Lancia Thema Turbo ie (1984-1994) : la grande italienne reine des premiums, dès 3 000 €
Succédant à la très discutable Gamma, la Thema a su en corriger les défauts et garder les qualités pour s’imposer comme une grande routière de référence. Une auto performante et sympa à redécouvrir d’urgence.
C’est peu de dire que la Lancia Gamma a causé des tracas à ses propriétaires. Conçu trop vite, son moteur cassait comme du verre sur les premiers modèles, ce qui a ruiné sa carrière. Et sa ligne bossue ne l’a pas non plus aidée. Dommage, car ses performances, son confort et ses trains roulants étaient excellents. Au moment de la remplacer, on a beaucoup réfléchi dans le Groupe Fiat, propriétaire de Lancia. Pas question de reproduire les mêmes erreurs. La Gamma était totalement spécifique ? Sa remplaçante partagera ses composants avec trois autres modèles. La Gamma manquait de fiabilité mécanique ? On prendra des moteurs éprouvés. La Gamma a déconcerté la clientèle par sa carrosserie bicorps ? On la remplacera par une tricorps classique. La Gamma disposait d’excellents trains roulants ? On les récupérera en partie.
Afin de réduire le prix de revient, le géant italien décide non seulement de concevoir une base qui servira à deux autos produites dans ses usines, les Fiat Croma et Lancia Thema, mais en plus de créer une joint-venture avec Saab, qui a besoin d’épauler sa vieillissante 900. En sus, le gouvernement italien, qui a vent du projet, fait pression pour que la marque qu’il possède, Alfa Romeo, en bénéficie. C’est ainsi que se met en place le projet Tipo 4, qui engendrera 4 autos. Les études de plate-forme débutent en 1978, mais rapidement, les opinions divergent. Chez Saab, on veut une sécurité passive maximale, au détriment du poids, alors que chez Fiat/Lancia, on souhaite optimiser le rendement, donc alléger la voiture, quitte à n’assurer qu’une sécurité convenable en cas de choc. Saab cherche en effet à séduire les USA, marché qui n’intéresse pas les Italiens.
Ces derniers accordent cela dit plus d’importance que les Scandinaves aux liaisons au sol. Les Croma/Thema auront droit à la suspension arrière McPherson de la Gamma, pratiquement une multibras, quand Saab se contentera d’un essieu rigide. Sous le capot, les autos du groupe Fiat bénéficient exclusivement de motorisations éprouvées. En essence, outre le discutable V6 PRV (réservé à la Lancia), on retrouve le 4-cylindres double arbre Lampredi en 2,0 l, atmosphérique ou turbocompressé. En diesel, c’est le 2,4 l Sofim utilisé par les 131/132 depuis 1978 qui est à l’œuvre. Agrémenté d’un turbo, il fait de la Thema la berline au gasoil la plus rapide de son temps !
Par ailleurs, voulue plus haut de gamme que la Croma, la Thema a droit à des spécificités. Par exemple, son 2,0 l turbo se dote d’arbres contrarotatifs pour adoucir son fonctionnement, d’un overboost qui pousse le couple à 284 Nm en accélération, et développe 165 ch, contre 155 ch dans la Fiat.
Quand elle sort en novembre 1984, quelques mois après la Saab 9000, la Thema séduit par sa modernité classique, son aspect rassurant et son élégance. Ses portières et son pare-brise, presque identiques à ceux de la Saab, trahissent le fait qu’elles découlent du même projet, sans oublier qu’elles ont toutes deux été dessinées par Giugiaro, responsable aussi de la ligne de la Fiat Croma, qui sortira un an plus tard. Le designer italien réussit tout de même à donner à chacune une identité propre.
Joliment présentée, sérieusement finie et rigoureusement conçue, la Thema entame sa carrière avec un succès d’autant plus méritoire qu’elle ne bénéficie que de très peu de réserve de clientèle, la Gamma ayant été un échec. À 134 800 F, soit 39 500 € actuels, la Turbo ie est bien placée face à la R25 V6 (144 ch, 141 200 F), l’Audi 100 CD (136 ch, 140 500 F), la Citroën CX GTI Turbo (168 ch, 149 000 F) voire la Saab 9000 Turbo 16 (175 ch, 183 000 F). Son équipement est riche puisqu’il comprend les 4 vitres électriques, ou encore le chauffage à contrôle automatique, l’ABS étant proposé en option. À noter qu’elle ne pèse que 1 150 kg, contre 1 340 kg pour la Saab, ce qui la rend plus vive.
En 1986, la Lancia renforce son attrait en se déclinant en un très esthétique break Station-Wagon, dessiné et fabriqué par Pininfarina.
La Thema doit cela dit attendre le salon de Paris 1988 pour évoluer, de façon très pertinente. À l’extérieur, les clignotants s’installent sous les projecteurs, derrière une partie fumée, ce qui affine la face avant, les jantes passent à 15 pouces, tandis que l’habitacle se voit égayé par des parements en bois. Sous le capot, le 2,0 l turbo gagne une culasse à 16 soupapes qui porte la cavalerie à 185 ch, comme dans la Delta Integrale. La Thema Turbo 16 devient aussi performante que la prestigieuse 8.32 à V8 Ferrari, lancée en 1986, et, comme elle, reçoit l’ABS de série ainsi que des amortisseurs pilotés Boge, couplés à un correcteur d’assiette dès 1990. Une direction à assistance variable Servotronic est disponible en option.
Son succès ne se démentant pas, elle évolue encore au salon de Paris 1992 : boucliers redessinés, adoption du catalyseur et nouvelle gestion moteur. La Turbo 16 grimpe ainsi à 205 ch, et se décline en deux finitions : la LS, incluant l’ABS et la clim notamment, et la LX, ajoutant un superbe intérieur garni de cuir jusqu’au tableau de bord qui récupère les cadrans circulaires ainsi que la façade en bois de la 8.32.
La Thema tire sa révérence en 1994, remplacée par la Kappa. 357 572 exemplaires ont été produits, chiffre que les grandes Lancia n’atteindront plus jamais…
Combien ça coûte ?
Pour l’instant, seule la Thema 8.32 a vu sa cote croître significativement à cause de son V8 Ferrari. Les Turbo essence demeurent très abordables. Une 165 ch convenable se déniche dès 3 000 €, contre 4 000 € pour une Turbo 16 185 ch et 5 000 € pour une Turbo 16 205 ch. Ces prix concernent souvent des autos dépassant 180 000 km, ce qui n’est pas forcément un problème. Si vous dénichez une Thema de 100 000 km, ajoutez au moins 2 500 €. Les breaks, quoique plus rares, ne coûtent pas plus cher.
Quelle version choisir ?
Toutes sont bonnes, mais la plus homogène reste la 185 ch, réalisant un beau compromis entre performances et esthétique. La 204 ch en finition LX vaut également le détour pour son luxe.
Les versions collector
Toute Thema Turbo en parfait état et totalisant moins de 100 000 km sera un collector. Mais si vous tombez sur une Turbo 16 LX SW, rarissime car hors de prix quand elle était neuve (301 300 F en 1993, soit 66 000 € actuels), sachez que vous aurez devant vous une sorte de licorne italienne…
Que surveiller ?
Bien fabriquée, la Thema ne souffre d’aucune tare profonde. En revanche, elle exige un entretien rigoureux (aisé à effectuer) et un usage respectueux pour demeurer fiable. Vidanges rapprochées impératives, et courroie de distribution à changer avant 60 000 km. Le moteur turbo 16 ne pâtit pas des faiblesses de bielles rencontrées dans la Delta Integrale. Pourquoi ? Parce qu’en cas d’accélération trop forte, les roues de la Thema jouent le rôle de fusible et patinent quand celles de la Delta passent la puissance au sol (transmission intégrale oblige) en imposant de fortes contraintes à l’équipage mobile.
Âgée, la Thema peut sévèrement pâtir de la corrosion, ce qui vaut pour toutes ses rivales mais mérite une bonne inspection. La peinture des premiers modèles était également d’une qualité insuffisante, inférieure à celle de la Croma, Lancia ayant voulu garder ses fournisseurs attitrés et… dépassés. Les faux contacts sont monnaie courante sur ces autos (cela arrivait même quand elles étaient neuves), les accessoires électriques fragiles, tandis que la sellerie en Alcantara des phases 1 et 2 s’use rapidement sur le bourrelet gauche du siège conducteur. Les amortisseurs pilotés ne durent pas éternellement, et sont très difficiles à trouver. En revanche, les plastiques vieillissent plutôt bien, et, respectée, une Thema passe les 250 000 km sans ennui majeur tout en conservant un bel aspect.
Au volant
J’ai pu prendre les commandes d’une Thema Turbo ie de 1987 (165 ch). Son look très typé années 80 ajoute à son charme, tandis qu’à l’intérieur, l’habitabilité surprend. On est plutôt bien installé dans les sièges amples et confortables, mais le volant, réglable en hauteur comme le fauteuil, est trop incliné en avant. On s’y fait. Devant soi, on découvre une instrumentation hyper complète, à l’italienne quoi.
Le moteur, silencieux, se montre doux et souple, mais il donne le meilleur à partir de 3 000 tr/mn. Là, il dévoile une vitalité et un punch des plus jouissifs : quel tempérament, ce Lampredi ! Pour autant, le turbo demeure progressif dans sa mise en action, son adaptation étant remarquablement soignée. La commande de boîte, fluide, ajoute à l’agrément de conduite, tout comme la suspension. Certes, elle trépide un peu à basse vitesse, mais absorbe ensuite efficacement les aspérités tout en contenant adroitement les mouvements de caisse. La Lancia profite d’un comportement routier fort sain et dynamique, complété d’une direction précise et communicative, tandis que la motricité n’est prise en défaut (parfois de façon spectaculaire) que quand on maltraite l’auto. Le freinage se révèle un peu mou, mais dans l’ensemble, cette Thema Turbo ie surprend par son homogénéité et le plaisir qu’elle distille. Mieux, en conduite paisible, elle se contente de 8 l/100 km, chiffre qui, suralimentation oblige, gonfle sérieusement si on a le pied gauche trop lourd.
L’alternative newtimer*
Lancia Thesis (2001-2009)
Issue d’une mauvaise appréciation du marché, la Thesis est un superbe échec commercial. Ce qui l’a plantée ? Sa ligne ouvertement rétro, censée plaire aux séniors selon Lancia. Or ceux-ci adorent la modernité… Pourtant, d’un point de vue technologique, la Thesis en met plein la vue, notamment avec ses trains roulants très raffinés. Elle profite aussi d’un habitacle superbe, doté d’une finition exceptionnelle, propre à faire rougir les dirigeants de Mercedes. Sous le capot, que du bon : des 5-cylindres performants, atmo et turbo, essence et diesel, sans oublier le fabuleux V6 Alfa Romeo, en 3,0 l puis 3,2 l.
Confortable, raffinée, silencieuse, cette italienne procure un grand plaisir à ses passagers mais a agacé ses premiers propriétaires par des pépins électroniques. Chère, très chère même, elle n’a pourtant pas été rentable, n’ayant partagé aucun élément de plate-forme. Produite à 15 941 unités, elle se pose en pur collector, surtout animée par les blocs Alfa. Dès 3 000 €.
Lancia Thema Turbo ie (1985), la fiche technique
- Moteur : 4 cylindres en ligne, 1 995 cm3
- Alimentation : injection, turbo
- Suspension : jambes McPherson, ressorts hélicoïdaux, triangles, amortisseurs, barre antiroulis (AV), jambes McPherson, ressorts hélicoïdaux, biellettes transversales amortisseurs, barre antiroulis (AR)
- Transmission : boîte 5 manuelle, traction
- Puissance : 165 ch à 5 500 tr/mn
- Couple : 284 Nm à 2 750 tr/mn
- Poids : 1 150 kg
- Vitesse maxi : 218 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 7,2 secondes (donnée constructeur)
> Pour trouver des annonces de Lancia, rendez-vous sur le site de La Centrale.
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