Les Français vont-ils se révolter contre les ZFE ?
Alors qu’on se rapproche du moment où les automobilistes français seront automatiquement verbalisés en circulant dans une ZFE au volant d’un véhicule trop ancien, la perspective d’un emballement social du même genre que celui des gilets jaunes paraît crédible.
Traditionnellement à la pointe des mesures de restriction de la circulation pour les véhicules polluants, la ville de Paris vient finalement d’octroyer un sursis aux autos arborant une vignette Crit’Air 3 (moteurs diesel d'avant 2011 et essence d'avant 2006) jusqu’en 2024, alors que ces engins devaient être interdits de circulation à partir du 1er juillet 2022. Même si la préfecture de Police reporte 1380 amendes dressées depuis 2021 pour des faits de non-respect des restrictions de circulation (sur des véhicules Crit’Air 4, 5 et sans vignette), la capitale préférerait ainsi jouer la clémence et laisser le temps à ses administrés de se préparer. Mais dans toutes les autres grandes villes de France, les ZFE (zones à faibles émissions) se mettent aussi en place. A Marseille et Lyon, il est désormais interdit d’y circuler avec un véhicule non classé ou Crit’Air 5. Dès le 1er septembre 2023, les Marseillais et les Lyonnais n’auront plus le droit de circuler non plus dans leurs ZFE avec des autos Crit’Air 4, comme à Paris ou à Rouen. Ces ZFE vont également se mettre en place à Bordeaux et Toulouse et d’après loi, toutes les villes de plus de 150 000 habitants devront avoir défini une ZFE avant le 1er janvier 2025.
Un nouveau décret publié ce 23 décembre prévoit bien une exonération de ces ZFE pour les villes de plus de 150 000 habitants, à la seule condition qu’il soit démontré que « les concentrations moyennes annuelles en dioxyde d'azote (NO2) sont inférieures ou égales à 10 g/m3 ». Ce niveau correspond au seuil fixé par l’OMS et serait plus exigeant que les valeurs limites européennes actuelles, signifiant que seules quelques agglomérations pourraient effectivement en bénéficier en 2025. Dans la très grande majorité des villes françaises donc, les interdictions demeureront pour les Crit’Air 5, 4 et même 3 d’ici là selon le calendrier prévu. Ajoutons à cela que les dispositifs de verbalisation automatique doivent arriver d’ici l’année 2024 dans les villes et vous obtenez sur le papier une véritable bombe sociale, bien plus dangereuse encore que celle ayant attisé le mouvement des gilets jaunes en 2018.
L’interdiction de circulation dans les ZFE, le prochain problème social ?
Comme le rappellent les journalistes du Monde, « 38% des ménages les plus pauvres roulent dans des véhicules Crit’Air 4 ou 5 ». Par ailleurs en 2021, 24% du parc automobile était constitué de véhicules Crit’Air 3, 8% de modèles de la vignette Crit’Air 4 et 6% de la vignette Crit’Air 5. Ces proportions pourraient logiquement baisser d’ici 2025 mais l’établissement des ZFE posera des problèmes à de nombreux ménages français qui se retrouveront subitement interdits d’utiliser leurs autos et verbalisés de manière automatique. Sans oublier que les restrictions doivent continuer à se durcir : la catégorie Crit’Air 2 rassemblant tous les diesels mêmes neufs devait initialement être interdite en 2024 à Paris. Même la catégorie Crit’Air 1 des voitures neuves à essence, qui seront encore commercialisées jusqu’à la fin de la décennie actuelle, doit théoriquement être interdite de circulation en 2030 ce qui ne permettrait plus qu’aux voitures électriques ou à hydrogène de rouler passé cette date !
« Tous les maires vous disent que les ZFE sont potentiellement en germe un sujet d’explosion sociale et de retour des gilets jaunes », reconnaît dans Le Monde le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires Christophe Béchu. Voilà pourquoi ce calendrier théorique des restrictions de circulation liées au numéro de vignette dans les ZFE risque de s’étaler sur plus longtemps que prévu. Et qu’il faudra des mesures fortes pour aider les ménages les moins aisés à s’équiper de véhicules compatibles avec ces futures restrictions, sachant que le prix des véhicules (et a fortiori celui des modèles à zéro émission) ne cesse de grimper. Toujours d’après nos confrères du Monde, les conditions pour arriver à une France à deux vitesses, avec de grands centres-villes riches (rompus aux nouvelles mobilités et interdits aux voitures dotées d’un moteur thermique) et des banlieues bien moins agréables à vivre, pourraient être amplifiées par la mise en place des ZFE. Bref, le gouvernement et les collectivités risquent de s’arracher les cheveux ces prochaines années pour arriver à concilier l’amélioration de l’air urbain et le respect de toutes les bourses.
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