le magazine L’Auto-journal a révélé les arcanes de ce moteur, dont la cylindrée atteignait environ 1,8 l et la puissance 70 ch. Malheureusement, André Lefèvre, directeur des études de la DS, n’a guère d’intérêt pour le moteur en général, qu’il qualifie de « tournebroche ».
De sorte que l’étude du flat-six ne reçoit pas un financement suffisant pour atteindre son terme dans les temps. Affublé d'un mauvais rendement et de soucis de refroidissement difficiles à résoudre, ce moteur est finalement mis de côté, au profit du vieux 4-cylindres à arbre à cames latéral de la Traction, certes amélioré.
Chez Citroën, on est conscient du problème dès le début, et on mettra les bouchées doubles pour sans cesse augmenter la puissance de ce bloc. Il sera même très largement repensé pour la rentrée 1965, passant à 1984 cm3 dans la DS20 et 2175 cm3 dans la DS21, qui pointe déjà à 175 km/h. Belle allure alors !
Cela dit, ce n’est rien face à ce qui se développe au bureau d’études. Becchia fourmille d’idées. Et imagine un V4 deux-temps à compresseur ! Il crée aussi un V8 à partir de deux blocs Sainturat. Et il demande à son assistant Pierre-Louis Cordier de concevoir un V6 à deux simples arbres à cames en tête, dont les culasses inspireront celles de la GS. Mais les finances manquent cruellement pour finaliser ces moteurs.
C’est pourtant à cette époque que le constructeur pense à une version carrément sportive de la DS, la DS Sport. On élabore une variante à carrosserie découvrable raccourcie, le prototype S en 1964, qui évolue en 1965. On lui greffe de curieux projecteurs centraux et surtout, Becchia installe une culasse à 2 arbres à cames en tête sur son moteur. Alimenté par deux carburateurs Weber, ce 2,0 l atteint 130 ch SAE, propulsant le proto à plus de 190 km/h !
Le développement continue en 1966, l’auto devenant un coupé encore raccourci, puis en 1967, ou le double-arbre passe à 143 ch SAE. Cette DS raccourcie à moteur performant sera revêtue d’une carrosserie de Panhard 24 rallongée, pour des essais discrets.
Et fort concluants ! Cependant, le projet de DS sportive prend alors une autre direction, qui aboutira à la fantastique SM dotée d’un V6 Maserati. Tout comme le flat-six initialement prévu, le prometteur double-arbre finira dans les oubliettes de Citroën. C’est fort dommage, mais n’oublions pas que le double chevron a tout de même greffé une belle injection électronique sur le 2 175 cm3, développant 125 ch DIN dans la DS 21 ie. Pas si mal !
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